Plaignant
M. Pierre Curzi
Mis en cause
M. Jean-Jacques Samson, journaliste; M. Éric Cliche, directeur de l’information et le quotidien Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
M. Pierre Curzi dépose une plainte, le 12 janvier 2012, contre M. Jean-Jacques Samson, chroniqueur au Journal de Québec, relativement à deux articles, le premier intitulé « La dérive de Curzi » paru le 13 septembre 2011 et le second « L’accommodement de la Sainte-Flanelle » publié le 12 décembre 2011. M. Curzi y dénonce des informations inexactes et demande au mis en cause et au journal de se rétracter.
Commentaires du mis en cause
Le Journal de Québec a refusé de répondre à la présente plainte. M. Samson a cependant transmis au Conseil sa réponse à une demande de rétractation rédigée par M. Curzi préalablement au dépôt de la présente plainte.
Analyse
Grief 1 : informations inexactes
M. Curzi dénonce deux phrases dans les articles de M. Samson. La première, publiée dans la chronique du 13 septembre 2011 se lit comme suit : « Il (Pierre Curzi) a déjà soutenu le plus sérieusement du monde que Andrew Molson gardait le Canadien de Montréal dans la médiocrité, de sorte que les Québécois francophones ne s’y identifient pas et que leur nationalisme chute ». Dans le deuxième article, daté du 12 décembre 2011, M. Samson écrit : « Je n’adhère pas à la théorie du complot de l’indépendantiste Pierre Curzi qui accuse depuis plusieurs mois la famille Molson de chercher à faire baisser la fièvre nationaliste en n’embauchant pas de joueurs francophones en qui les Québécois pourraient s’identifier ». Le plaignant affirme que M. Samson s’est inspiré de deux entrevues accordées à l’émission « Les Francs-tireurs » et à la station CKAC, en septembre 2010, mais qu’il n’a jamais prononcé ces phrases comme telles.
Dans sa réponse à M. Curzi, M. Jean-Jacques Samson écrit « Je n’ai pas cité mot à mot les propos de M. Curzi […]. J’ai interprété honnêtement sa pensée, je crois dans chacun de mes textes ». M. Samson soutient qu’une majorité de commentateurs au Québec a compris la même chose que lui. Il ajoute que M. Curzi n’a jamais récusé cette interprétation de ses paroles depuis septembre 2010.
Le Conseil a écouté les deux entrevues de M. Curzi accordées à l’émission « Les Francs-tireurs » et à la station CKAC. Chez « Les Francs-tireurs », sur le sujet du hockey au Québec, M. Curzi répond à l’interviewer comme suit :
– « Je ne paranoïe pas sur la conspiration. Mais quand ton plus grand symbole identitaire qui s’appelle l’équipe les Canadiens de Montréal, il n’y a plus de francophones, quand tu commences à toucher à ça, c’est politique en maudit. »
– « Je veux dire que ce n’est pas un hasard. Les gens qui sont fédéralistes et les gens qui ne souhaitent pas que le Québec devienne un pays, qui ne souhaitent pas que le français fleurisse, ils savent très bien que tu dois t’emparer d’un certain nombre de symboles identitaires. Et moi je crois qu’il y a une prise de possession du pouvoir fédéral sur le club canadien. »
– « C’est pas des imbéciles ceux qui achètent des équipes de hockey, c’est pas des imbéciles ceux qui financent, c’est pas des gens qui n’ont pas d’opinion politique. »
Le lendemain, dans une autre entrevue accordée à la station CKAC, voici ce que disait M. Curzi :
– « Ce sont des raisons d’affaires. Avant le club de hockey était un atout pour les nationalistes. Maintenant c’est un atout pour les fédéralistes. Je pense que les gens qui sont dans l’organisation sont profondément fédéralistes et conscients qu’une équipe de hockey est un fort véhicule identitaire. »
– « Je n’attaque pas les propriétaires en particulier, c’est une question d’affaires. »
– « Je ne pense pas qu’ils ne veulent pas de Québécois parce qu’ils sont fédéralistes. »
– « Je ne pense pas que ce soit une conspiration volontaire. »
Dans son guide de déontologie, le Conseil précise : « Les auteurs de chroniques, de billets et de critiques ne sauraient se soustraire aux exigences de rigueur et d’exactitude. Ils doivent éviter, tant par le ton que par le vocabulaire qu’ils emploient, de donner aux événements une signification qu’ils n’ont pas ou de laisser planer des malentendus qui risquent de discréditer les personnes ou les groupes. S’ils peuvent dénoncer avec vigueur les idées et les actions qu’ils réprouvent, porter des jugements en toute liberté, rien ne les autorise cependant à cacher ou à altérer des faits pour justifier l’interprétation qu’ils en tirent. » (DERP, p. 28)
Le Conseil doit déterminer si M. Samson a déformé la pensée de M. Curzi telle qu’exprimée dans les deux entrevues qu’il a accordées. Après étude de ces entrevues du plaignant et des articles du mis en cause, le Conseil constate que l’opinion de M. Curzi sur le sujet de la présence des francophones dans l’équipe les Canadiens de Montréal a évolué entre les deux entrevues et ne présente pas une clarté des plus limpides. Dans un premier temps, il affirme voir une volonté politique des propriétaires fédéralistes pour diminuer la présence de joueurs francophones. Dans la deuxième entrevue, il introduit une explication commerciale tout en reprenant la dimension politique, en répétant le caractère fédéraliste des propriétaires et l’importante fonction identitaire de cette équipe de hockey. Bien qu’il n’y voie plus de « conspiration volontaire », M. Curzi établit toujours un lien entre les propriétaires fédéralistes de l’équipe et la diminution de joueurs francophones.
Dans un tel contexte, le Conseil estime que, dans ses deux articles, M. Samson n’a pas commis de faute déontologique en résumant comme il l’a fait la pensée imprécise et mouvante de M. Curzi sur le sujet débattu.
Le grief pour informations inexactes est rejeté.
Grief 2 : refus de rétractation
Le plaignant déplore le fait que M. Samson ainsi que le Journal de Québec refusent de se rétracter comme il en a fait la demande.
Dans sa réponse au plaignant, M. Jean-Jacques Samson se dit étonné par sa demande de rétractation étant donné qu’il dit n’avoir jamais attribué faussement des propos à M. Curzi.
Le Conseil, ayant rejeté le grief pour informations inexactes, estime que le journaliste ainsi que Le Journal de Québec n’avaient pas à rectifier les faits.
Le grief pour refus de rétractation est rejeté.
Refus de collaborer
Le Journal de Québec n’a pas souhaité répondre à la plainte. Le Conseil note cependant que M. Samson a collaboré au dossier lors de l’étape préalable au dépôt de la plainte.
Le Conseil reproche au Journal de Québec son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte le concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Pierre Curzi contre le journaliste Jean-Jacques Samson et le quotidien Le Journal de Québec pour informations inexactes et refus de rétractation.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme le Journal de Québec.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C19A Absence/refus de rectification
- C24A Manque de collaboration