Plaignant
M. Trevor Smith
Mis en cause
M. Jim Duff, éditeur et l’hebdomadaire The Hudson Gazette
Résumé de la plainte
M. Trevor Smith porte plainte contre l’éditeur du journal The Hudson Gazette, M. Jim Duff, relativement à deux textes, le premier intitulé « What’s the rush » publié le 10 mars 2010 et le second « Brazolot receives unconditional discharge », publié le 15 juin 2011. Le plaignant y dénonce des informations incomplètes et inexactes, un manque d’équilibre et d’impartialité et un refus d’un droit de réplique. M. Smith estime que ces textes portent un sérieux préjudice à l’endroit de quatre femmes alléguant être harcelées sexuellement par M. Brazolot.
Avant d’aborder les griefs du plaignant, le Conseil tient à préciser qu’il n’analysera pas la le texte du 10 mars 2010. En effet, comme indiqué dans notre règlement No 3, à l’article 3.1, une plainte doit être soumise dans un délai de six mois suivant la publication ou la diffusion de l’objet visé par la plainte. Or, l’article remonte à 1 an et 4 mois.
Analyse
Grief 1 : information inexacte et incomplète
M. Trevor Smith reproche au journaliste Jim Duff d’avoir publié 3 informations inexactes et une information incomplète dans son article intitulé « Brazolot receives unconditional discharge », publié le 15 juin 2011. Le premier grief pour information inexacte porte sur le passage où le journaliste décrit les accusations portées contre M. Brazolot : « By pleading guilty to four simple assault charges […] ». M. Smith prétend que le terme, « simple assault » n’existe pas dans le Code criminel canadien, on doit plutôt parler de « sexual assault » ou encore de « assault ».
Le second grief pour information inexacte soulevé par M. Smith se rapporte à la description des procédures entamées par les mêmes femmes auprès de la Commission des relations de travail (CRT). L’article mentionne que la CRT a représenté les victimes dans le cadre de leurs procédures alors que, selon le plaignant, c’est lui-même qui a représenté ces femmes devant la CRT.
Le troisième grief pour information inexacte concerne le passage de l’article où le journaliste mentionne que : « two are still collecting CSST benefits for psychological harassment they claim to have suffered ». Selon le plaignant, l’utilisation du terme « claim » n’est pas appropriée puisque les femmes ne prétendent pas avoir subi des dommages, ces dommages ont été démontrés dans le cadre des procédures auprès de la Commission de la santé et sécurité au travail.
Quant au troisième grief pour information incomplète, le plaignant reproche au journaliste d’avoir omis de mentionner qu’un jugement de la Commission des relations du travail condamne M. Brazolot à verser 16 000 $ en dommages et intérêts à deux des quatre victimes pour congédiement sans cause juste et suffisante.
Le Conseil constate qu’effectivement, l’expression « simple assault » pour qualifier l’accusation portée contre M. Brazolot dans l’article de M. Duff, n’existe pas. En effet, les articles 265 et 266 du Code criminel utilisent le terme « assault » en langue anglaise et non les termes « simple assault ». Le Conseil remarque cependant que les termes « voies de fait simple » sont souvent utilisés en langue française pour identifier cette même infraction, ce qui semble expliquer l’inexactitude dans l’article du journaliste.
Dans le cas de la Commission des relations de travail qui, selon le journaliste, représentait deux des femmes qui ont porté plainte pour congédiement illégal, le Conseil, après vérification, constate que c’est effectivement le plaignant, M. Trevor Smith, qui représentait ces femmes devant la Commission.
En regard des deux inexactitudes relevées aux paragraphes 3 et 4, le Conseil considère qu’il s’agit d’inexactitudes mineures et non significatives pour la compréhension des faits et rejette donc le grief d’information inexacte.
Pour ce qui est de l’utilisation du terme « claim » pour parler du harcèlement psychologique dont les femmes ont été victimes, ce terme, dans le sens de prétendre, est tout à fait de mise. Le Conseil remarque que l’utilisation du terme « claim » constitue une expression souvent utilisée dans un contexte judiciaire, le journaliste ne faisait que rapporter les allégations formulées par les victimes. Le choix du terme « claim » n’implique pas une remise en question de la véracité des allégations. Donc, le mot « claim » ne fausse pas l’information et ne change aucunement le sens du propos. Le grief pour information incomplète est rejeté.
Quant à l’omission de la condamnation de M. Brazolot à verser 16 000 $ en dommages et intérêts aux femmes congédiées illégalement, le Conseil estime que l’auteur M. Duff n’était pas tenu de refaire tout l’historique du procès et cette information n’était pas nécessaire à la bonne compréhension de l’article. Ce grief est rejeté.
Par conséquent, le Conseil rejette le grief pour information inexacte et incomplète.
Grief 2 : manque d’équilibre
Le plaignant reproche à l’éditeur M. Duff de ne pas avoir tenté de recueillir les réactions des femmes victimes de harcèlement de la part de M. Brazolot à l’issue du procès relaté dans l’article du 15 juin 2011. M. Smith dénonce le fait que le journaliste ne s’en tient qu’à la réaction de l’avocate de M. Brazolot qui parle plutôt de l’impact du procès sur la vie de M. Brazolot. Le plaignant y voit là un biais en faveur de l’inculpé, M. Brazolot, au détriment des femmes victimes de harcèlement.
M. Smith s’en prend aussi au titre de l’article « Brazolot receives unconditional discharge » qui met l’accent sur le fait que Brazolot a reçu la sentence la plus clémente, soit une absolution inconditionnelle, et non pas sur l’idée qu’il a plaidé coupable.
Encore là, le Conseil estime que le mis en cause n’était pas tenu d’aller chercher les réactions des victimes. L’angle de traitement de son texte était le résumé de l’issue du procès, où on y retrouvait deux choses principales : M. Brazolot a obtenu une absolution inconditionnelle après avoir plaidé coupable à des accusations de voies de faits simples. Le Conseil rappelle que : « L’information livrée au public fait nécessairement l’objet de choix rédactionnels et subit un traitement journalistique suivant divers modes appelés genres journalistiques. Ces genres, de même que la façon de présenter et d’illustrer l’information, relèvent du jugement rédactionnel et demeurent des prérogatives des médias et des professionnels de l’information. » (DERP, p. 13)
En ce qui concerne le titre de l’article que le plaignant dénonce, le Conseil fait remarquer que si le titre annonce que Brazolot a reçu une absolution inconditionnelle, le sous-titre, qui suit immédiatement le titre, indique bel et bien que M. Brazolot a plaidé coupable à des accusations de harcèlement. Le Conseil estime que l’équilibre a été respecté et rejette ainsi le grief pour manque d’équilibre.
Grief 3 : refus d’un droit de réplique
Le plaignant, M. Trevor Smith dénonce le fait que le journal The Hudson Gazette a refusé de publier sa lettre de réplique à l’article de M. Jim Duff. M. Smith écrit : « They have refused to reply or print a letter responding to this vindictive and distorted example of journalism. »
Le mis en cause, M. Duff, s’explique en disant que la lettre de M. Smith était diffamatoire, comportait des éléments de libelle et que la politique de son journal ne lui permettait pas de publier une telle lettre.
Puisque le Conseil a considéré que les inexactitudes publiées n’étaient pas essentielles à la bonne compréhension de l’article, le journal n’avait pas à publier une lettre de réplique. Le grief pour refus de publier une réplique est donc rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Trevor Smith à l’encontre de M. Jim Duff et l’hebdomadaire The Hudson Gazette pour information inexacte et incomplète, manque d’équilibre et refus d’un droit de réplique.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C12B Information incomplète
- C19A Absence/refus de rectification
Date de l’appel
4 April 2012
Appelant
M. Trevor Smith
Décision en appel
Après examen, la commission d’appel ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance. Cependant, une correction est apportée au paragraphe [16] : La première phrase devra se lire comme suit : « En ce qui concerne le titre de l’article que le plaignant dénonce, le Conseil fait remarquer que si le titre annonce que Brazolot a reçu une absolution inconditionnelle, le sous-titre, qui suit immédiatement le titre, indique bel et bien que M. Brazolot a plaidé coupable à des accusations de harcèlement. »
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, l’appel est rejeté.