Plaignant
M. Serge Bernier et Mme Josée Lebel
Mis en cause
M. Stéphane Sinclair, journaliste; M. Dave Parent, directeur de l’information et l’hebdomadaire L’Écho de la Rive-Nord
Résumé de la plainte
M. Serge Bernier et sa conjointe Mme Josée Lebel, le 11 octobre 2011, portent plainte contre le journaliste Stéphane Sinclair et Dave Parent, directeur de l’information à l’hebdomadaire L’Écho de la Rive-Nord, relativement à la rubrique « Vox pop », publiée dans la semaine du 14 septembre 2011, où les gens répondaient à la question : « Contrebande de cigarettes : est-ce que le gouvernement en fait assez? » M. Bernier accuse le journaliste de ne pas avoir respecté sa vie privée en publiant son commentaire et sa photo sans son consentement, d’avoir publié des informations inexactes, atteint à sa réputation et refusé de se rétracter.
Analyse
Grief 1 : non-respect de la vie privée
M. Bernier déplore le fait que le journaliste, M. Sinclair, ait recueilli ses propos pour un « Vox pop », sans se présenter, ni lui dire pourquoi il l’interviewait. Selon le plaignant, M. Sinclair lui aurait expliqué le but de sa démarche après l’avoir questionné. M. Bernier dénonce aussi le fait qu’un photographe accompagnant le journaliste ait pris des photos de lui à son insu. Il n’aurait vu le photographe qu’à la troisième photo. Le plaignant est choqué de voir qu’on ne lui a pas fait signer une autorisation et demandé une pièce d’identité avant de publier sa photo et son commentaire dans le journal. Il estime que les normes journalistiques n’ont pas été appliquées scrupuleusement.
Le directeur de l’information de L’Écho de la Rive-Nord, M. Dave Parent, affirme que toutes les semaines, le journal sonde la population sur un sujet donné pour la rubrique « Vox pop ». Les consignes à l’effet de s’identifier, d’identifier le média pour lequel le journaliste travaille et de mentionner que le commentaire et la photo prise se retrouveront dans le journal, sont toujours respectées. Il ajoute qu’il était lui-même présent au moment où M. Sinclair faisait son entrevue avec le plaignant. Il confirme que le mis en cause s’est identifié avant l’entrevue, qu’il a bien expliqué ce qu’il faisait et que le plaignant a répondu à sa question. M. Parent confirme aussi que c’est le journaliste lui-même qui a pris les photos de M. Bernier, tout en précisant que c’était pour publication. Comme il était insatisfait de la première photo, il en a refait deux autres toujours avec l’accord de M. Bernier.
Le journaliste, M. Sinclair, ajoute que si on regarde les métadonnées des trois photos, elles indiquent qu’elles ont toutes été prises avec une lentille 50 mm, donc relativement près, ce qui fait en sorte que le plaignant ne pouvait ignorer le fait qu’il était photographié.
Le Conseil a pu s’entretenir avec le préposé au stationnement où le journaliste a fait ses entrevues. Le préposé était présent quand M. Sinclair a interrogé M. Bernier et il est formel : M. Sinclair s’est identifié et a expliqué au plaignant le but de sa démarche avant de poser sa question. Le préposé souligne aussi que le journaliste avait papier, crayon en main de même qu’une caméra. Il était accompagné de M. David Parent au moment de l’entrevue. Toujours selon le préposé, le journaliste a ensuite demandé s’il pouvait faire une entrevue et avant de prendre la photo, il a aussi demandé la permission; le plaignant semblait être d’accord. Même son de cloche chez M. Sinclair et M. Parent, directeur de l’information à L’Écho de la Rive-Nord, qui se trouvait sur les lieux au moment de l’entrevue. Le journaliste ajoute qu’il a demandé au plaignant de refaire la photo trois fois avant qu’il ne soit satisfait, ce à quoi, dit-il, M. Bernier s’est prêté sans difficulté.
Quant à M. Bernier, à qui le Conseil a aussi parlé, il persiste à dire que le mis en cause était seul, qu’une autre personne, plus loin, prenait des photos à son insu. Il insiste aussi pour dire qu’il n’a jamais accepté que ses propos et sa photo soient publiés.
Le Conseil constate que M. Bernier a répondu lorsque le journaliste lui a demandé son nom et son lieu de résidence. De la même façon, M. Bernier affirme qu’il a accepté qu’on prenne la troisième photo. Il déclare : « Je me suis aperçu juste de la dernière photo. » Il a ainsi pu voir que c’était le journaliste qui prenait les photos et qu’elles n’ont pas été prises à son insu. Dans ces circonstances, le Conseil est d’avis que le journaliste n’avait pas à faire signer une autorisation comme l’aurait souhaité le plaignant. Ce dernier, en répondant à la question et en « posant » pour la photo, savait ce qu’il faisait. Le Conseil juge que M. Bernier a implicitement donné son consentement à la prise de photo ainsi qu’à sa publication et estime que le journaliste a accompli son travail dans le respect des normes journalistiques.
Ainsi, le grief pour non-respect de la vie privée est rejeté.
Grief 2 : information inexacte
Le plaignant, M. Serge Bernier, qui a dit au journaliste se nommer Serge Alouette quand celui-ci lui a demandé son nom, déplore que le journal ait publié cette information sans la vérifier. M. Bernier écrit : « Ils écrivent n’importe quoi sur les gens avec les mauvaises figures, les mauvais noms. » Sa conjointe, Mme Lebel, ajoute aussi que la citation : « Ils pourraient tous les enterrer » publiée dans le journal, est fausse. Elle déplore le fait que le journaliste n’ait demandé aucune pièce d’identité avant de publier l’information dans le journal.
M. David Parent, directeur de l’information, confirme que la personne interrogée s’est identifiée comme étant Serge Alouette. « Dans ces circonstances, nous devons nous fier à la bonne foi des personnes interrogées. Nous ne pouvons quand même pas demander une pièce d’identité pour vérifier le nom. » De plus, M. Parent confirme la version du journaliste au sujet des commentaires émis par M. Bernier et rapportés dans le journal.
Le Conseil estime que la version des mis en cause est nettement plus crédible que celle des plaignants et que le journaliste n’a commis aucune faute, ni en identifiant le plaignant de « Serge Alouette », ni en citant les propos de M. Bernier.
Le grief pour information inexacte est rejeté.
Grief 3 : atteinte à la réputation
Les plaignants, M. Bernier et Mme Lebel, considèrent que le fait d’avoir mal identifié la photo de M. Bernier et d’avoir publié son commentaire, qui hors contexte, peut sembler désobligeant, porte atteinte à leur réputation et peut avoir des effets néfastes sur leur entreprise, S.W.D. Rénovation.
Le Conseil rappelle que l’atteinte à la réputation, la diffamation et le libelle ne sont pas considérés comme du ressort de la déontologie journalistique, mais qu’ils relèvent plutôt de la sphère judiciaire. Comme le Conseil de presse ne rend pas de décision en la matière, le grief pour atteinte à la réputation n’a pas été traité.
Grief 4 : refus de rétractation
Les plaignants dénoncent le fait que le journaliste Stéphane Sinclair et le journal L’Écho de la Rive-Nord refusent de se rétracter et de rectifier les informations quant au nom de M. Bernier dans le journal.
Le Conseil est d’avis que, comme le mis en cause n’a pas publié d’information inexacte, il n’avait pas à publier une rétractation.
Le grief pour refus de rétraction est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Serge Bernier et Mme Josée Lebel contre M. Stéphane Sinclair, journaliste, M. David Parent, directeur de l’information et le journal L’Écho de la Rive-Nord, pour les griefs de non-respect à la vie privée, information inexacte et refus de rétractation.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C19A Absence/refus de rectification