Plaignant
M. Jean-Charles Mascolo et Mme Mélanie Trembaly
Mis en cause
M. Denis Lessard, journaliste; M. Mario Girard, directeur de l’information; le site Internet LaPresse.ca; le quotidien La Presse
M. Jean Gagnon, rédacteur en chef et le quotidien Le Droit
Résumé de la plainte
M. Jean-Charles Mascolo dépose une plainte le 19 mai 2012 contre le journaliste Denis Lessard et le quotidien La Presse, concernant deux articles parus le 19 mai 2012, sous les titres, « Sondage CROP-La Presse : les Québécois en faveur de la ligne dure » et « Manifestations : le travail des policiers salué ». Selon M. Mascolo, les titres tirent des conclusions qui ne semblent pas fondées sur les faits d’actualités. De plus, il déplore la non-publication de la méthodologie employée pour l’exécution des sondages et dénonce que les sondages aient été effectués avant que toutes les informations aient été disponibles au public.
Mme Mélanie Tremblay dépose une plainte le 21 mai 2012 contre le journaliste Denis Lessard, le quotidien Le Droit et le site LaPresse.ca, concernant un article publié le 19 mai 2012, sous le titre, « Les Québécois appuient la loi spéciale ». La plaignante dénonce le fait que le sondage ait été effectué avant que le contenu exact de la loi ne soit rendu public, rendant ainsi, selon elle, la nouvelle mensongère.
Analyse
Grief 1 : publication d’articles et de titres trompeurs
M. Mascolo considère que les titres sont trompeurs et tirent des conclusions qui ne sont pas fondées sur les faits d’actualité intervenus avant la publication de l’article comme le « dépôt de la loi et la condamnation de ladite loi ». Il déplore que le journaliste, Denis Lessard, utilise des propos comme « population appuie massivement » et « les Québécois approuvent largement les interventions policières et jugent disproportionnées les manifestations à répétitions ».
Mme Tremblay qualifie l’article « Les Québécois appuient la loi spéciale » de « nouvelle mensongère » et « d’information erronée » notamment parce que son titre laisse entendre que les personnes sondées connaissaient le contenu précis de la loi présentée.
M. Mascolo et Mme Tremblay dénoncent le fait que le sondage ait été effectué en partie avant que le contenu exact de la loi ne soit rendu public introduisant ainsi un vice méthodologique important au sondage.
Me Patrick Bourbeau, représentant des mis en cause, mentionne que le fait que le sondage ait été effectué avant que le contenu exact de la loi spéciale n’ait été rendu public a clairement été expliqué aux participants et que les textes publiés sont en tous points conformes aux normes journalistiques en matière de publication de résultats de sondage.
Dans l’examen du présent grief, le Conseil doit déterminer si le journaliste a fidèlement rapporté les informations qui se dégageaient du sondage réalisé par la firme CROP.
Le Conseil constate d’abord que l’objectif du mis en cause était essentiellement de vérifier, par sondage, si les Québécois appuyaient ou non la pertinence d’adopter une loi spéciale et non pas s’ils appuyaient le contenu du projet de loi 78. Le libellé de la principale question du sondage reflète cet objectif : « Le gouvernement libéral de Jean Charest a annoncé son intention de voter une loi spéciale qui suspend les cours des établissements scolaires en grève et qui prévoit un retour en classe au mois d’août. De plus, la loi prévoit des amendes sévères pour ceux qui empêcheront le retour en classe. Globalement, êtes-vous en faveur ou opposé à cette loi spéciale? »
Le Conseil constate que 800 internautes ont participé au sondage entre le jeudi 17 mai vers 16 h 30 et le vendredi 18 mai à 12 h.
Bien que le contenu du projet de loi ait été dévoilé avant la fin de la période de réponse au sondage et que la connaissance précise du projet de loi ait pu influencer la réponse de certains internautes, le Conseil estime néanmoins qu’il était légitime de considérer le sondage comme une mesure valable de l’opinion des Québécois sur le principe d’adopter ou non une loi spéciale par le gouvernement.
Le Conseil estime de plus que la présentation des résultats du sondage par le mis en cause devait tenir compte du fait que le projet de loi avait été dévoilé dans ses détails, qu’il comportait des éléments non prévus, jugés par plusieurs comme très sévères, concernant notamment les amendes et le droit de manifester et que plusieurs critiques sévères ont été rapidement exprimées dans les heures suivant son dépôt. Il était ainsi très important de bien présenter les limites des résultats obtenus par le sondage et de ne pas laisser entendre qu’il constituait une lecture de l’opinion des Québécois sur le projet de loi spécifique.
Or, le Conseil constate que les articles et les titres des articles publiés le samedi 19 mai 2012 comportaient des éléments qui débordaient les limites des conclusions du sondage. Il était ainsi non légitime de titrer « Les Québécois appuient la loi spéciale » alors que le sondage portait sur la pertinence d’adopter une loi spéciale. Le Conseil juge qu’il était également inapproprié de titrer et d’écrire dans les articles que les Québécois étaient en faveur « de la ligne dure » puisque le 19 mai, l’expression « la ligne dure » risquait d’être automatiquement associée au projet de loi 78 et non à la pertinence d’adopter une loi spéciale.
Par ailleurs, en regard de l’article « Manifestations : le travail des policiers salué », le Conseil considère que le mis en cause n’a pas commis de faute en écrivant que le sondage démontrait un appui des Québécois envers le travail des policiers puisque le sondage ne présente aucune ambiguïté sur ce point.
Le grief pour publication d’articles et de titres trompeurs est retenu.
Grief 2 : non-publication de la méthodologie d’un sondage
M. Mascolo déplore que la méthodologie appliquée aux sondages n’ait pas été publiée dans les articles de LaPresse.ca.
Me Patrick Bourbeau, représentant les mis en cause, mentionne que tous les éléments pertinents relatifs à la méthodologie ont été divulgués aux lecteurs.
Le guide de déontologie du Conseil de presse en matière de sondage mentionne : « Lorsque les médias publient ou diffusent les résultats des sondages qu’ils ont effectués ou encore lorsqu’ils rapportent ceux d’autres instances, il est primordial que la qualité des informations recueillies par ce moyen soit vérifiable. À cette fin, les médias doivent informer le public des éléments méthodologiques de l’enquête. Ceux-ci sont nécessaires pour que les citoyens puissent formuler leur propre jugement, en toute connaissance de cause, sur l’information qui leur est ainsi transmise. » (DERP, p. 24)
Le Conseil constate que l’article, « Sondage CROP-La Presse : les Québécois en faveur de la ligne dure », comprend les informations relatives à la méthodologie du sondage. Le second article, intitulé « Manifestations : le travail des policiers salué », accompagne immédiatement le premier; il n’y avait donc pas d’obligation à présenter, une nouvelle fois, les informations méthodologiques du sondage. Le grief pour non-publication de la méthodologie d’un sondage est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte contre le journaliste, M. Denis Lessard Le Droit, La Presse et LaPresse.ca pour publication d’articles et de titres trompeurs. Cependant, il rejette le grief pour non-publication de la méthodologie d’un sondage.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C03B Sources d’information
- C11F Titre/présentation de l’information
- C13B Manipulation de l’information