Plaignant
Ville de Châteauguay et M. Paul G. Brunet, directeur général
Mis en cause
M. Guy Simard, animateur; M. Réal Germain, directeur général; l’émission « Puisqu’il faut se lever » et la station 98,5 FM
Résumé de la plainte
La Ville de Châteauguay, par l’entremise de son directeur général, M. Paul G. Brunet, dépose une plainte le 7 août 2012 contre M. Guy Simard, animateur de l’émission « Puisqu’il faut se lever » de la station radiophonique 98,5 FM, relativement à une entrevue diffusée le 27 juillet 2012. La plaignante estime que l’animateur a présenté une information inexacte et partiale et déplore qu’on lui ait refusé d’apporter une rectification.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
La Ville de Châteauguay dénonce le fait que M. Guy Simard ait diffusé une information inexacte lors d’une entrevue avec le président du Syndicat des cols bleus de Châteauguay, M. Stéphane Duguay. L’animateur de l’émission « Puisqu’il faut se lever » laisse entendre que M. Duguay aurait été suspendu par la Ville, sans solde, pendant deux semaines, à cause d’entrevues accordées aux médias dans les jours précédents. La raison en est tout autre, selon les plaignants. Dans un communiqué envoyé le 27 juillet, à 9 h 30, la Ville précise qu’au cours des derniers mois, M. Duguay « a reçu de nombreuses lettres disciplinaires et a été rencontré à trois reprises par la Direction des ressources humaines pour des manquements disciplinaires qui vont de l’insubordination à la menace en passant par l’intimidation. Mercredi dernier, M. Duguay aurait verbalement agressé un contremaître de la municipalité avant de menacer de s’en prendre physiquement à lui […]. Ce sont des raisons qui ont mené à la mesure disciplinaire qui se traduit par une suspension de deux semaines sans solde […] ».
Or, selon la Ville, le mis en cause a préféré ignorer ces explications, pour plutôt rappeler que, quelques jours auparavant, soit le 25 juillet, la mairesse de la Ville de Châteauguay, Mme Nathalie Simon, avait affirmé sur les ondes de 98.5 FM, dans un tout autre dossier, que la Ville ne suspendrait pas M. Duguay pour s’être adresser aux médias. Selon la plaignante, le mis en cause s’est servi de cette déclaration pour laisser entendre que la suspension était liée aux entrevues données et pour placer la mairesse en contradiction avec elle-même. Quant à l’interviewé, M. Duguay, il n’a jamais parlé des raisons invoquées par la Ville pour le suspendre. De plus, cette entrevue est demeurée toute la journée du 27 juillet sur le site Internet de l’émission, sans jamais être corrigée, malgré le communiqué envoyé plus tôt par la Ville et les demandes répétées de rectification de la mairesse.
Dans sa réplique, M. Réal Germain, directeur général à 98.5 FM, explique que l’entrevue de M. Simard avec le président du Syndicat des cols bleus de Châteauguay, M. Stéphane Duguay, faisait suite à une entrevue avec la mairesse Mme Nathalie Simon, diffusée quelques jours auparavant et à qui on demandait si le président du syndicat risquait des sanctions pour avoir parlé aux médias. Mme Simon avait alors répondu : « s’il fallait sanctionner M. Duguay pour chaque déclaration qu’il fait dans les médias […], […] laissant sous-entendre qu’il n’y aurait pas de conséquence ».
En apprenant la suspension de M. Duguay, le directeur général de 98.5 FM, M. Germain, explique qu’il était normal que l’animateur, de « Puisqu’il faut se lever », veuille interviewer le président du syndicat. M. Germain considère que cette entrevue s’inscrivait dans la poursuite du même dossier – sur l’arrosage des fleurs à Châteauguay – « un sujet pertinent puisque nous l’avons traité, mais qui comporte ses limites en terme d’intérêt pour l’ensemble de l’auditoire du 98.5. Pour nous le sujet était clos. » M. Germain estime que « le dossier avait été bien expliqué et que l’intérêt du public avait été bien servi ». Il ajoute : « Dans cette histoire, aucune erreur de fait n’a été commise par l’équipe du 98.5 […]. »
Après écoute de l’entrevue de M. Simard avec le président du Syndicat des cols bleus de Châteauguay, le Conseil constate que l’invité explique sa suspension par le fait qu’il ait parlé aux médias. S’expliquant mal la logique de la décision de la Ville telle qu’expliquée par l’invité, l’animateur lui demande alors : « Est-ce qu’il y a des choses dont vous ne nous parlez pas ou tout est dit? » M. Duguay donne l’impression de répondre à cette question en énonçant une série d’affirmations confuses. En consultant le communiqué de presse de la Ville, le Conseil observe que M. Duguay a omis d’informer l’animateur des raisons invoquées par son employeur. Puisque rien n’indique que l’animateur connaissait cette information au moment d’interviewer son invité, le Conseil estime que M. Simard n’est pas responsable de l’inexactitude des informations diffusées. Le grief pour information inexacte est rejeté.
Grief 2 : manque d’équilibre et absence de rectification
La Ville de Châteauguay reproche à l’animateur de n’avoir présenté que le point de vue d’une seule des parties en cause dans cette affaire, soit celle de M. Stéphane Duguay, et dénonce l’attitude de la station radiophonique 98.5 FM qui a ignoré les nombreux appels de la mairesse, Mme Simon, demandant de rectifier les faits. Personne n’a retourné les appels de la mairesse et aucune correction n’a été apportée. La mairesse ajoute : « La station 98.5 FM continue de diffuser l’entrevue intégrale au cours de la journée du 27 juillet 2012, sans jamais publier de rectificatif ou donner la chance à un représentant de la Ville de Châteauguay d’exprimer une réplique aux fausses allégations de M. Duguay soutenues par l’animateur Guy Simard. »
M. Réal Germain, directeur général à 98.5 FM considère que le dossier de la suspension de M. Duguay a été bien traité et que la question est close : « Nous comprenons que la mairesse aurait aimé réagir une nouvelle fois à la suite de cette entrevue, mais il n’est pas de notre rôle de permettre l’échange personnalisé de débats ni de favoriser le règlement de problèmes de relations de travail entre diverses parties par média interposé. […] Il y a une limite au nombre de droits de répliques dans un dossier qui a été clairement traité et lorsque l’intérêt public a été bien servi ». M. Germain ajoute aussi : « Sur notre site web, la présentation de l’extrait sonore de l’entrevue de M. Simard avec le président du syndicat des cols bleus était complète et faisait état des points de vue exprimés par la Ville de Châteauguay. »
Le guide de déontologie du Conseil mentionne : « Dans les cas où une nouvelle ou un reportage traite de situations ou de questions controversées, ou de conflits entre des parties, de quelque nature qu’ils soient, un traitement équilibré doit être accordé aux éléments et aux parties en opposition. » (DERP, p. 26) Par ailleurs, « Il relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs à l’égard de personnes, de groupes ou d’instances mis en cause dans leurs productions journalistiques, que celles-ci relèvent de l’information ou de l’opinion. » (DERP, p. 46)
Le Conseil est d’avis que, considérant la réponse incomplète ou incompréhensible donnée par M. Duguay à la question : « Est-ce qu’il y a des choses dont vous ne parlez pas? », le communiqué de presse de la Ville envoyé tôt dans la journée pour expliquer la suspension du président du syndicat et les demandes répétées de la mairesse de Châteauguay pour rectifier les faits, la station 98.5 FM aurait dû aller chercher des explications d’une autre partie, en l’occurrence de la Ville de Châteauguay. Le Conseil estime que le journaliste M. Guy Simard et la station 98.5 FM ont manqué à leurs obligations déontologiques en refusant d’apporter les corrections nécessaires. Ces corrections auraient pu se faire soit durant l’émission, avant qu’elle ne se termine, soit dans la rediffusion de l’entrevue sur le site web au cours de la journée.
Pour le Conseil, il ne s’agissait pas de redonner la parole à la Ville de Châteauguay pour poursuivre un débat d’opinion sur le dossier de l’arrosage des fleurs. Il s’agissait d’établir un équilibre et de rectifier une information importante qui venait donner un éclairage nouveau sur la question de la suspension de M. Duguay. Ces informations étaient essentielles à la bonne compréhension du dossier et revêtaient un intérêt public indiscutable. Ainsi, le grief pour manque d’équilibre et absence de rectification est retenu.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de la Ville de Châteauguay et blâme M. Guy Simard, animateur de l’émission « Puisqu’il faut se lever » et la station 98,5 FM pour manque d’équilibre et absence de rectification. Cependant, il rejette pour information inexacte.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C19A Absence/refus de rectification