Plaignant
M. André Hamel
Mis en cause
Mme Josée Thibeault, journaliste; M. Frédéric Vanasse, rédacteur en chef; l’émission « Le Téléjournal 18 h » et « Le Téléjournal 22 h » et la Société Radio-Canada
Résumé de la plainte
M. André Hamel dépose une plainte le 22 août 2012 contre Mme Josée Thibeault, journaliste à Radio-Canada, relativement à un reportage diffusé le 2 juillet 2012 sur les ondes du « Téléjournal 18 h » et du « Téléjournal 22 h ». M. Hamel accuse la journaliste d’avoir exercé de la censure et d’avoir fait de la désinformation. La plainte de M. Hamel vise aussi la décision de l’Ombudsman de Radio-Canada, M. Pierre Tourangeau sur le même sujet, décision jugée insatisfaisante par le plaignant.
Le Conseil tient à souligner qu’il n’est pas de sa compétence d’évaluer les décisions de l’Ombudsman de Radio-Canada. Cet aspect de la plainte ne sera donc pas traité.
Analyse
Grief 1 : censure et désinformation
M. Hamel s’en prend aux reportages de Mme Thibeault lors du Forum mondial sur la langue française. Pendant l’allocution du premier ministre Harper, un manifestant s’est levé, a chahuté et a été évincé de la salle. Selon le plaignant, dans le reportage de Mme Thibeault au « Téléjournal 18 h », on entend des applaudissements nourris dans l’assistance au moment de l’éviction du manifestant. Mais dans le « Téléjournal 22 h », M. Hamel souligne que : « la séquence où l’on voit des gens applaudir est coupée ». Le plaignant compare ce reportage à celui de TVA-LCN où, dit-il, « on nous révèle un tout autre aspect de la réaction des gens présents. On peut y constater que les applaudissements y sont relativement copieux et surviennent immédiatement à la fin de son [le manifestant] intervention, exactement à l’endroit où le son a été coupé dans le reportage du 22 h de Radio-Canada ».
M. Hamel conclut : « […] un manifestant s’infiltre et harangue le premier ministre du Canada devant un auditoire trié sur le volet et composé en grande partie de gens venant de l’étranger. Le perturbateur est applaudi. Se pourrait-il qu’on ait simplement voulu « gommer » cet affront fait au chef de l’État? On peut le penser […] A-t-on le droit de mentir aux auditeurs? »
M. André Hamel déplore aussi que la journaliste Josée Thibeault ait minimisé le geste posé par le manifestant en disant : « Tout cela n’a duré que quelques secondes. Tout le monde a fait comme si de rien n’était ». Le plaignant croit que la journaliste affirmait une chose qu’elle savait pertinemment fausse, les gens ayant applaudi, ce qu’il qualifie de « désinformation ». De plus, le plaignant s’offusque du fait que la mise en cause ait souligné que le manifestant ne s’était identifié à aucune cause, le faisant passer ainsi pour un hurluberlu.
Dans sa réponse au plaignant, M. André Dallaire, directeur au traitement des plaintes à Radio-Canada, explique que les applaudissements n’étaient que le fait de quelques-uns situés à proximité du caméraman. Le micro de sa caméra a donc bien capté le son des applaudissements qui donnaient l’impression d’être nombreux, mais ce n’était qu’une impression, rien de plus. M. Dallaire ajoute : « Il s’agissait, somme toute, d’un incident tapageur, mais mineur en regard de l’événement […]. Dans son ultime reportage du jour, la journaliste qui faisait le bilan du forum, y a donc accordé le temps que cela méritait, se concentrant plutôt sur le contenu du forum comme tel. »
M. Dallaire ajoute que Mme Thibeault a fait un traitement juste et équitable de l’événement. Elle a repris les propos du manifestant qui criait : « Dehors Harper, dehors Charest » puisque l’enregistrement était trop mauvais pour la diffusion. Enfin, elle n’a pas précisé à quelle cause la personne expulsée se rattachait puisqu’en regard des propos prononcés, il était impossible de le déterminer avec certitude.
Dans son guide de déontologie, le Conseil de presse souligne : « […] la façon de traiter un sujet, de même que le moment de la publication et de la diffusion des informations relèvent de la discrétion des médias et des journalistes. » (DERP, p. 13) « L’information livrée par les médias fait nécessairement l’objet de choix. Ces choix doivent être faits dans un esprit d’équité et de justice. Ils ne se mesurent pas seulement de façon quantitative, sur la base d’une seule édition ou d’une seule émission, pas plus qu’au nombre de lignes ou au temps d’antenne. Ils doivent être évalués de façon qualitative, en fonction de l’importance de l’information et de son degré d’intérêt public. » (DERP, p. 22)
Après le visionnement des deux reportages de Mme Thibeault, le Conseil constate qu’au « Téléjournal 18 h », on voit et entend très bien les applaudissements de l’assistance au moment de l’éviction du manifestant. Dans le « Téléjournal 22 h », la séquence n’est pas coupée, comme le prétend le plaignant, mais le son est abaissé, de sorte qu’on entend très faiblement les applaudissements. Cela dit, on peut voir les gens frapper timidement des mains. Le Conseil a aussi visionné le reportage de TVA-LCN sur la même question pour en conclure que l’on y entend effectivement les applaudissements, mais durant à peine quelques secondes. Il est difficile de dire s’ils étaient plus nourris que ceux présentés à Radio-Canada.
Quant au commentaire de la mise en cause, à savoir que « Tout le monde a fait comme si de rien n’était », le Conseil constate qu’il est absent du « Téléjournal 18h ». La phrase ne se retrouve que dans le topo du « Téléjournal 22h ». De plus, le plaignant a omis de citer la deuxième partie de la phrase de la journaliste qui se lit ainsi : « Tout le monde a fait comme si de rien n’était et passé ses messages », ce qui laisse sous-entendre que la remarque s’adressait davantage aux orateurs qu’à l’assistance. Et il semble bien que ce soit le cas. D’une part, le Conseil a vérifié auprès de Mme Thibeault, qui confirme la chose : « Mon texte, qui […] est un récit de ce qui s’est passé, fait référence aux orateurs, qui ont poursuivi, sans vraiment tenir compte de l’incident ». De plus, la presse écrite semble aller dans le même sens. Le quotidien La Presse rapportait que l’incident n’a duré que quelques secondes et que M. Harper « s’est brièvement arrêté de parler pendant que l’homme était expulsé puis, il a repris son discours comme prévu ». (La Presse, 2 juillet 2012) Dans Le Devoir, on mentionnait que « M. Charest a ensuite pris la parole devant les délégués comme prévu ». (Le Devoir, 2 juillet 2012)
Ainsi, considérant que l’incident fut sans conséquence et de brève durée, que, malgré tout, les bulletins de nouvelles lui ont accordé une grande importance et que le reportage de Mme Thibeault se voulait d’abord et avant tout un résumé du Forum mondial sur la langue française, le Conseil estime que la journaliste a respecté les règles de déontologie journalistique.
Finalement, en ce qui a trait à la cause épousée par le manifestant, tout le monde s’entend pour dire que le perturbateur ne s’est jamais réclamé d’aucun groupe lors de l’incident et n’a pu être rejoint par la suite. Il était donc impossible de savoir quelles étaient ses intentions et quelle cause il servait. Mme Thibeault n’a fait que rapporter les faits tels qu’ils se présentaient.
Pour toutes ces raisons, le grief pour censure et désinformation est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. André Hamel contre Mme Josée Thibeault, journaliste et les émissions « Le Téléjournal 18h » et « Le Téléjournal 22h » et la Société Radio-Canada pour censure et désinformation.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C03C Sélection des faits rapportés