Plaignant
Roche ltée, Groupe-conseil et Me Diane Plante, services juridiques
Mis en cause
M. Alain Gravel, journaliste; Mme Marie-Maude Denis, journaliste; Mme Chantal Cauchy, journaliste; Mme Sonis Desmarais, réalisatrice; M. Jean Pelletier, directeur contenu, affaires publiques; l’émission « Enquête » et la Société Radio-Canada
Résumé de la plainte
La firme d’ingénierie Roche ltée, par l’entremise de Me Diane Plante, dépose une plainte, le 27 avril 2012 contre Alain Gravel, Marie-Maude Denis, Chantal Cauchy, journalistes et Sonia Desmarais, réalisatrice, relativement à un reportage de l’émission « Enquête » de Radio-Canada, intitulé « Anguille sous roche », diffusé le 12 avril 2012. La plaignante y dénonce une atteinte au droit à un procès juste et équitable et une atteinte à la dignité, une absence d’intérêt public, un manque d’impartialité, du harcèlement et une cueillette illégitime d’information.
Analyse
Grief 1 : atteinte au droit à un procès juste et équitable
La firme Roche ltée déplore que l’émission « Enquête » ait diffusé des extraits d’interrogatoire de la police faits avec des employés de la firme, Mme France Michaud et M. Gaétan Morin tous deux accusés, et ait montré des pièces documentaires incriminantes. Me Plante affirme que les journalistes ont « utilisé une preuve non encore déclarée recevable dans le cadre des instances criminelles et l’ont diffusée de façon consciente et volontaire, laissant croire publiquement à l’admissibilité desdits éléments de preuve ». Me Plante ajoute : « en agissant ainsi, ils [les journalistes] se sont substitués au processus judiciaire en cours et ont procédé au lynchage public de deux employés de Roche faisant actuellement l’objet de procédures criminelles, et ce, à l’encontre de la présomption d’innocence ». La plaignante craint aussi que lors du procès de ces deux employés, les membres d’un jury soient influencés par le reportage qu’ils auraient vu au moment de la diffusion ou sur le site de Radio-Canada. Ainsi, selon la plaignante, on a privé ces employés d’un procès juste et équitable.
Me Sylvie Gadoury, du service juridique de Radio-Canada, déclare, dans un premier temps, que tout au long du reportage, les mis en cause ont fait en sorte que les téléspectateurs comprennent bien que les gens étaient accusés et non condamnés. Les mots « allégations », « selon l’enquête de police » et l’utilisation du conditionnel reviennent fréquemment. Au début du reportage, il est bien dit : « un juge décidera plus tard de leur culpabilité ou de leur innocence ».
Me Gadoury fait aussi valoir qu’après l’arrestation et la mise en accusation de sept personnes liées au dossier Boisbriand, aucune ordonnance de non-publication n’a été prononcée. Me Gadoury explique qu’il est fréquent que les médias couvrent une perquisition, divulguent des noms et le contenu de la dénonciation. À cette étape, ce ne sont que des allégations d’un policier, lesquelles n’ont pas encore été admises en preuve. Le reportage a voulu illustrer une étape du processus judiciaire, étape qui comprend des éléments de preuve non encore déclarés recevables. Me Gadoury n’y voit rien de répréhensible. Quant à la possibilité que le reportage puisse influencer les futurs membres du jury, Radio-Canada souligne qu’au moment de la diffusion, les dates du procès n’étaient pas fixées. Me Gadoury rappelle aussi que les tribunaux ont reconnu qu’au bout de quelques jours ou quelques semaines, le souvenir d’un reportage s’estompe, voire même s’efface. Elle conclut en disant que l’on doit « éviter de mettre en doute la capacité des jurés d’accomplir leur tâche en respectant les directives qui assurent aux accusés un procès juste et équitable ».
Le Conseil rappelle que : « La liberté de la presse se fonde sur le rôle social qui est dévolu aux médias et aux professionnels de l’information dans une société démocratique comme la nôtre. Ce rôle consiste à rechercher, collecter, traiter, commenter et diffuser, sans entrave, l’information d’intérêt public nécessaire à l’existence et au maintien de la vie démocratique […]. L’administration de la justice est publique et il importe qu’elle soit rendue comme telle, malgré le caractère privé et souvent très délicat de certains dossiers. » (DERP, pp. 7 et 10)
Le Conseil constate que certains protagonistes du reportage d’« Enquête », Mme France Michaud et M. Gaétan Morin, ont fait l’objet de 13 chefs d’accusation dont fraude, actes de corruption et complot d’extorsion, à la suite d’une longue enquête policière de l’escouade Marteau. Ces faits ont été connus et publiés bien avant le reportage d’« Enquête ». Les mis en cause ont fait enquête et obtenu des informations, des documents, des vidéos qu’ils ont choisis de présenter afin d’illustrer un processus judiciaire. De plus, aucune ordonnance de non-publication n’interdisait de présenter ces preuves et jamais ne mentionne-t-on, dans le reportage, que ces preuves ont été admises de quelque façon que ce soit. Le Conseil note aussi que le plaignant ne contredit aucune des preuves présentées à l’antenne et a refusé l’invitation des journalistes à venir s’expliquer. Le Conseil estime qu’il en va de la liberté de presse de pouvoir présenter ces documents, interrogatoires et entrevues afin de rendre compte de la situation sans qu’il n’en résulte « un procès par les médias ».
L’écoute du reportage de même que les entrevues accordées par la journaliste Marie-Maude Denis et Isabelle Richer, chroniqueuse judiciaire à Radio-Canada, à la suite de la diffusion d’« Enquête », ont permis aussi au Conseil de constater que les mis en cause ont bien pris soin de mentionner, à plusieurs reprises, que les gens dont il était fait mention, étaient accusés, en attente de procès et seront jugés coupables ou innocents. On parle donc de gens accusés, mais non condamnés.
Enfin, en ce qui a trait à l’influence qu’un tel reportage peut avoir sur un éventuel jury, le Conseil rappelle que cette émission du 12 avril 2012 a été retirée du site Internet de Radio-Canada le 11 mai dernier, à la suite d’une ordonnance de la Cour supérieure. De plus, 5 mois après la diffusion du reportage, la date du procès n’a toujours pas été fixée, ce qui laisse penser que le délai entre la diffusion du reportage et la tenue d’un procès sera suffisamment long pour minimiser son impact sur les membres d’un jury.
Ainsi en interviewant des témoins, en réussissant à obtenir des documents de preuve et en resituant le tout dans le large contexte des enquêtes sur la construction, les mis en cause ont effectué un travail d’enquête tout en respectant les normes et pratiques reconnues dans le milieu journalistique. Cependant, le Conseil invite les médias à faire preuve de grande prudence lorsqu’ils diffusent, en dehors d’une couverture judiciaire, des extraits d’interrogatoire de police.
Pour toutes ces raisons, le grief pour atteinte au droit à un procès juste et équitable est rejeté.
Grief 2 : atteinte à la dignité
La plaignante est d’avis qu’en diffusant la vidéo des interrogatoires policiers de Mme Michaud et de M Morin, les mis en cause ont porté atteinte à la dignité de ces employés. La plaignante considère cette diffusion comme illégitime.
Me Gadoury prétend que la perquisition chez Roche et les accusations portées contre France Michaud et Gaétan Morin ont été largement publicisées dans les médias québécois. « Conséquemment, nous soutenons que si Roche et ses employés ont subi des inconvénients et dommages, ceux-ci ne résultent pas du reportage d’ »Enquête », mais bien du fait que, d’une part, Roche ait fait l’objet d’une perquisition et que deux de ses employés aient été accusés dans le contexte plus global du scandale de la construction et d’autre part, du fait qu’au Canada, le principe de la transparence du processus judiciaire est reconnu comme étant un principe fondamental dans notre société démocratique.
Le Conseil note, en effet, que la perquisition chez Roche ltée a eu lieu le 7 avril 2010 et l’arrestation de Mme Michaud et M. Morin, le 3 février 2011. Le dossier « Roche » a donc commencé à faire la manchette deux ans avant la diffusion du reportage d’« Enquête ». Le Conseil croit donc qu’il est faux de prétendre qu’« Enquête » est responsable des inconvénients subis par les employés de Roche. D’autre part, la vidéo des interrogatoires de Mme Michaud et M. Morin montre des gens prêts à se défendre et à récuser les accusations. Le Conseil ne considère pas que cette diffusion soit illégitime et ait heurté la dignité des employés de Roche. Le grief pour atteinte à la dignité est rejeté.
Grief 3 : absence d’intérêt public
La firme Roche ltée considère que la diffusion des interrogatoires policiers des employés de la compagnie n’était pas justifiée par un haut degré d’intérêt public. Me Plante déclare : « ils n’ont pas fait la distinction entre ce qui est d’intérêt public et l’intérêt du public ou ce qui relève de la curiosité publique ».
Me Sylvie Gadoury estime que tout le dossier de la corruption dans l’industrie de la construction est au cœur de l’actualité depuis quelques années. Elle écrit : « nous sommes loin d’être ici en présence de ce qui relève de la curiosité publique […]. Bien au contraire, nous estimons que la diffusion des extraits des interrogatoires vidéo n’était pas contraire à l’éthique journalistique […] ».
Le guide du Conseil de presse mentionne que : « Il est difficile de définir la notion d’intérêt public. Cette notion n’est pas statique, mais en constante mouvance […]. Néanmoins, il est possible de prétendre que la notion d’intérêt public en information s’étend à tout ce qui est nécessaire au citoyen pour qu’il participe pleinement à la vie en société […]. » (DERP, p. 7)
Le Conseil croit que le sujet de la corruption dans l’industrie de la construction est un sujet de grand intérêt public au point où le gouvernement a décidé de créer une enquête publique pour y voir plus clair. Le reportage d’« Enquête » sur la firme Roche, qui elle-même fait la manchette depuis deux ans, s’inscrit tout à fait dans ce dossier d’actualité. D’ailleurs, le Conseil note que la plaignante, elle-même, a reconnu que « tout ce qui a trait aux problèmes de l’industrie de la construction ou de la collusion des corps publics revêt actuellement un haut degré d’intérêt public ». Le Conseil est aussi d’avis que le choix du sujet de reportage et la façon de raconter l’histoire relèvent de la prérogative éditoriale des médias et des journalistes. Dans cet esprit, les interrogatoires policiers des deux accusés sont partie intégrante du reportage et il était tout à fait justifié de les diffuser. Le grief pour absence d’intérêt public est rejeté.
Grief 4 : manque d’impartialité
Me Diane Plante accuse les mis en cause d’avoir stratégiquement sélectionné certains éléments de la preuve au détriment d’autres et d’avoir ainsi manqué d’impartialité.
Dans sa réplique, Me Gadoury de Radio-Canada, fait valoir que, comme l’information dévoilée dans le reportage provenait d’une source confidentielle, Me Plante ne connaît pas l’ensemble de ces éléments de preuve et donc ne peut conclure qu’ils ont été stratégiquement sélectionnés.
Le Conseil croit qu’il est incorrect de conclure à un choix partial des éléments de preuve présentés dans le reportage puisque la plaignante ne mentionne aucun élément ou aspect du dossier qui serait manquant. De plus, le reportage « Anguille sous roche » présente aussi les dénégations des accusés quant à ces éléments de preuve, ce qui apporte un autre son de cloche.
La plaignante déplore, de plus, l’importance démesurée accordée à la version non nuancée de M. Gilles Cloutier, un délateur qui déclare lui-même avoir une réputation entachée par des gestes posés par le passé, ce qui mine sa crédibilité.
Me Gadoury réplique de son côté que l’équipe de journalistes a bien pris soin de mentionner que ce dernier « était loin d’être un pur innocent ». Le reportage souligne aussi que M. Cloutier avait été mis à l’amende par le Bureau de la concurrence, afin se s’assurer de donner aux téléspectateurs tous les éléments pour évaluer la crédibilité de ce dernier.
En ce qui concerne M. Gilles Cloutier, le Conseil constate que ce dernier a été un témoin clé dans l’affaire Roche, qui s’est terminée par une perquisition et des arrestations. De plus, le reportage n’hésite pas à situer les propos de M. Cloutier dans un contexte plus large, mentionnant que son dossier personnel n’est pas vierge. Ainsi le Conseil ne voit pas ici de traitement partial.
Le grief pour manque d’impartialité est rejeté.
Grief 5 : harcèlement
La plaignante, la firme Roche ltée, soutient que l’un des invités à l’émission, M. Gilles Cloutier, a été harcelé par la journaliste Marie-Maude Denis alors qu’elle l’interpelait dans un stationnement public. Me Plante dit que le témoin avait refusé d’accorder une entrevue à plusieurs reprises et qu’il aurait affirmé par le biais d’une déclaration solennelle s’être senti harcelé voire même menacé par les journalistes d’« Enquête ».
Me Gadoury rétorque qu’en aucun temps M. Cloutier n’a été harcelé. À la diffusion, on peut voir, dit-elle, qu’il n’y avait aucune menace ou autre forme de harcèlement durant l’entrevue de M. Cloutier. Ce dernier s’est même prêté à un exercice de prise de visuel aux fins du reportage. Enfin, la représentante de Radio-Canada précise que M. Cloutier a parlé à la journaliste avant et aussi après l’entrevue pour donner des informations supplémentaires.
Pour le Conseil, le visionnement du reportage permet de conclure que M. Cloutier a accordé une entrevue de son plein gré, et ce même si on semble avoir insisté pour le convaincre. Selon le Conseil, il est clair que le témoin n’a pas été piégé, qu’il savait qu’il était filmé et enregistré. M. Cloutier aurait d’ailleurs pu mettre fin à l’entrevue et quitter les lieux, ce qu’il n’a pas fait. De plus, la journaliste Mme Marie-Maude Denis nous a confirmé qu’à aucun moment M. Cloutier n’a demandé que son entrevue ne soit pas diffusée. Ainsi, le grief pour harcèlement est rejeté.
Grief 6 : cueillette illégitime d’information
La plaignante dénonce le fait que Radio-Canada ait « […] stratégiquement sélectionné certains éléments de la preuve rendue accessible en contravention d’un engagement de confidentialité liant les procureurs de la poursuite et de la défense et à l’encontre de toutes les règles déontologiques dont l’esprit vise à préserver le droit à une défense pleine et entière ».
Radio-Canada, par la voix de Me Gadoury, répond que rien ne permet à la plaignante d’affirmer que la preuve ait été rendue accessible en contravention d’un engagement de confidentialité liant les procureurs de la poursuite et de la défense, puisque la source de l’information a exigé que son identité ne soit pas révélée. Il est donc impossible de conclure que les documents ont été transmis en violation d’un engagement de confidentialité que cette personne aurait pris. D’ailleurs, ajoute Me Gadoury, si la source en question était liée à un tiers par un engagement de confidentialité, cet engagement ne lie aucunement les journalistes.
Le guide du Conseil mentionne que « La confidentialité des sources d’information des médias et des journalistes est essentielle à la liberté de la presse et au droit du public à l’information. » (DERP, p. 11)
Le Conseil constate que la source d’information qui a fourni le document à l’équipe journalistique n’est pas connue et juge qu’il est donc impossible de conclure à une cueillette illégitime de l’information. Par ailleurs, l’existence ou non d’un bri d’entente de confidentialité entre les procureurs des parties impliquées ne concerne en rien le Conseil. Le grief pour cueillette illégitime d’information est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de la firme Roche ltée Groupe-conseil contre les journalistes Alain Gravel, Marie-Maude Denis, Chantal Cauchy, la réalisatrice Sonia Desmarais, l’émission « Enquête » et la Société Radio-Canada pour atteinte au droit à un procès juste et équitable, atteinte à la dignité, absence d’intérêt public, manque d’impartialité, harcèlement et pour cueillette illégitime d’information.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C03C Sélection des faits rapportés
- C13A Partialité
- C16D Publication d’informations privées
- C23J Intimidation/harcèlement
Date de l’appel
6 June 2013
Appelant
Roche ltée, Groupe-Conseil (Me Diane Plante, services juridiques)
Décision en appel
PRÉAMBULE
Lors de l’étude d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement, aux griefs exprimés, en première instance.
Il est à noter que la commission d’appel n’entend aucun nouveau motif de plainte.
GRIEFS DE L’APPELANTE
L’appelante conteste quatre griefs de la décision de première instance :
- Grief 1 : atteinte au droit à un procès juste et équitable
- Grief 2 : atteinte à la dignité
- Grief 4 : manque d’impartialité
- Grief 6 : cueillette illégitime d’information
Grief 1 : atteinte au droit à un procès juste et équitable – Selon l’appelante, Me Diane Plante, la Société Radio-Canada s’est substituée aux tribunaux en faisant un procès public à deux employés de Roche à l’aide d’une preuve non encore déclarée recevable devant les tribunaux. L’appelante n’accepte pas l’argument selon lequel la diffusion des interrogatoires était justifiée puisqu’il serait fréquent, par exemple, que les médias couvrent une perquisition. Selon Me Plante, sauf situation exceptionnelle, une perquisition peut être menée lorsqu’un mandat a été émis par un juge de paix et devient alors public. Or, ajoute, Me Plante, une telle autorisation émise par une personne neutre et impartiale n’est pas requise pour interroger une personne lors de son arrestation et le contenu d’un tel interrogatoire ne fait pas automatiquement partie de la preuve qui sera produite à la Cour. Pour l’appelante, il s’agit de deux situations bien différentes et elle s’explique mal que le comité des plaintes puisse avoir retenu un tel argument.
Les intimés, représentés par Me Geneviève McSween, mentionnent que ces deux procédés d’enquête sont tout aussi valables et les médias peuvent les rapporter au public. D’ailleurs, précise Me McSween, dans le présent cas, des accusations ont bel et bien été portées contre les personnes interrogées.
Les membres du comité des plaintes concluaient que les deux employés de Roche, Mme France Michaud et M. Gaétan Morin, ont fait l’objet de 13 chefs d’accusation dont fraude, actes de corruption et complot d’extorsion, à la suite d’une longue enquête policière de l’escouade Marteau. Ces faits ont été connus et publiés bien avant le reportage d’« Enquête » et aucune ordonnance de non-publication n’interdisait de présenter ces preuves. Les journalistes ont fait enquête et ont obtenu des informations, des documents, des vidéos qu’ils ont choisis de présenter afin d’illustrer un processus judiciaire.
De plus, le comité des plaintes constatait que les journalistes ont bien pris soin de mentionner, à plusieurs reprises, que les gens dont il était fait mention, étaient accusés, en attente de procès et seront jugés coupables ou innocents. On parle de gens accusés, mais non condamnés.
Finalement, en ayant interviewé des témoins, obtenu des documents de preuve et resitué le tout dans le large contexte des enquêtes sur la construction, les journalistes ont effectué un travail respectant les principes déontologiques.
Les membres de la commission d’appel considèrent que le comité des plaintes a bien appliqué les principes déontologiques en matière d’atteinte au droit à un procès juste et équitable.
Grief 2 : atteinte à la dignité – Selon l’appelante, la SRC aurait atteint à la dignité des deux employés de Roche en diffusant une vidéo où ils sont interrogés privément par des policiers, au moment de leur arrestation.
La SRC mentionne que le reportage d’« Enquête » soulevait de sérieuses questions sur différentes pratiques de personnes liées à l’entreprise, questions qui demeurent, selon Me McSween, toujours d’actualité aujourd’hui considérant certaines allégations faites devant la Commission Charbonneau notamment à l’égard de Roche.
Les membres du comité des plaintes ne considéraient pas que la diffusion ait été illégitime et qu’elle ait heurté la dignité des employés de Roche.
Les membres de la commission d’appel considèrent que le comité des plaintes a bien appliqué les principes déontologiques en matière d’atteinte à la dignité.
Grief 4 : manque d’impartialité – L’appelante considère que la SRC a fait preuve de partialité en diffusant des extraits triés sur le volet et en n’ayant pas vérifié le bien-fondé des informations données par M. Gilles Cloutier quant à son statut chez Roche.
Les intimés maintiennent que Radio-Canada a préparé un reportage en stricte conformité avec les principes reconnus en journalisme d’enquête.
Les membres du comité des plaintes ont considéré que les journalistes ont effectué des choix sans commettre une faute de partialité. De plus, la plaignante n’a mentionné aucun élément ou aspect du dossier qui serait manquant. Quant à la diffusion des propos de M. Gilles Cloutier, le comité des plaintes considérait qu’il était un témoin clé dans l’affaire Roche qui s’est terminée par une perquisition et des arrestations et que le reportage situe les propos de M. Cloutier dans un contexte plus large, mentionnant que son dossier personnel n’est pas vierge.
Les membres de la commission d’appel considèrent que le comité des plaintes a bien appliqué les principes déontologiques en matière de manque d’impartialité.
Grief 6 : cueillette illégitime d’information – Selon l’appelante, une preuve aurait été rendue accessible à la SRC en contravention d’un engagement de confidentialité liant les procureurs de la poursuite et de la défense. Me Plante dénonce le fait que la SRC ait utilisé un document qui appartenait aux instances criminelles et que seules ces dernières pouvaient déterminer si ce document était recevable comme preuve ou non. Selon l’appelante, au lieu de remettre le document aux autorités compétentes, la SRC s’est réfugiée derrière le concept de protection des sources et a choisi de lyncher publiquement deux accusés.
Les intimés maintiennent que Radio-Canada a préparé un reportage en stricte conformité avec les principes reconnus en journalisme d’enquête.
Les membres du comité des plaintes ont considéré que la source d’information qui a fourni le document à l’équipe journalistique n’étant pas connue, ils ont jugé qu’il était donc impossible de conclure à une cueillette illégitime d’information. Par ailleurs, l’existence ou non d’un bri d’entente de confidentialité entre les procureurs des parties impliquées ne concerne en rien le Conseil.
Les membres de la commission d’appel considèrent que le comité des plaintes a bien appliqué les principes déontologiques en matière de cueillette illégitime d’information.
DÉCISION
Après examen, les membres de la commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, l’appel est rejeté et le dossier cité en titre est fermé.