Plaignant
M. Christian-Dominique Éthier et Les Fruiterie Ethier
Mis en cause
Mme Cécile Gladel, journaliste; Mme Stephanie Lalut, cofondatrice et journaliste et le site Internet RueMasson.com
Faits
M. Christian-Dominique Éthier, des Fruiteries Masson, dépose une plainte, le 2 mai 2012, contre Mme Cécile Gladel, journaliste à RueMasson.com, relativement à un article publié le 26 avril 2012 et intitulé « Ouverture d’une fruiterie extérieure estivale sur Masson ». M. Éthier accuse la journaliste de fausse représentation et d’abus de confiance et y dénonce le contenu méprisant des écrits, une atteinte à sa vie privée, une photo inappropriée et le refus de retrait de l’article du site Internet.
Analyse
Grief 1 : fausse représentation et abus de confiance
Le plaignant affirme que la journaliste, Mme Gladel, s’est présentée à deux reprises à son commerce pour l’inciter à acheter de la publicité sur le site du journal de même que d’y acheter une page Web pour présenter son commerce. M. Ethier dit avoir refusé dans les deux cas, mais a continué à parler avec la journaliste. M. Ethier déplore que la mise en cause se soit alors empressée de publier un article « revanchard », tout ça par vengeance à la suite de son refus d’acheter de la publicité.
Mme Stephanie Lalut, cofondatrice de RueMasson.com nie formellement que Mme Gladel ait tenté de vendre de la publicité au propriétaire des Fruiteries Éthier. Mme Lalut insiste pour dire que la mise en cause s’est présentée en se nommant et en donnant son titre de journaliste à M. Éthier. « Jamais le sujet de la publicité n’a été abordé dans cette conversation ni avec aucune autre personne présente sur les lieux. » Elle explique que le journal travaille avec un représentant de la publicité, indépendant de la rédaction et que ce dernier n’a pas contacté M. Ethier. Mme Lalut nie aussi que Mme Gladel se soit présentée à la fruiterie dans les semaines précédentes. Elle ajoute de plus que Mme Gladel n’aurait pas pu offrir au plaignant de payer pour avoir une page Web sur le site du journal puisque ce service n’existe pas à RueMasson.com.
Devant les versions contradictoires des deux parties et comme aucune preuve ne vient corroborer la version du plaignant, le Conseil a tranché vers l’explication la plus vraisemblable, soit celle de Mme Gladel et de RueMasson.com. Le fait que le plaignant dit avoir été sollicité pour acheter une page Web sur le site du journal alors que ce service n’existe pas et qu’aucun représentant publicitaire, responsable de vendre la publicité du journal, n’ait contacté M. Éthier fait pencher le Conseil en faveur de la version de la mise en cause. Ainsi, le Conseil est d’avis que Mme Gladel a respecté les normes d’éthique journalistique en se présentant comme journaliste et en ne laissant planer aucun doute sur ses intentions de recueillir les commentaires du plaignant. Le grief pour fausse représentation et abus de confiance est rejeté.
Grief 2 : propos méprisants et insultants
Le plaignant dénonce le contenu de l’article de Mme Gladel ainsi que les commentaires des lecteurs, comme étant « revanchards » et « négatifs ».
Mme Lalut de RueMasson.com se dit étonnée des commentaires du plaignant au sujet de l’article. Elle indique que les informations sont factuelles, que le titre respecte le sens, l’esprit et le contenu des textes et ne sert pas de véhicule aux préjugés ou aux partis pris. De plus, les commentaires des lecteurs sont, pour la vaste majorité, favorables à l’ouverture de la fruiterie extérieure. Dans un article précédent, portant sur l’ouverture de la Fruiterie Éthier (commerce intérieur), daté du 8 juin 2011 et signé par Mme Lalut, certains commentaires, plus négatifs, ont quand même fait l’objet d’une sélection afin qu’ils ne soient pas « outranciers, insultants ou discriminatoires ». Mme Lalut dit respecter ainsi les normes et pratiques journalistiques.
Le Conseil, après lecture de l’article, constate qu’on y retrouve effectivement des informations factuelles telles que l’annonce de l’ouverture de la fruiterie extérieure, les produits qui y seront vendus, les heures d’ouverture, etc. Mme Gladel souligne aussi dans son texte le mécontentement du plaignant suite à l’article du 8 juin 2011 au sujet de la fruiterie intérieure, article qui avait suscité quelques commentaires négatifs de la part de certains lecteurs. Rien, dans le contenu de l’article cité dans la plainte, n’apparaît au Conseil comme négatif, revanchard et encore moins diffamatoire et dégradant. Les commentaires des lecteurs, quant à eux, reflètent l’opinion des gens du quartier, certains heureux de l’ouverture du commerce, d’autres, plus critiques, des produits qu’on y vend. Aucun de ces propos n’est, aux yeux du Conseil, méprisants ou insultants. Cette section du journal en est une d’opinion et c’est exactement ce qu’on y retrouve. Le grief pour propos méprisants et insultants est rejeté.
Grief 3 : atteinte à la vie privée
M. Éthier estime que Mme Gladel a porté atteinte à sa vie privée en ne l’avisant pas qu’elle allait publier ses propos, particulièrement ses « confidences » en ce qui a trait à son mécontentement face aux commentaires de certains lecteurs.
La journaliste de RueMasson.com répond que cette affirmation est complètement non fondée. Mme Lalut estime que lorsqu’un journaliste se présente comme tel et pose des questions, une personne peut toujours refuser de répondre. Elle ajoute qu’en ce qui concerne lesdites « confidences » de M. Éthier, rien de ce que Mme Gladel a écrit ne concerne, de près ou de loin, la vie privée et à aucun moment ces informations ne lui ont été présentées comme étant des informations sous confidence.
Le Conseil, après vérification auprès des deux parties, constate que Mme Gladel s’est bien présentée comme journaliste en entrant dans le commerce de M. Éthier. De plus, le plaignant, en mentionnant à Mme Gladel un article précédent qui l’avait déçu, laisse sous-entendre qu’il sait à qui il s’adresse. Le Conseil croit donc que le plaignant n’a pas été piégé. De plus, les propos rapportés par la mise en cause ne portent, à aucun moment, atteinte à la vie privée du plaignant. Ce dernier a émis une opinion sur un article précédent, opinion qui a été rapportée de façon factuelle et sans exagération. Pour le reste, l’article fait référence à la provenance des légumes et à leur fraîcheur, des propos qui ne regardent en rien la vie privée. Ainsi le grief pour atteinte à la vie privée est rejeté.
Grief 4 : photo inappropriée
M. Éthier se plaint de ce que la photo qui accompagne l’article de Mme Gladel soit dégradante.
Mme Lalut de RueMasson.com rétorque que la photo « représente tout simplement la situation au moment d’écrire l’article, comme le mentionne le bas de vignette. Elle n’est ni altérée, ni utilisée de façon dégradante ou infamante ». Mme Lalut conclut : « il est faux de nous attribuer une intention malveillante pour la publication de cette photo ».
Le Conseil rappelle que : « La liberté de la presse et le droit du public à l’information autorisent les médias et les professionnels de l’information (journalistes, caméraman, photographes, preneurs de son et autres) à prendre et à diffuser les photos, images, commentaires, sons et voix qu’ils jugent d’intérêt public. Il est essentiel qu’aucune entrave ne soit faite aux médias et aux journalistes lors de la collecte d’informations, par voie de supports visuels et sonores, qui fait partie intégrante de l’information, même si, ce faisant, les médias peuvent heurter la sensibilité des personnes en cause et du public en général. » (DERP, p. 19)
Pour le Conseil, cette photo était tout à fait justifiée. On y voit un kiosque en construction avec comme vignette le texte suivant : « Le chapiteau de la future fruiterie extérieure était en pleine installation ». Le Conseil estime que rien, ni dans la photo ni dans le texte qui l’accompagne, n’est dégradant ou inapproprié. Le grief pour photo inappropriée est rejeté.
Grief 5 : refus de retirer un article
M. Christian-Dominique Ethier dénonce le fait que RueMasson.com ait refusé de retirer l’article du 26 avril 2012 de son site Internet.
Considérant que le Conseil n’a relevé aucune faute déontologique reliée à la publication de l’article contesté, il considère que les mis en cause n’avaient pas à le retirer. Le grief pour refus de retirer un article est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Christian-Dominique Éthier contre Mme Cécile Gladel et le site Internet RueMasson.com pour fausse représentation et abus de confiance, propos méprisants et insultants, atteinte à la vie privée, photo inappropriée et refus de retirer un article.
Analyse de la décision
- C16D Publication d’informations privées
- C18D Discrimination
- C23C Recours à une fausse identité
- C23D Tromper sur ses intentions