Plaignant
Association des avocats et avocates de la défense et Mme Joëlle Roy, présidente
Mis en cause
M. Marc Pigeon, journaliste; le Journal de Montréal (Dany Doucet, rédacteur en chef) et le portail Canoë (Bernard Barbeau, rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
Le 8 novembre 2012, Mme Joëlle Roy porte plainte au nom de l’Association des avocats et avocates de la défense contre M. Marc Pigeon, journaliste, le Journal de Montréal et le site Internet Canoë, relativement à un article publié le 29 septembre 2012 et intitulé « Demeurez-vous près d’un pédophile? ». Mme Roy dénonce la publication d’informations inexactes, un manque de rigueur et une atteinte au droit à la présomption d’innocence ainsi qu’au droit à la vie privée.
Commentaires du mis en cause
Le Journal de Montréal et Canoë ont refusé de répondre à la présente plainte.
Analyse
Grief 1 : information inexacte et manque de rigueur
Mme Joëlle Roy reproche au journaliste d’avoir présenté la localisation géographique de toute une série « d’agresseurs sexuels » alors que ces cas ne représentaient que des gens accusés d’agression sexuelle et nullement condamnés. Elle reproche également au journaliste un manque de rigueur puisqu’il ne s’est pas assuré que ces personnes habitaient toujours aux endroits indiqués et n’avaient pas changé de lieu de résidence.
Le Conseil constate que le journaliste utilise les termes « agresseur » et « pédophile » pour désigner des gens qui ont été accusés d’agression sexuelle et dont on ne connaît pas l’issue du procès. Ainsi le journaliste écrit :
– « Notre carte des agresseurs sexuels »;
– « Le lieu de résidence de tous les agresseurs »;
– « Un coup d’œil sur l’état des choses, sur le plan des agressions sexuelles »;
– « C’est à Longueuil que l’on retrouve la plus grande densité d’agresseurs ».
Or, le journaliste lui-même précise que : « Tous les accusés qui ont dû se présenter au tribunal entre le 1er juin 2011 et le 30 mai 2012 pour des crimes sexuels ont été répertoriés par le Journal, sans distinction quant au verdict ou à l’évolution du processus judiciaire. ». Le Conseil juge que le journaliste, en parlant « d’agresseurs », publie une fausse information puisqu’il ignore si elles ont été trouvées coupables ou innocentées à l’issue des procédures judiciaires.
Le Conseil constate de plus que le journaliste, de son propre aveu, confirme ne pas avoir vérifié si les personnes accusées demeuraient toujours aux endroits indiqués sur la carte interactive publiée par le Journal de Montréal. Il reconnaît, en effet, que « Les endroits identifiés sont les adresses fournies par les accusés et figurant au dossier de la Cour lors de leur dernière présence devant le tribunal. Il a été impossible de confirmer si les accusés demeurent toujours à ces endroits. » Le Conseil juge ainsi que le journaliste a manqué de rigueur en ne vérifiant pas cet aspect de l’information publiée et en risquant de présenter des points de localisations inexacts.
Le Conseil est d’avis que ces inexactitudes déforment la réalité, exagèrent l’étendue du phénomène des agressions sexuelles et insécurisent inutilement des citoyens qui résident aux alentours des points de localisation identifiés.
Pour toutes ces raisons, le Conseil retient le grief pour information inexacte et pour manque de rigueur.
Grief 2 : atteinte au droit à la présomption d’innocence et au droit au respect à la vie privée
La plaignante dénonce également le fait que la publication de cette carte interactive porterait atteinte au droit à la présomption d’innocence et au droit au respect à la vie privée de ces centaines de personnes identifiées par ces points de localisation.
Après analyse, le Conseil constate que la carte interactive n’offre pas un niveau de précision suffisant pour permettre une identification des résidences particulières, marquées d’un point sur la carte, où habiteraient les personnes accusées. Pour le Conseil, il serait exagéré de conclure à l’atteinte au droit à la présomption d’innocence ou à celui du respect de la vie privée à l’égard d’individus qui ne sont ni identifiés nommément dans l’article ou sur la carte, ni indirectement identifiables par le biais de la carte interactive.
Le grief pour atteinte au droit à la présomption d’innocence et au droit au respect à la vie privée est rejeté.
Le Conseil observe cependant que le mis en cause s’est dangereusement rapproché du degré de précision à partir duquel il aurait été possible d’identifier des habitations exactes où résident les personnes visées par l’information publiée. Le Conseil croit que, dans ce cas précis, il n’est pas légitime de publier les adresses de personnes accusées de crime, sans avoir été trouvées coupables par un tribunal. La publication de cette information relève davantage de la curiosité du public que de l’intérêt public, sans compter que son dévoilement peut porter préjudice à la sécurité de l’accusé et de ses proches.
Refus de collaborer
Le Journal de Montréal et Canoë n’ont pas souhaité répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Journal de Montréal et à Canoë leur manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Mme Joëlle Roy, présidente de l’Association des avocats et avocates de la défense, et blâme le journaliste, M. Marc Pigeon ainsi que le Journal de Montréal et le portail Canoë, pour publication d’information inexacte et pour manque de rigueur. Il rejette, par ailleurs, le grief pour atteinte au droit à la présomption d’innocence et au droit au respect à la vie privée.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme le Journal de Montréal et Canoë.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C24A Manque de collaboration
Analyse de la décision en appel
- C11B Information inexacte
- C16C Publication de l’adresse/téléphone
- C24A Manque de collaboration