Plaignant
Mme Barbara B. Sherwin
Mis en cause
M. Aaron Derfel, journaliste; Mme Michelle Richardson, rédactrice des nouvelles locales; M. Raymond Brassard, directeur de la rédaction et le quotidien The Gazette
Résumé de la plainte
Mme Barbara Sherwin, chercheuse à l’Université McGill, dépose une plainte, le 23 janvier 2012, contre M. Aaron Derfel, journaliste à The Gazette, relativement à un article intitulé « McGill reprimands prof over ghostwriting scandal », publié le 5 août 2011. Mme Sherwin y dénonce des informations inexactes et incomplètes. Elle accuse aussi le journaliste, M. Derfel, de ne pas citer ses sources, d’avoir porté atteinte à son droit à l’image de même qu’à sa réputation. Enfin, la plaignante estime qu’on lui a refusé son droit de répli
Analyse
Avant d’aborder les différents griefs, le Conseil souhaite remettre la problématique soulevée par l’article de M. Derfel dans un contexte plus large. Le nom de Mme Barbara Sherwin, chercheuse à l’Université McGill et spécialiste de l’effet des hormones sur la mémoire, a refait surface à l’occasion d’un recours collectif aux États-Unis contre la compagnie pharmaceutique Wyeth. On y accuse la compagnie d’avoir passé sous silence les risques associés à l’hormonothérapie de remplacement. Le nom de Mme Sherwin était au nombre des chercheurs qui auraient signé des articles qui en réalité auraient été rédigés par des rédacteurs professionnels (ghostwriter) embauchés par la compagnie Design Writer, elle-même recrutée par Wyeth, afin de produire des articles favorables à ses médicaments. Le nom de Mme Sherwin est le seul à apparaître au bas d’un article paru dans le Journal of the American Geriatrics Society, en avril 2000, intitulé : « Mild cognitive impairment : Potential pharmacological treatment options », article auquel, selon l’avocat du recours collectif, des auteurs « prête-noms » de Design Writer auraient collaboré. L’Université McGill a fait enquête et le journaliste Aaron Derfel présente, dans son article, un suivi sur cette enquête.
Grief 1 : informations inexactes et incomplètes
Innocenter – Un des points dénoncés dans ce grief par la plaignante est le fait que le journaliste, M. Derfel, n’ait pas mentionné dans son article, que Mme Sherwin avait été blanchie, par l’Université McGill, des accusations d’avoir signé un article qu’elle n’a pas entièrement écrit et pour avoir écrit un article qui semblait favoriser la compagnie pharmaceutique Wyeth. Mme Sherwin affirme qu’elle a discuté de cette question avec M. Derfel dans son entrevue téléphonique, mais qu’il n’en a pas tenu compte. La chercheuse ajoute que ce que le journaliste semble dire c’est qu’elle a été trouvée coupable, mais que l’Université ne lui a pas donné de sanctions, ce qui ne reflète pas la réalité.
Le mis en cause affirme de son côté, qu’à la suite d’un article paru dans la revue Maclean’s où il est écrit que Mme Sherwin avait été blanchie par l’Université McGill, il a rejoint la chercheuse pour discuter de l’enquête et de ses projets de recherches. À la question : « So I understand that you’ve been cleared of the allegations? », M. Derfel dit que Mme Sherwin a répondu : « Well, they said I should have acknowledged that woman ». M. Derfel est formel : jamais Mme Sherwin n’a précisé qu’elle avait été blanchie. Il ajoute qu’elle n’a jamais discuté des deux accusations qui ont fait l’objet de l’enquête durant l’entrevue et elle n’a jamais fourni de document ni à The Gazette, ni au Conseil de presse sur la nature exacte de l’enquête et ses résultats. Elle n’a parlé que de la réprimande imposée par l’université. M. Derfel ajoute que l’Université McGill n’a jamais rendu publics les résultats de son enquête sur Mme Sherwin et a toujours refusé de les commenter de telle sorte qu’il n’a jamais obtenu de confirmation officielle voulant que Mme Sherwin avait été lavée de tous soupçons.
Le Conseil constate en effet que nulle part, dans son article, M. Derfel ne fait mention du fait que la plaignante a été lavée de tous soupçons. M. Derfel, comme indiqué dans sa réplique et aussi lors d’une discussion avec un analyste du Conseil, soutient que Mme Sherwin ne lui a répondu que ce qui est cité plus haut, à l’effet que l’université lui a dit qu’elle aurait dû nommer « cette femme ». Le Conseil a tenté d’obtenir copie de l’enregistrement de l’entrevue de M. Derfel avec Mme Sherwin, mais, selon le mis en cause, l’entrevue semble avoir été ou égarée ou effacée. Par ailleurs, M. Derfel avoue n’avoir jamais vu de confirmation officielle comme quoi Mme Sherwin était blanchie et ses tentatives auprès de l’Université McGill pour se le faire confirmer n’ont rien donné. Ses seules références étaient l’article publié dans la revue Maclean’s, dans lequel Mme Sherwin dit avoir été blanchie et la lettre envoyée à The Gazette, signée par M. Richard Janda, professeur de droit à McGill et conseiller auprès de Mme Sherwin dans toute cette affaire. Le Conseil estime que le journaliste a été prudent en ne publiant pas le fait que Mme Sherwin a été blanchie ne pouvant se le faire confirmer officiellement à ce moment-là. Dans ce contexte, le Conseil est d’avis que le journaliste a respecté les normes journalistiques en n’écrivant que ce qu’il pouvait vérifier et confirmer.
Par ailleurs, six mois après la parution de l’article de M. Derfel, le journal The Gazette a jugé bon d’apporter une rectification dans son édition du 8 février 2012, en page A2, pour préciser que l’article du 5 août 2011 aurait dû mentionner que l’Université McGill avait blanchi Mme Sherwin de l’accusation d’avoir signé un article écrit par des « auteurs fantômes ». Aucune mention n’a été faite de l’accusation d’avoir écrit un article favorable à la compagnie Wyeth.
Le Conseil observe que The Gazette a apporté une correction, qui même si elle semble incomplète à la plaignante, apporte des précisions suffisantes pour comprendre que Mme Sherwin a été blanchie.
Cet aspect du grief est donc rejeté.
Réprimande – La plaignante affirme qu’elle a été réprimandée par l’Université McGill pour ne pas avoir mentionné que la compagnie Design Write, une firme spécialisée en communications, avait retranscrit plusieurs versions de son article. Mme Sherwin ajoute que c’est ce qu’elle a dit au mis en cause lors de leur entrevue téléphonique. Ainsi, ce que M. Derfel a écrit, à l’effet qu’elle avait été réprimandée pour ne pas avoir nommé le nom d’une rédactrice professionnelle embauchée par la compagnie pharmaceutique Wyeth est totalement faux. Mme Sherwin nie aussi catégoriquement avoir dit à M. Derfel : « Well they say I should have acknowledge that woman » de même que la phrase suivante : « The committee said I should have acknowledged someone, but I tried to and she refused to be acknowledged ». Quant au communiqué de presse publié au moment où l’affaire a éclaté, et dans lequel Mme Sherwin admet avoir commis une erreur en acceptant de signer un article sans mentionner qu’il y avait un autre auteur, Mme Sherwin dit n’avoir jamais signé ou publié ce communiqué. C’est plutôt le département des relations publiques de l’Université McGill qui l’a rédigé et publié.
M. Derfel répond que jamais, dans leur conversation, Mme Sherwin n’a dit avoir été réprimandée pour ne pas avoir mentionné le travail de Design Write dans la transcription de ses brouillons. Au contraire ajoute-t-il, elle a dit à deux reprises avoir été réprimandée parce qu’elle n’avait pas mentionné le nom d’une autre auteure. M. Derfel a même avancé le nom de Karen Mittleman, employée par Design Write, cité par la revue Maclean’s et que Mme Sherwin disait connaître.
La rédactrice des nouvelles locales à The Gazette, Michelle Richardson a rencontré Mme Sherwin insatisfaite de l’article de M. Derfel, plusieurs mois après sa publication. Mme Richardson est formelle : Mme Sherwin a reconnu plusieurs fois durant leur discussion, avoir été réprimandée par l’Université McGill pour ne pas avoir mentionné le nom de Karen Mittleman.
Le Conseil constate que le seul endroit où la plaignante parle d’une réprimande pour ne pas avoir mentionné que ses ébauches étaient retranscrites par la compagnie Design Write est dans sa plainte. Dans son communiqué de presse, il est clair que la chercheuse admet avoir commis « une erreur » en ne mentionnant pas le nom d’un autre auteur et même si Mme Sherwin dit qu’elle n’a pas écrit ce communiqué, elle ne l’a jamais démenti publiquement. De la même manière, Mme Sherwin n’a jamais démenti ce qu’elle a confié à la revue Maclean’s à l’effet qu’elle avait offert à Mme Mittleman de nommer son nom et que celle-ci a décliné son offre. Le Conseil note aussi que dans son commentaire, à la suite de la réplique de la mise en cause, Mme Sherwin parle plutôt d’une réprimande pour ne pas avoir mentionné une « aide éditoriale » (editorial assistance), ce qui semble être une autre version des faits qui implique plus qu’un simple travail de transcription.
Enfin, le Conseil a pu prendre connaissance de la documentation amassée par M. Derfel qui consiste en lettres et en fax échangés entre Design Write et Mme Sherwin concernant des corrections apportées à son article et dans lesquels le nom de Mme Mittleman est mentionné. Ces notes sont des corrections éditoriales et non pas des questions de transcription et de formatage.
Il semble donc évident pour le Conseil que la réprimande imposée à Mme Sherwin par l’Université McGill porte sur le fait de ne pas avoir mentionné le nom d’un autre auteur et non pas sur le travail de dactylo de Design Writer dans la transcription de ses brouillons. Cet aspect du grief est rejeté.
Ordre des psychologues du Québec – Mme Sherwin dénonce le fait que le journaliste ait écrit qu’elle avait été suspendue de l’Ordre des psychologues du Québec et qu’elle ne pouvait plus pratiquer à titre de psychologue. Rien n’est plus faux ajoute la plaignante. Elle explique que sa licence est « inactive », car elle est en congé sabbatique et l’Ordre permet qu’on ne paye pas les frais annuels quand on arrête temporairement d’enseigner ou de pratiquer. Mme Sherwin déplore le fait que M. Derfel ne lui ait jamais demandé d’éclaircir ce point en entrevue.
Le mis en cause explique qu’il n’a jamais écrit que la plaignante avait été suspendue de l’Ordre des psychologues du Québec. Il a écrit qu’elle ne fait plus partie de l’Ordre et a surtout insisté, dit-il, pour spécifier que Mme Sherwin lui avait dit qu’il n’y avait pas eu d’enquête sur son compte à l’Ordre et qu’elle n’y avait pas de dossier disciplinaire. M. Derfel précise aussi qu’il ne savait pas qu’elle avait demandé un congé sabbatique et que Mme Sherwin ne lui en avait pas parlé.
Le Conseil estime que le journaliste n’a pas publié d’information inexacte en écrivant que Mme Sherwin « n’était plus membre de l’Ordre des psychologues. » De plus, The Gazette a cru bon apporter une correction, le 8 février 2012, en indiquant que la licence de Mme Sherwin à l’Ordre des psychologues avait été « suspendue » à sa demande pendant son congé sabbatique et qu’elle serait « réactivée » quand elle en ferait la demande. Cet aspect du grief est rejeté.
L’étude de Mme Sherwin : « Mild cognitive impairment : Potential pharmacological treatment options » – Mme Sherwin réfute les allégations du mis en cause qui écrit que l’article de la plaignante a été publié au même moment où des doutes sérieux étaient soulevés quant aux hormones de remplacement. Mme Sherwin présume que le journaliste faisait référence à la grande étude américaine, la Women’s Health Initiative, publiée en 2003, très critique à l’endroit des hormones de remplacement comme ceux produits par la compagnie Wyeth. Or, l’article de Mme Sherwin est paru en avril 2000, bien avant les résultats de cette grande étude. De plus, la plaignante nie que son étude portait sur les hormones de remplacement. Elle dit qu’elle a plutôt analysé huit différents « traitements pharmacologiques » et leurs effets sur la mémoire et que son étude ne portait pas nécessairement sur des femmes ménopausées. Elle croit que le rapprochement que fait le journaliste entre son article, les hormones de remplacement et la compagnie Wyeth est insidieux.
M. Delfer réplique que déjà, en 1998 et 1999, des études (qu’il cite dans sa réplique) parlaient d’une association possible entre les hormones de remplacement et le cancer du sein ainsi que d’autres problèmes de santé. Ces études étaient connues au moment de la publication de l’étude de Mme Sherwin.
Le Conseil, tout en confirmant le fait que l’étude de Mme Sherwin portait sur huit drogues et hormones qui peuvent avoir un effet positif sur la mémoire des femmes d’un certain âge, réalise qu’une attention particulière est portée à l’étude de l’estrogène. On y mentionne aussi les bienfaits des hormones de remplacement. Dans la conclusion de l’article, on peut lire : « L’estrogène en particulier mérite une attention particulière à cause de ses propriétés stimulantes sur la mémoire ». Sans se faire l’apôtre des hormones de remplacement et surtout, sans jamais faire référence de quelque manière que se soit aux produits de la compagnie Wyeth, le Conseil ne peut nier que l’article de la plaignante est favorable à l’hormone estrogène.
Par ailleurs, le Conseil estime que le journaliste est juste quand il fait référence à des études de 1998-99, études plus négatives quant à la thérapie des hormones de remplacement, bien qu’il ne les ait pas citées dans son article. Il aurait été souhaitable, pour la bonne compréhension du dossier, qu’il donne ces références. Cela dit, ce qu’avance le journaliste n’est pas faux et le Conseil est d’avis que le choix de ne pas citer ces études relève d’une décision éditoriale. « Les choix des faits et des événements rapportés, de même que celui des questions d’intérêt public traitées, relèvent de la discrétion des directions des salles de nouvelles des organes de presse et des journalistes. » (DERP, p. 14) Cette partie du grief est rejetée.
Projet de recherche – La plaignante dénonce le fait que le journaliste ait écrit que « Mme Sherwin a refusé de divulguer la source de financement » de sa nouvelle étude sur la mémoire et les femmes de 65 ans et plus. Mme Sherwin estime que cette question n’avait rien à voir avec le but de l’entrevue, c’est-à-dire l’enquête de l’Université McGill à son sujet. De plus, la chercheuse a jugé le ton du journaliste, lors de l’entrevue, accusateur et elle avait peur de ce qu’il écrirait. Elle a, dit-elle, choisi de mettre un terme à l’entrevue.
M. Derfel explique qu’il a demandé à Mme Sherwin de discuter de sa nouvelle recherche, pour laquelle elle avait fait publier une annonce dans The Gazette. M. Derfel affirme qu’il a demandé si la recherche était financée pas l’Institut de recherche en santé du Canada (IRSC), ce à quoi Mme Sherwin a répondu non. Mais, poursuit le journaliste, elle n’a pas voulu relever ses sources de financement, ce qu’il a rapporté dans son article.
Lors de sa rencontre avec Mme Sherwin, la rédactrice des nouvelles locales, à The Gazette, Mme Michelle Richardson, explique que la plaignante lui a affirmé avoir menti à M. Derfel au sujet du financement de sa nouvelle étude. Selon elle, elle a avoué avoir nié que l’Institut de recherche en santé du Canada finançait son étude. Or, ajoute Mme Richardson, dans le cours de leur conversation, Mme Sherwin a admis que son projet recevait une subvention de l’IRSC. À la question : « Pourquoi avoir menti au journaliste? », Mme Sherwin a répondu : « I felt he was up to no good ». Mme Richardson insiste pour dire que les notes prises par son assistante à cette réunion peuvent en témoigner.
Le Conseil souhaite ajouter que dans sa réponse à la réplique du journaliste et de Mme Richardson, Mme Sherwin revient sur cette question du financement. D’abord, elle dit n’avoir jamais admis avoir menti à M. Derfel, tel que le prétend Mme Richardson. Le problème vient de la complexité du financement de son étude. Mme Sherwin dit avoir utilisé l’argent qui provient d’une bourse qui lui a été attribuée en 2007 par les Chaires de recherches du Canada (CRC). Or l’argent du CRC provient du IRSC. Ainsi, Mme Sherwin dit qu’elle ne savait pas qui elle devait créditer pour le financement et ne voulait pas commettre d’impair, ce qui a donc motivé son refus d’en parler avec le journaliste. Mais elle est catégorique, elle n’a pas menti.
Le Conseil considère que, dans son article du 5 août 2012, M. Derfel ne fait que rapporter ce que Mme Sherwin lui a dit dans son entrevue. Comme elle l’explique elle-même, elle n’a pas voulu divulguer d’où venaient les sommes allouées à la recherche. De plus, M. Derfel cite les paroles de Mme Sherwin qui explique que son projet de recherche a été approuvé par le comité d’éthique de McGill, a franchi toutes les étapes de la procédure et qu’elle n’avait donc pas à rendre publique l’information au sujet du financement. Selon le Conseil, le journaliste a rapporté les faits tels que recueillis en entrevue, conformément aux règles journalistiques, et rien n’indique, dans sa façon de présenter ces faits, que la source de financement de l’étude puisse être douteuse. Le journaliste n’a pas pu donner de détails sur le financement puisque la chercheuse a préféré ne pas répondre à ses questions. Le Conseil rejette donc cet aspect du grief.
Titre trompeur – Mme Barbara Sherwin déplore le titre et le résumé de l’article publié en première page de The Gazette le 5 août 2011. Selon la plaignante, le texte laisse sous-entendre que l’Université McGill a « gardé » la chercheuse à son service malgré le fait qu’elle a fait l’objet d’une enquête de huit mois, après avoir été au centre d’un scandale de prête-nom. C’est comme dire, ajoute Mme Sherwin, « elle est coupable, mais on la garde ». Mme Sherwin dénonce, encore une fois, le fait que l’on n’ait pas mentionné qu’elle avait été blanchie.
Mme Michelle Richardson du journal The Gazette répond que la façon dont l’Université McGill a géré le cas de Mme Sherwin était un sujet d’intérêt public. Elle ajoute que le titre signifie que McGill a réprimandé Mme Sherwin pour ne pas avoir mentionné le nom de Karen Mittleman, mais qu’elle était toujours professeure à l’université. Mme Richardson ajoute que le journal a publié une correction pour préciser que Mme Sherwin avait été blanchie de toute accusation.
Le Conseil estime que le titre et le résumé de la première page reflètent l’essentiel de l’article publié en page A11. Le Conseil rappelle que : « Le choix des manchettes et des titres, ainsi que des légendes qui accompagnent les photos, les images et les illustrations, relève de la prérogative de l’éditeur. Il en va de même de la politique du média à cet égard et du choix des moyens jugés les plus efficaces pour rendre l’information diffusée intéressante, vivante, dynamique et susceptible de retenir l’attention du public ». (DERP, p. 19) Le Conseil indique aussi à nouveau que le quotidien a effectué une correction le 8 février 2012 pour souligner le fait que Mme Sherwin avait été lavée de tous soupçons. Cette partie du grief est donc rejetée.
Ainsi, le grief pour informations inexactes et incomplètes a été rejeté.
Grief 2 : sources non citées
La plaignante déplore le fait que le journaliste ne donne pas sa source quand il affirme qu’elle a été réprimandée par l’Université McGill pour ne pas avoir mentionné le nom d’une auteure fantôme.
Le Conseil constate que le journaliste cite dans son texte le communiqué de presse de l’Université McGill dans lequel Mme Sherwin reconnaît avoir commis une erreur en ne mentionnant pas le nom de ou des autres auteurs. De plus, le mis en cause cite les paroles de Mme Sherwin recueillies en entrevue et qui dit : « Le comité dit que j’aurais dû mentionner quelqu’un, mais j’ai essayé et elle a refusé ». Comme l’Université McGill de même que la plaignante ont tous deux refusé de rendre publiques les conclusions de l’enquête, le Conseil pense que ces deux citations constituent ses sources d’information. Le grief pour sources non citées est rejeté.
Grief 3 : atteinte au droit à l’image
Mme Sherwin se plaint de ce que le journal The Gazette a publié sa photo sans son consentement.
Le mis en cause, même s’il n’est pas responsable du choix des photos, répond que Mme Sherwin est devenue un personnage public de par ses recherches et de par le poste important qu’elle occupe à l’université. De plus, le dossier auquel son nom est mêlé est d’intérêt public. Il était donc tout à fait normal de publier sa photo en marge de son article. D’ailleurs, ajoute M. Derfel, Mme Sherwin a consenti à ce qu’un photographe de The Gazette prenne sa photo lors d’une autre entrevue. Que le journal publie cette photo à nouveau est pratique courante.
Le Conseil est d’accord pour dire que, dans le cas qui nous intéresse, la photo de Mme Sherwin n’a pas été prise à son insu. En tant que personne publique, occupant un poste important dans une institution publique, les lecteurs ont le droit de voir la photo de la personne faisant l’objet du reportage. D’ailleurs, la photo de la plaignante est disponible sur le site du département de psychologie de l’Université McGill. Dans le guide les Droits et responsabilité de la presse, on peut lire : « La liberté de la presse et le droit du public à l’information autorisent les médias et les professionnels de l’information […] à prendre et à diffuser les photos, images, commentaires, sons et voix qu’ils jugent d’intérêt public. » (DERP, p. 19) Le grief pour atteinte au droit à l’image est rejeté.
Grief 4 : atteinte à la réputation
La plaignante considère que le ton et le contenu de l’article de M. Derfel ont eu un effet néfaste et sur sa vie personnelle et sur sa vie professionnelle et sa réputation en a grandement souffert.
En ce qui concerne le reproche pour atteinte à la réputation, le Conseil rappelle que la diffamation, le libelle et l’atteinte à la réputation ne sont pas considérés comme du ressort de la déontologie journalistique, mais qu’ils relèvent plutôt de la sphère judiciaire. Comme le Conseil de presse ne rend pas de décisions en la matière, le grief pour atteinte à la réputation n’a pas été traité.
Grief 5 : refus de réplique
Mme Sherwin dénonce l’inaction du journal The Gazette à publier une lettre d’opinion pour rectifier les faits erronés contenus dans l’article de M. Derfel. Dans ce cas-ci c’est M. Richard Janda, qui a servi de conseiller à Mme Sherwin tout au long de l’enquête de l’Université McGill, qui a envoyé une lettre à être publiée. Dans un premier temps, The Gazette a répondu que le texte était trop long et trop complexe. M. Janda a retravaillé le tout et l’a soumis à nouveau. Il n’a jamais eu de réponse de The Gazette.
Le Conseil estime que The Gazette n’avait pas l’obligation de publier la lettre d’opinion rédigée par M. Janda puisqu’elle avait déjà publié des précisions sur deux aspects importants des critiques de Mme Sherwin.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Mme Barbara Sherwin contre M. Aaron Derfel et le quotidien The Gazette pour informations inexactes et incomplètes, sources non citées, atteinte au droit à l’image et refus de réplique.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
- C17G Atteinte à l’image
Date de l’appel
20 December 2012
Appelant
Mme Barbara B. Sherwin
Décision en appel
Les membres de la commission d’appel ont conclut à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Par conséquent et conformément aux règles de procédure, l’appel est rejeté et le dossier est fermé.
Analyse de la décision en appel
- C03B Sources d’information
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C17G Atteinte à l’image
- C19A Absence/refus de rectification