Plaignant
Mme Roxanne Bolduc
Maison des naissances du CSSS de l’Ouest-de-l’Île et Mme Christiane Léonard, responsable des Services Sages-femmes
Mis en cause
M. Félix Séguin, journaliste et le Groupe TVA et M. Serge Fortin, vice-président, Information
Résumé de la plainte
À la suite de la diffusion d’un reportage, le 23 juin 2011, à TVA, Mme Roxanne Bolduc et Mme Christiane Léonard, au nom de la Maison des naissances du CSSS de l’Ouest-de-l’Île, portent plainte, respectivement les 27 juin et 16 novembre 2011, contre le journaliste, M. Félix Séguin, pour ce qu’elles estiment être du sensationnalisme dans sa couverture d’un événement tragique, à savoir la mort d’un bébé à l’accouchement, qui se déroulait dans une maison de sages-femmes. Après avoir contacté les services d’urgence à la suite de complications au moment de la naissance, les pompiers qui avaient été dépêchés sur les lieux se seraient vu refuser l’accès aux lieux par les sages-femmes, prétendant qu’elles avaient une formation plus appropriée que celle des pompiers pour intervenir dans cette situation. Les plaignantes reprochent en outre au journaliste d’avoir donné des informations inexactes, incomplètes et partiales.
Commentaires du mis en cause
Le Groupe TVA a refusé de répondre à la présente plainte.
Analyse
Grief 1 : sensationnalisme
Dans sa plainte, les plaignantes reprochent au journaliste d’insinuer « que les sages-femmes ont laissé mourir l’enfant sans réagir et en nuisant aux efforts des premiers répondants », d’une part, mais également, d’autre part, que celui-ci aurait omis de mentionner qu’elles étaient les plus « aptes à agir lors de cette malheureuse situation », étant donné leur formation avancée en réanimation néonatale.
Le guide des Droits et responsabilités de la presse (DERP) énonce que dans les cas touchant aux drames humains, les médias et journalistes « doivent éviter tout sensationnalisme dans le traitement de ces événements et prendre garde de leur accorder un caractère démesuré, sinon amplifié, par rapport à leur degré d’intérêt public. Ils doivent éviter de mettre l’accent sur les aspects morbides, spectaculaires ou sensationnels de ces événements. » (DERP, p. 42)
À la suite du visionnement du reportage, on constate que les adjectifs et le ton utilisés par le journaliste pour décrire la situation sont mesurés : il parle ainsi d’une situation « troublante » et évoque les « graves complications » qui ont suivi la naissance du bébé, sans plus.
De l’avis du Conseil, ces adjectifs et le ton ne sont pas de nature à déformer l’importance de cet événement, à le rendre démesuré ou amplifié, étant donné leur caractère d’intérêt public.
Le grief pour sensationnalisme est donc rejeté.
Grief 2 : information inexacte
Les plaignantes reprochent aux mis en cause d’avoir insinué que les sages-femmes n’ont pas fourni les soins nécessaires au nouveau-né.
Le reportage du journaliste laisse cependant amplement la parole à Mme Christiane Léonard, sage-femme travaillant aux Services de sages-femmes du CSSS de l’Ouest-de-l’Île, où s’est déroulé le drame en question. Dans l’entrevue qu’elle donne, elle mentionne explicitement que les sages-femmes étaient, selon elle, les plus aptes à répondre à cette situation d’urgence, ce qui laisse croire évidemment que les soins que les sages-femmes du centre jugeaient appropriés avaient été prodigués à l’enfant. De plus, jamais le journaliste n’affirme que les sages-femmes n’ont pas fourni les soins nécessaires au nouveau-né.
Pour ces raisons, le grief pour information inexacte est rejeté.
Grief 3 : information incomplète et partiale
Finalement, Mmes Bolduc et Léonard reprochent au journaliste de ne pas faire mention des « réelles compétences des sages-femmes en réanimation néonatale » et le fait, que l’entrevue avec la représentante du centre de naissance « ait été écourtée, ce qui ne permet pas de connaître la version des faits des sages-femmes ». Elles avancent en outre que le journaliste ne « s’est manifestement pas renseigné sur la formation des sages-femmes […], car elles étaient les plus compétentes dans la situation et ont bien agi en limitant l’accès des pompiers au site de l’urgence. »
Le Conseil s’est entretenu avec la responsable des services de sages-femmes, Mme Léonard, pour connaître la teneur des propos qu’elle a effectivement tenus lors de l’entrevue, afin d’évaluer si des éléments essentiels avaient été éludés lors du montage et ainsi de déterminer si le caractère incomplet de l’information transmise pouvait constituer une forme de partialité.
D’une part, s’il est vrai que le journaliste ne mentionne pas la formation que détiennent effectivement les sages-femmes à cet égard, le Conseil remarque, par ailleurs, que la représentante des sages-femmes, Mme Léonard, y fait référence lorsqu’elle rappelle que les responsables du centre ont alors répondu aux pompiers qui cherchaient à accéder aux lieux que « les sages-femmes étaient des professionnelles habilitées pour répondre à cette urgence ». Il n’était donc pas nécessaire de le répéter.
De l’avis du Conseil, le résultat du montage de l’entrevue avec la représentante des sages-femmes ne présente pas de partialité qui déformerait les propos de l’invitée. Le Conseil estime, par ailleurs, que les principaux éléments nécessaires à une bonne compréhension des faits étaient présents dans le reportage.
En conséquence, le grief pour information incomplète et partiale est rejeté.
Grief 4 : atteinte à la réputation
Selon les plaignantes, le reportage est une atteinte à la réputation et à la dignité de la profession de sage-femme.
Le Conseil rappelle que l’atteinte à la réputation, la diffamation et le libelle ne sont pas considérés comme du ressort de la déontologie journalistique, mais qu’ils relèvent plutôt de la sphère judiciaire. Comme le Conseil de presse ne rend pas de décision en la matière, le grief pour atteinte à la réputation n’a pas été traité.
Refus de collaborer
Le Groupe TVA n’a pas souhaité répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Groupe TVA son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte le concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Mme Roxanne Bolduc et Mme Christiane Léonard, de la Maison des naissances de l’Ouest-de-l’Île, à l’encontre du journaliste Félix Séguin et le Groupe TVA, pour les griefs de sensationnalisme, d’information inexacte ainsi que d’information incomplète et partiale.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme le Groupe TVA.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
- C13A Partialité
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C24A Manque de collaboration