Plaignant
Parti libéral du Québec et M. Karl Blackburn, directeur général
Mis en cause
M. Pierre Duchesne, ex-journaliste et candidat péquiste dans la circonscription de Borduas
Résumé de la plainte
Le Parti libéral du Québec, par la voix de son directeur général, M. Karl Blackburn, a déposé une plainte au Conseil de presse le 6 juillet 2012, contre le candidat péquiste de la circonscription de Borduas, Pierre Duchesne, ex-journaliste de Radio-Canada. Le PLQ estime que M. Duchesne, lorsqu’il exerçait ses fonctions de journaliste, s’est placé en situation de conflit d’intérêts en discutant avec le Parti Québécois pour devenir candidat. M. Blackburn reproche également à M. Duchesne d’avoir fait preuve de partialité dans l’exercice de ses fonctions lorsqu’il couvrait les activités politiques au Parlement de Québec.
Analyse
Grief 1 : conflit d’intérêts
Le PLQ estime que l’ex-journaliste, candidat péquiste de Borduas, s’est placé en conflit d’intérêts parce que le mis en cause aurait négocié son saut en politique avant de quitter son poste de journaliste à Radio-Canada. M. Blackburn, directeur général du PLQ, en veut pour preuve deux articles de journaux : le premier signé par Denis Lessard de La Presse, publié le 30 juin 2012, mentionne que : « Selon les informations obtenues par La Presse, la direction du PQ a prévenu il y a trois mois, l’ex-députée bloquiste Carole Lavallée, pressentie dans Borduas, que la circonscription était réservée à un candidat-vedette de Radio-Canada. ». Le second article signé par Martin Ouellet de la Presse canadienne, publié le 4 juillet dans Le Soleil, précise : « […] Néanmoins, une source au PQ a confié que des discussions avaient été entamées avec M. Duchesne en début d’année. »
De plus, un autre journaliste, qui veut garder l’anonymat, affirme M. Blackburn, aurait confié au PLQ qu’il était au courant de la candidature de M. Duchesne depuis longtemps. Enfin, le directeur général du PLQ pense que les chroniques de Richard Martineau et Chantal Hébert qui ont tous deux écrit le 4 juillet que M. Duchesne était ou biaisé ou en conflit d’intérêts, viennent renforcer la preuve.
Pour sa part, M. Duchesne, conteste catégoriquement le contenu de la plainte du PLQ et affirme de plus qu’elle repose sur une allégation incertaine, nourrie de sources anonymes.
Pierre Duchesne affirme qu’il n’a : « […] jamais entrepris de négociations ou de discussions visant une éventuelle candidature avec quelques partis politiques que ce soit alors que j’étais journaliste […]. Pas plus qu’aucune tierce partie que j’aurais mandatée n’a cherché à établir un contact avec le PQ pour une éventuelle candidature. Il n’y a eu aucun contact direct ou indirect à ce sujet avant le 15 juin 2012, jour de ma démission. Le premier contact que j’ai eu avec le PQ au sujet d’une éventuelle candidature s’est produit le 25 juin […]. Il n’y a donc eu aucun engagement ou comportement de ma part qui a pu me détourner de mon devoir d’indépendance face au public alors que j’étais journaliste. Sans contact entre moi et le PQ au sujet d’une éventuelle candidature, il ne pouvait y avoir aucun conflit d’intérêts, ni aucune apparence de conflit d’intérêts. »
Le mis en cause ajoute que la plainte est non fondée, empreinte de mauvaise foi, basée sur deux articles citant des sources anonymes, non identifiées. M. Duchesne ajoute que le PLQ utilise le même stratagème en affirmant avoir recueilli les confidences d’un autre journaliste non identifié « qui savait depuis longtemps que Duchesne serait candidat ». M. Duchesne estime que « cette affirmation n’a aucune valeur probante ».
Le Conseil de presse rappelle que : « Les entreprises de presse et les journalistes doivent éviter les conflits d’intérêts. Ils doivent, au surplus, éviter toute situation qui risque de les faire paraître en conflit d’intérêts, ou donner l’impression qu’ils ont partie liée avec des intérêts particuliers ou quelque pouvoir politique, financier ou autre. Il importe de garder à l’esprit que les gouvernements, les entreprises, les groupes de pression, divers organismes et autres instances cherchent par différents moyens à orienter et à influencer l’information en fonction de leurs propres intérêts […]. » (DERP, p. 24)
De façon plus précise, le Conseil estime qu’un journaliste politique qui entreprendrait des négociations avec un parti politique pour discuter de la possibilité de devenir candidat à une prochaine élection se placerait nettement dans une situation de conflit d’intérêts, il risquerait de perdre une grande partie de son indépendance journalistique dans le traitement des affaires politiques en plus de présenter une sérieuse apparence de conflit d’intérêts.
Dans l’examen de la présente plainte, au-delà des documents déposés par le PLQ et par M. Duchesne, le Conseil a contacté différents intervenants impliqués dans ce dossier : M. Denis Lessard, journaliste à La Presse, M. Martin Ouellet, journaliste à La Presse canadienne, Mme Carole Lavallée ex-député bloquiste, aspirante candidate du Parti Québécois dans Borduas et M. François Gauthier, président de l’association du PQ dans Borduas.
De l’examen de tous ces documents et entretiens, le Conseil constate qu’il n’existe aucune preuve valable, concrète ou précise démontrant que M. Pierre Duchesne ait entrepris, directement ou indirectement, des négociations avec le Parti Québécois alors qu’il était journaliste à la Société Radio-Canada. Le Conseil observe par ailleurs la nature catégorique des affirmations de M. Duchesne et ne croit pas non plus que les seuls commentaires de chroniqueurs comme Mme Chantal Hébert ou M. Richard Martineau constituent une preuve valable pour conclure au conflit d’intérêts. Ces écrits sont des chroniques d’humeur et d’opinion.
Pour toutes ces raisons, le Conseil rejette le grief pour conflit d’intérêts.
Grief 2 : partialité
Le PLQ accuse également le journaliste Pierre Duchesne d’avoir manifesté de la partialité tout au long de son affection comme journaliste politique au parlement de Québec.
Le Conseil juge ce grief non recevable puisqu’il est imprécis et trop général. Aucun reportage ou intervention de M. Duchesne n’est identifié comme preuve de partialité. De plus, la période visée par ce grief est trop grande et ne respecte pas le délai de prescription de 6 mois imposé par le Conseil. Le grief pour impartialité ne sera pas traité.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte du Parti libéral du Québec contre l’ex-journaliste de Radio-Canada et candidat péquiste dans la circonscription de Borduas, M. Pierre Duchesne, pour conflit d’intérêts.
Analyse de la décision
- C13A Partialité
- C22B Engagement politique