Plaignant
Front commun des personnes assistées sociales du Québec et Mme Amélie Châteauneuf, porte-parole
Regroupement des femmes sans emploi du Nord de Québec et Mme Marie-Ève Duchesne, porte-parole
Mis en cause
M. Dominic Maurais, animateur; M. Jean-Claude Ouellette, coanimateur et l’émission « Maurais Live »
M. Denis Gravel, animateur et l’émission « Le Show du matin »
M. Raynald Brière, président et chef de direction, RNC Media et la station CHOI 98,1 FM Radio X
Résumé de la plainte
Mme Amélie Châteauneuf, porte-parole du Front commun des personnes assistées sociales (FCPASQ) et Mme Marie-Ève Duchesne, porte-parole du Regroupement des femmes sans emploi du Nord de Québec déposent une plainte le 14 novembre 2012 contre la station de radio CHOI 98,1 Radio X, et les animateurs MM. Dominic Maurais et Jean-Claude Ouellet, relativement à l’émission « Maurais Live » du 17 octobre 2012. Les plaignantes dénoncent des propos méprisants, haineux, discriminatoires, empreints de préjugés, un manque de mise en contexte et de l’acharnement envers les personnes assistées sociales.
Les 11 et 14 décembre 2012, Mmes Châteauneuf et Duchesne déposent également deux autres plaintes, contre la station de radio CHOI 98,1 Radio X, et l’animateur M. Denis Gravel, relativement à l’émission « Le Show du matin » du 20 novembre 2012. Les plaignantes dénoncent des propos méprisants, haineux, discriminatoires et empreints de préjugés.
Commentaires du mis en cause
La station CHOI 98,1 Radio X n’a fait parvenir aucune réplique en réponse aux plaintes.
Analyse
Grief 1 : propos méprisants, haineux, discriminatoires et empreints de préjugés
- Émission « Maurais Live » du 17 octobre 2012
Selon les plaignantes, les animateurs contribuent à alimenter un discours méprisant, haineux, discriminatoire et empreint de préjugés envers les personnes assistées sociales quand ces derniers parlent des 126 000 personnes jugées « aptes au travail », par le gouvernement, et qu’ils énoncent les propos suivants :
– « Les gens vraiment dans le besoin mériteraient d’avoir leur chèque augmenté »;
– « Ce qui m’intéresse là-dedans, ce sont les gens qui peuvent travailler, sans aucune contrainte, aucune! »
– « Pourquoi y’en a autant? Et pourquoi on les aiderait si longtemps? »
– « Ça là, c’est des gens qui peuvent travailler. Avec leurs jambes, leurs bras, qui sont capables de contribuer. Pas de contraintes sérieuses, pas de contraintes temporaires, pas de dépression, deux bras, deux jambes, une tête des yeux »;
Le Conseil remarque que les phrases contestées, par les plaignantes, ne constituent pas aux yeux du Conseil des propos méprisants, haineux, discriminatoires et empreints de préjugés. Dans le présent cas, le Conseil considère que, dans le cadre d’une émission d’opinion où les animateurs abordent certains sujets qui peuvent porter à la controverse, ces derniers étaient en droit d’exprimer une critique envers le système d’aide sociale et n’ont pas commis de faute professionnelle. Le Conseil rejette le grief pour propos méprisants, haineux, discriminatoires, empreints de préjugés pour l’émission « Maurais Live ».
- Émission « Le Show du matin » du 20 novembre 2012
Dans cette émission, les plaignantes reprochent aux animateurs leurs propos méprisants, haineux et empreints de préjugés dans l’extrait suivant : « Le premier du mois, y’a un chèque qui rentre pour les gens qui ont juste ça à faire dans leur vie, prendre de la drogue, pis prendre de la boisson, pis c’te journée-là, y se mettent chaud, pis y se gèlent, s’pour ça qui se ramassent din’s hôpitaux, en phase de psychose ».
Selon les plaignantes, par ces propos, les animateurs laissent clairement entendre que les personnes assistées sociales, parce qu’elles n’ont pas de travail rémunéré, n’ont pas d’autres choses à faire que de prendre de la drogue et de la boisson pour finalement se retrouver en psychose à l’hôpital. Les animateurs affirment donc, selon les plaignantes, que ces personnes sont à la fois droguées, alcooliques et psychotiques. Pour Mmes Châteauneuf et Duchêne, il est inconcevable que le diffuseur accepte que ses animateurs traitent ainsi un groupe de citoyens et de citoyennes.
Pour le Conseil, de prétendre que « Le premier du mois, y’a un chèque qui rentre pour les gens qui ont juste ça à faire dans leur vie, prendre de la drogue, pis prendre de la boisson, pis c’te journée-là, y se mettent chaud, pis y se gèlent, s’pour ça qui se ramassent din’s hôpitaux, en phase de psychose », constitue des propos méprisants qui contribuent à entretenir des préjugés envers les personnes assistées sociales. Le Conseil estime que les animateurs font preuve d’un manque flagrant aux principes de déontologie journalistique. Même si l’émission « Le Show du matin » en est une d’opinion, rien ne justifie une telle attaque envers des gens. Le Conseil rappelle que : « La liberté d’opinion de l’éditorialiste et du commentateur n’est pas absolue : la latitude dont ceux-ci jouissent doit s’exercer dans le respect des valeurs démocratiques et de la dignité humaine. » (DERP, p. 28) Le Conseil retient le grief pour propos méprisants, discriminatoires et empreints de préjugés pour l’émission « Le Show du matin ».
Par ailleurs, le Conseil rappelle qu’il a déjà blâmé les animateurs de l’émission « Le Show du Matin » pour avoir prononcé des propos méprisants, haineux et empreints de préjugés sur le même sujet. (D2012-05-103 et D2012-09-033)
Le Conseil rejette donc le grief pour propos méprisants, haineux et empreints de préjugés, pour l’émission « Maurais Live ». Cependant, il retient le grief pour propos méprisants, haineux et empreints de préjugés pour l’émission « Le Show du matin ».
Grief 2 : manque de mise en contexte
Mmes Châteauneuf et Duchesne dénoncent le manque de mise en contexte dans l’émission « Maurais Live » du 17 octobre 2012. Les plaignantes disent reconnaître que le nombre de personnes assistées sociales « aptes au travail » peut soulever un questionnement, cependant, ajoutent-elles, il faudrait que les animateurs démontrent une réelle volonté d’y répondre. D’après les plaignantes, les animateurs ne font aucune mise en contexte et n’expliquent pas les problèmes que rencontrent ces personnes dites sans contrainte à l’emploi : manque de médecin pour remplir les formulaires d’aide sociale, aspect discrétionnaire de la loi d’aide sociale qui fait que plusieurs maladies ou contraintes ne sont tout simplement pas reconnues, préjugés des employeurs qui ne veulent pas les engager, mesures de formations d’Emploi-Québec qui s’adressent en grande partie aux chômeurs et non aux personnes assistées sociales.
Selon le Conseil, que les animateurs s’interrogent sur le nombre de personnes assistées sociales « aptes au travail » est légitime. Le Conseil est d’avis qu’en regard de la grande latitude reconnue au journalisme d’opinion, les animateurs pouvaient librement sélectionner l’information de leur choix et de la transmettre dans le style qui leur est propre, tout en présentant leur sujet dans une mise en contexte de leur choix. Bien que les animateurs n’aient pas commis ainsi une faute déontologique, il aurait été souhaitable et instructif qu’ils mentionnent les raisons pour lesquelles les personnes dites « aptes au travail » se retrouvent sur l’aide sociale, permettant ainsi aux auditeurs d’avoir une vue d’ensemble de la problématique. Au-delà de cette remarque éthique, le Conseil rejette le grief de manque de mise en contexte.
Grief 3 : acharnement
Depuis plusieurs mois déjà, les plaignantes dénoncent le concept de l’émission « The price is right de l’aide sociale », qui consiste, à partir d’un rapport statistique gouvernemental mensuel sur la situation des assistés sociaux au Québec, à faire deviner aux auditeurs combien il y a d’assistés sociaux sans contrainte à l’emploi au Québec et, parfois, combien sont des immigrants, combien sont des jeunes aux études, etc. Elles reviennent ici à la charge en reprochant à nouveau aux animateurs, de l’émission « Maurais Live », de faire preuve d’acharnement envers les personnes assistées sociales. Selon les plaignantes, les animateurs, dans le cadre de ce jeu, rapportent toujours le même discours méprisant, haineux et empreint de préjugés sur le mérite des personnes assistées sociales à recevoir une assistance de l’État.
Le Conseil constate que la station CHOI 98,1 Radio X diffuse depuis plusieurs mois un segment intitulé « The price is right du BS », qui est devenu au fil du temps « The price is right de l’aide sociale », présenté au cours de l’émission « Maurais Live ». Dans une décision rendue à l’encontre de la station KYK Radio-X Saguenay 95,7 FM (D2011-04-076), le Conseil s’était posé deux questions pour déterminer s’il y avait de l’acharnement de la part des animateurs. Ces questions peuvent être reprises dans le présent contexte. Tout d’abord, bien que le Conseil considère que le choix de se questionner sur l’aide sociale n’est pas une faute en soi, quant à savoir s’il s’agit d’acharnement, le Conseil estime qu’il doit répondre aux deux questions suivantes : (1) Le média a-t-il abusé de son pouvoir de radiodiffuseur en exprimant des jugements accusateurs, sur le même groupe d’individus, à une fréquence aussi élevée et d’une manière aussi systématique? (2) Le média et les journalistes ont-ils dépassé les limites de leur liberté d’expression et porté injustement atteinte aux droits des individus ainsi attaqués? Dans le cas présent, le Conseil répond affirmativement à ces deux questions, et considère en conséquence que CHOI 98,1 Radio X a fait preuve d’acharnement, puisque l’intérêt public ne justifiait pas de revenir aussi souvent et d’une telle manière sur le sujet. De plus, le Conseil y voit là une forme d’abus de pouvoir que le guide Droits et responsabilité de la presse condamne : « Le public est en droit de s’attendre à ce qu’ils [les animateurs] n’abusent pas de leur fonction ni de leur latitude pour imposer leurs points de vue personnels et écarter ceux qui n’y correspondent pas. Sans recourir à l’autocensure, les animateurs doivent éviter de se laisser guider par leurs préjugés, leurs intérêts personnels ou leurs inimitiés. » (DERP, p. 29). Le Conseil retient donc le grief pour acharnement.
Refus de collaborer
La station CHOI 98,1 Radio X n’a pas souhaité répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche à la station CHOI 98,1 Radio X, son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte la concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, en regard de l’émission « Maurais Live », le Conseil de presse du Québec retient les plaintes de Mme Marie-Ève Duchesne, porte-parole du Regroupement des femmes sans emploi du Nord de Québec et Mme Amélie Châteauneuf, porte-parole du Front commun des personnes assistées sociales du Québec à l’encontre de MM. Dominic Maurais et Jean-Claude Ouellet, animateurs et la station CHOI 98,1 Radio X pour acharnement. Cependant, le Conseil rejette les griefs pour propos méprisants, haineux, discriminatoires et empreints de préjugés et pour manque de mise en contexte.
Par ailleurs, en regard de l’émission « Le Show du matin », le Conseil de presse du Québec retient les plaintes de Mmes Marie-Ève Duchesne, porte-parole du Regroupement des femmes sans emploi du Nord de Québec et Amélie Châteauneuf, porte-parole du Front commun des personnes assistées sociales du Québec et blâme M. Denis Gravel, animateur et la station CHOI 98,1 Radio X pour propos méprisants, haineux, discriminatoires et empreints de préjugés.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme la station CHOI 98,1 Radio X.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Mise à jour le 9 juin 2022 Précision : En faisant référence au mis en cause, M. Ouellet, dans cette décision, le Conseil a erronément utilisé le prénom Jean-Claude au lieu de Jean-Christophe. Son nom exact est Jean-Christophe Ouellet. M. Ouellet a précisé, lors de son émission du 7 juin 2022 à Radio-X, que le Conseil avait utilisé le mauvais prénom, Jean-Claude, dans des décisions passées, pour faire référence à lui. Nos excuses pour la confusion. |
Analyse de la décision
- C12D Manque de contexte
- C15J Abus de la fonction d’animateur
- C17C Injure
- C18C Préjugés/stéréotypes
- C24A Manque de collaboration