Plaignant
M. Louis Gill
Mis en cause
M. Louis Hamelin, journaliste; Mme Marie-Andrée Chouinard, responsable de la page Idée; Mme Josée Boileau, rédactrice en chef et le quotidien Le Devoir
Résumé de la plainte
M. Louis Gill dépose une plainte le 3 juillet 2012 contre Le Devoir concernant une chronique de M. Louis Hamelin, diffusée dans l’édition des 28 et 29 janvier 2012, sous le titre, « Un homme et sa fiction/What happened to Leon Trotsky?/He got an ice pick. Le plaignant dénonce une information inexacte, incomplète et un refus de publier une réplique.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
M. Louis Gill reproche à M. Hamelin d’avoir présenté le livre, de M. Robert Service, « Trotsky », comme la première grande biographie de Trotsky due à un auteur occidental. À cet égard, le plaignant soumet que plusieurs biographies ont été écrites par des Occidentaux.
Les mis en cause n’apportent aucune réponse à cette affirmation.
Le Conseil constate que le fait d’affirmer que c’est la première grande biographie écrite sur Trotsky par un auteur occidental relève de l’opinion et que, par son rôle de chroniqueur, M. Hamelin avait la liberté d’émettre son point de vue. Le Conseil rejette donc le grief d’information inexacte.
Grief 2 : information incomplète
Ensuite, le plaignant souligne que M. Hamelin adhère sans discernement aux thèses de l’auteur qui serait, selon lui, remis en question par de nombreux éminents historiens. Finalement, le plaignant soutient que M. Hamelin a débordé de sa tâche de chroniqueur en faisant sienne l’entreprise de démolition entamée par l’auteur du livre.
Mme Marie-Andrée Chouinard, éditorialiste et responsable de la page Idées, réplique que s’il y a erreur, ce serait plutôt à l’historien, auteur du livre, d’en être informé et non au Devoir. Mme Chouinard mentionne que M. Hamelin a fait un compte rendu de sa vision du livre sur Trotsky et qu’à cet égard il n’a contrevenu à aucune règle. Mme Chouinard souligne qu’après un rapide coup d’œil sur Internet, il apparaît que le livre a causé une certaine polémique, en fonction du camp que les intéressés occupaient et que le chroniqueur ne croit pas à la version héroïque de Trotsky. Mme Chouinard conclut que les lecteurs n’ont pas été trompés avec le compte rendu de l’une de ces lectures de l’histoire.
Le Conseil estime que dans sa chronique, M. Hamelin rapportait sa vision du livre et rien ne l’obligeait à relater la polémique entourant la publication de ce livre. Rappelons que : « L’attention qu’ils [les médias] décident de porter à un sujet particulier, le choix de ce sujet et sa pertinence relèvent de leur jugement rédactionnel. » (DERP, p. 9) Dans le présent cas, le Conseil ne voit aucun manquement à la déontologie et rejette le grief d’information incomplète.
Le grief pour information incomplète est rejeté.
Grief 3 : refus d’un droit de réplique
Selon le plaignant, les lecteurs étaient en droit de s’attendre à une présentation objective et à un portrait fidèle et c’est pourquoi il a demandé au Devoir de publier son texte.
Mme Chouinard mentionne que la demande de M. Gill est survenue trois mois après la publication de la chronique et qu’alors la publication du texte devenait impossible. Elle ajoute que Le Devoir reçoit chaque jour des dizaines de textes et que les lecteurs s’attendent à ce que les espaces réservés à l’opinion collent à l’actualité du moment. Voilà pourquoi ils ont clairement indiqué à M. Gill que son texte ne serait pas retenu.
Le Conseil considère que l’intervention tardive du plaignant auprès du Devoir (3 mois après la publication de la chronique) rendait moins pertinente le retour sur ce sujet. Ceci, d’autant plus que le Conseil a jugé que M. Hamelin, par sa chronique, n’a pas trompé les lecteurs, soit en rapportant de la fausse information ou en omettant de donner les informations dont fait état la plainte. De ce fait, le journal n’était pas dans l’obligation d’accorder un droit de réplique.
Le grief pour refus d’un droit de réplique est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Louis Gill contre M. Louis Hamelin et le quotidien Le Devoir pour information inexacte, information incomplète et refus d’un droit de réplique.
Analyse de la décision
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C12B Information incomplète
Date de l’appel
6 June 2013
Appelant
M. Louis Gill
Décision en appel
PRÉAMBULE
Lors de l’étude d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.
GRIEFS DE L’APPELANT
L’appelant conteste deux griefs de la décision de première instance :
- Grief 2 : information incomplète
- Grief 3 : refus d’un droit de réplique
Grief 2 : information incomplète – L’appelant considère que Le Devoir a induit le public en erreur et que le média avait l’obligation de rectifier l’information qui fait l’éloge d’un ouvrage dont « l’intégrité intellectuelle est [mise] en question » et qui « viole les normes élémentaires de la recherche historique ».
Selon l’intimée, Mme Josée Boileau rédactrice en chef du Devoir, le but de la chronique ne visait pas à recenser une polémique, mais un livre. L’intimée se demande si M. Gill ne cherche pas à obliger le journal à faire état systématiquement des controverses ou des critiques entourant certains livres publiés. Selon Mme Boileau, l’exigence de livrer une « information exacte, rigoureuse et complète » ne peut être confondue avec un impératif d’exhaustivité tel qu’il ne s’agirait plus de journalisme, mais d’œuvre universitaire.
Les membres du comité de première instance ont considéré que le chroniqueur rapportait sa vision du livre et que rien ne l’obligeait à relater la polémique entourant la publication du livre et n’y ont vu aucun manquement à la déontologie.
Les membres de la commission d’appel considèrent que le comité des plaintes a bien appliqué les principes déontologiques en matière d’information incomplète.
Grief 3 : refus d’un droit de réplique – Selon l’appelant, la responsable de la page Idée du Devoir n’a pas écarté sa publication pour des raisons d’« intervention tardive », mais pour une contrainte d’abondance de textes dans une période agitée. Selon M. Gill, ce n’est pas un droit de réplique qu’il réclamait, mais la publication d’un texte dont l’objectif était de corriger des informations inexactes.
Selon l’intimée, ce dont le plaignant a été privé, c’est une occasion de présenter son propre point de vue. Il ne s’agit donc plus d’un rectificatif, mais d’un texte qui s’ajoute à de nombreux autres reçus chaque jour. Pour Mme Boileau, la responsabilité de l’animation de la page Idée leur appartient ainsi que le choix des textes qui sont choisis parce qu’ils collent à l’actualité.
Les membres du comité de première instance concluaient que la demande tardive de M. Gill, soit 3 mois après la publication du texte rendait moins pertinente le retour sur le sujet. D’autant plus que les membres du comité ont estimé que M. Hamelin n’avait pas trompé les lecteurs, soit en rapportant de la fausse information ou en omettant certaines informations. De ce fait, Le Devoir n’avait pas l’obligation d’accorder un droit de réplique.
Les membres de la commission d’appel considèrent qu’il relève de la responsabilité du Devoir de déterminer l’espace accordé pour la publication des informations qu’ils retiennent et choisissent de porter à l’attention du public. De plus, bien que Le Devoir ne commettait pas de faute en ne publiant pas la lettre de M. Gill, la commission considère néanmoins qu’il aurait été préférable de publier cette lettre permettant ainsi une diversité de points de vue.
Les membres de la commission d’appel observent également que le libellé du Grief 3 aurait dû se lire « refus de publier une lettre d’opinion ». Selon la commission d’appel, un droit de réplique peut être invoqué lorsque des informations ont été publiées ou diffusées à l’endroit de personnes, groupes ou instances. Or, dans le cas présent, M Gill n’était pas personnellement visé par le texte contesté.
Finalement, les membres de la commission d’appel considèrent que le comité des plaintes a bien appliqué les principes déontologiques en matière de refus de publier une lettre d’opinion.
DÉCISION
Après examen, les membres de la commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, l’appel est rejeté et le dossier cité en titre est fermé.