Plaignant
Mmes Lise Baucher-Morency, Marie Bernier et Michèle Nadeau
Mis en cause
M. François Cardinal, éditorialiste; M. André Pratte, éditorialiste en chef et le quotidien La Presse
Résumé de la plainte
Mmes Lise Baucher-Morency, Marie Bernier et Michèle Nadeau portent plainte, le 23 septembre 2011, contre M. François Cardinal, éditorialiste à La Presse relativement à un éditorial intitulé : « Pas dans mon parc », paru le 22 septembre 2011. Les plaignantes dénoncent des informations inexactes, un manque d’équilibre et exigent une rétractation de même que des excuses.
Analyse
Grief 1 : informations inexactes
Les plaignantes, toutes membres du groupe « Sauvons notre parc », opposées à la construction d’une école primaire sur l’emplacement du parc de la Fontaine de l’Île-des-Sœurs, estiment que plusieurs informations dans l’éditorial de M. Cardinal sont inexactes.
Les inexactitudes porteraient principalement sur la valeur des études menées sur d’autres sites potentiels, sur l’importance de l’espace du parc impliqué par ce projet, sur les coûts de construction du stationnement et sur l’étendue de l’espace dézoné.
Enfin, les plaignantes dénoncent le fait que M. Cardinal rappelle une autre pétition signée en 2009, par des résidents d’une autre tour d’habitation dans le but de faire fermer un parc pour enfants. Mmes Baucher-Morency, Bernier et Nadeau estiment que le journaliste associe indûment les deux groupes.
Dans leur réplique, Me Patrick Bourbeau représentant de La Presse, explique que l’éditorial du 22 septembre 2011 s’appuyait sur une très large documentation et que « M. Cardinal a soupesé les opinions des divers intervenants et a procédé à une analyse de leurs arguments ». Selon Me Bourbeau, la discussion relève d’un débat d’idées et les plaignantes sont simplement en désaccord avec le point de vue de M. Cardinal.
Le Conseil a pris connaissance des arguments des opposants au projet d’école dans le parc de la Fontaine de l’Île-des-Sœurs, regroupés dans un document, « Sauvons notre parc », disponible sur Internet. Il a aussi consulté les études de faisabilité sur les différents sites potentiels suggérés par les opposants au maire de l’arrondissement de Verdun. Enfin, le Conseil a pu s’entretenir avec M. François Cardinal.
En ce qui concerne les études « non fiables », décriées par les plaignantes, M. Cardinal affirme les avoir toutes parcourues et les considère très valables, ayant souvent consulté ce genre d’études dans d’autres dossiers. Il les qualifie même d’exhaustives, ce qui semble rare dans le monde municipal, ajoute-t-il. M. Cardinal dit aussi avoir vérifié, à plusieurs reprises, avec les responsables de la Ville, les dimensions du projet d’école versus l’étendue du parc et il affirme s’être lui-même rendu plusieurs fois sur place pour en vérifier la vraisemblance. Il en conclut que l’estimation de 10 % de l’espace du parc qui serait occupé par l’école semble raisonnable.
Quant au coût de deux millions de dollars pour un stationnement souterrain, le mis en cause affirme ne s’être jamais fait confirmer une telle somme, ni par la commission scolaire ni par la Ville, non plus que le refus de l’assumer.
Enfin, en ce qui concerne l’allusion à un autre groupe de citoyens ayant refusé un parc pour enfants dans leur environnement, le Conseil estime que M. Cardinal a mentionné l’existence d’une telle pétition sans laisser sous-entendre que les deux groupes étaient reliés dans cette cause. C’est un rapprochement entre deux événements similaires, sans plus.
Le Conseil croit que François Cardinal s’est acquitté de sa tâche selon les règles de l’art, en vérifiant les informations qu’il livre dans son éditorial. Le Conseil est d’avis que les arguments des opposants au projet d’école relèvent davantage d’un débat d’idées. Le guide du Conseil mentionne que : « Les éditorialistes et commentateurs doivent être fidèles aux faits et faire preuve de rigueur et d’intégrité intellectuelles dans l’évaluation des événements, des situations et des questions sur lesquels ils expriment leurs points de vue, leurs jugements et leurs critiques. » (DERP, p. 28) Le Conseil croit que M. Cardinal a respecté cette règle de déontologie.
Ainsi le grief pour informations inexactes est rejeté.
Grief 2 : manque d’équilibre
Les plaignantes, Mmes Baucher-Morency, Bernier et Nadeau dénoncent le fait que M. Cardinal n’ait pas contacté les membres du groupe « Sauvons notre parc », n’ait pas fait état de leurs arguments dans son article et qu’il ait plutôt pris la part du maire de Verdun. Finalement, elles reprochent au journaliste de ne pas s’être rendu sur place pour constater de visu l’état de la situation.
Me Bourbeau répond qu’il est faux de prétendre que le journaliste a fondé son opinion uniquement sur les faits exposés par la ville de Verdun. Il souligne que l’article s’appuyait sur une très large documentation dont les opinions des opposants relatés dans d’autres articles de La Presse comme, « Bras de fer pour une école de l’Île-des-Sœurs » et « Pas d’école dans mon parc », parus les 22 juin et 30 août 2011.
Lors de son entretien avec le Conseil, M. Cardinal a confirmé ne pas avoir contacté les opposants au projet d’école puisque leur point de vue a été expliqué dans de nombreux articles des journaux locaux, de la presse nationale de même que sur leur site Internet. Il dit les avoir tous lus et y avoir trouvé toute l’information dont il avait besoin. De plus, le journaliste dit s’être rendu, à plusieurs reprises, à l’Île-des-Sœurs sur l’emplacement du parc de la Fontaine.
Encore une fois, le Conseil est d’avis que le texte de François Cardinal en est un d’opinion, dans le cadre d’un éditorial et que l’auteur, avant d’exprimer sa propre opinion, a présenté les principaux points de vue impliqués dans ce dossier. L’article reflète l’opinion de l’auteur qui, de toute évidence, n’est pas la même que celui des plaignantes.
Le grief pour manque d’équilibre est rejeté.
Grief 3 : refus de rétractation, de demande d’excuses et de publication de lettre d’opinion
Les plaignantes, qui considèrent que l’éditorial de M. Cardinal contient des informations inexactes, exigent une rétractation de la part de La Presse. De plus elles demandent que des excuses soient présentées aux opposants au projet d’école dans le parc de la Fontaine pour les avoir associés « faussement à un groupe de résidents qui ont signé la fameuse pétition visant à faire fermer un petit terrain de jeux ». Enfin, les plaignantes soulignent avoir envoyé plusieurs lettres ouvertes à être publiées dans la section « Forum ». Or aucune de ces lettres, disent-elles, n’a été publiée.
Comme le grief pour information inexacte n’a pas été retenu et comme le Conseil considère que l’éditorialiste n’a pas directement associé les opposants au projet d’école à ceux qui, en 2009, demandaient la fermeture d’un parc pour enfants, le grief pour refus de rétractation et demande d’excuses est rejeté.
Par ailleurs, le Conseil estime qu’il aurait été souhaitable de publier quelques lettres d’opinion, favorisant ainsi une diversité d’opinion, bien que le mis en cause n’était pas tenu de les publier dans son journal. Cette décision relève exclusivement de la discrétion rédactionnelle. Ainsi, le grief pour non-publication de lettres d’opinion est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette les plaintes de Mmes Lise Baucher-Morency, Marie Bernier et Michèle Nadeau contre l’éditorialiste François Cardinal et le quotidien La Presse pour informations inexactes, manque d’équilibre, refus de rétractation, demande d’excuses et non-publication de lettres d’opinion.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C19A Absence/refus de rectification
Date de l’appel
20 December 2012
Appelant
Mme Lise Baucher-Morency
Décision en appel
Après examen, les membres de la commission d’appel ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance. Cependant, la commission a jugé que « le comité des plaintes a fait erreur en associant l’appelante à un groupe auquel elle n’est pas membre. Toutefois, considérant que cela ne change rien sur le fond, il n’est pas nécessaire de changer la décision de première instance. »
Par conséquent et conformément aux règles de procédure, l’appel est rejeté et le dossier est fermé.