Plaignant
M. Piero Garneau
Mis en cause
M. Denis Lévesque, animateur; M. Serge Fortin, vice-président, information; L’émission « Denis Lévesque »; Le Groupe TVA
Résumé de la plainte
M. Piero Garneau porte plainte le 13 décembre 2012 contre l’animateur Denis Lévesque du réseau TVA relativement à l’émission « Denis Lévesque », diffusée le 3 décembre 2012. M. Garneau accuse l’animateur de ne pas avoir respecté le principe de la présomption d’innocence.
Le plaignant souhaite également élargir le débat à l’ensemble des « émissions d’opinion » et de la notion de spectacle télévisuel, qu’il juge contraire à ce qu’il nomme la « saine diffusion informative », particulièrement à TVA-LCN.
Commentaires du mis en cause
Le Groupe TVA a refusé de répondre à la présente plainte.
Analyse
Grief 1 : non-respect de la présomption d’innocence
À la suite du meurtre de trois jeunes enfants, survenu le 2 décembre 2012, le plaignant estime que l’animateur Denis Lévesque n’a pas respecté le principe de présomption d’innocence en ce qui concerne la mère des enfants, spéculant sur sa culpabilité avant même que des accusations ne soient portées contre elle. Le plaignant ajoute qu’il est tout aussi grave d’accuser une personne d’un certain fait que de chercher à vaguement expliquer les raisons qui auraient pu la porter à commettre ce geste et ainsi de la condamner par association. Il ajoute qu’une « saine gestion de l’information aurait donc dû faire patienter M. Lévesque jusqu’au dépôt des accusations de meurtre. »
Le guide de déontologie du Conseil mentionne que « Dans sa couverture des affaires judiciaires, la presse, tout en assurant le droit à l’information sur les aspects d’intérêt public que peut présenter l’actualité en ces matières, doit éviter d’entraver le cours de la justice et de préjuger de l’issue d’une cause. La couverture médiatique des affaires judiciaires ne doit pas résulter de quelque manière en un « procès par les médias ». Les médias et les professionnels de l’information doivent éviter toute atteinte à la présomption d’innocence. La presse doit également éviter de recourir à toute culpabilisation par association. » (DERP, p. 45)
L’écoute de l’émission en question a permis au Conseil de constater que l’animateur et ses invités précisent que la mère des enfants ne fait toujours pas l’objet d’accusation. Le Conseil note de plus que, dans leur analyse des événements, les participants de l’émission utilisent le conditionnel lorsqu’ils évoquent les gestes qui ont entouré le décès des enfants, ce qui, dans le présent cas, respecte le principe de la présomption d’innocence.
Par ailleurs, le Conseil ne partage pas l’avis du plaignant qui prétend que le mis en cause et ses invités ont commis une condamnation par association en discutant plus largement des situations de crimes en milieu familial. Le Conseil considère qu’il était d’intérêt public d’ouvrir le débat sur plusieurs aspects du phénomène des drames familiaux. Dans le présent cas, il était particulièrement pertinent de discuter de la notion de droit de visite supervisée et de son application lorsque la supervision est assurée par un membre immédiat de la famille de la personne visée. Cet éclairage public peut se réaliser dans le respect du droit à la présomption d’innocence. Cet aspect du grief est rejeté.
Le grief pour non-respect de la présomption d’innocence est rejeté.
Grief 2 : information spectacle
M. Garneau aimerait que le Conseil de presse élargisse son étude à l’ensemble des « émissions d’opinion » qui prendraient trop souvent, selon lui, la forme de spectacle télévisuel s’éloignant d’une « saine diffusion informative », particulièrement à TVA-LCN.
Le Conseil ne peut étudier ce genre de plainte globale dans le cadre du présent mécanisme de traitement de plaintes. Le Conseil ne traitera donc pas cette partie de la plainte de M. Garneau.
Refus de collaborer
Le Groupe TVAa refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Groupe TVAson manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Piero Garneau contre M. Denis Lévesque et le Groupe TVA, pour non-respect de la présomption d’innocence et pour information spectacle.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme le Groupe TVA.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C17H Procès par les médias
Date de l’appel
5 March 2014
Appelant
M. Piero Garneau
Décision en appel
PRÉAMBULE
Lors de l’étude d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.
L’appelant conteste un grief de la décision de première instance :
- Grief 1 : non-respect de la présomption d’innocence
Grief 1 : non respect de la présomption d’innocence. Selon l’appelant, les éléments soumis dans sa plainte n’auraient pas dû être traités séparément, mais dans son ensemble. Le sujet de l’émission mise en cause concernait le présumé meurtre d’une mère sur ses trois enfants. De l’avis de M. Garneau, une recherche de la vérité ne peut se faire qu’en présence d’une saine retenue, soit celle dictée par les faits établis détenus par le journaliste lors de l’émission. Bien que l’appelant reconnaisse que Denis Lévesque et ses invités pouvaient se questionner en utilisant le conditionnel, il considère cependant que ces derniers ne pouvaient le faire à partir des éléments qu’ils détenaient à l’époque. Et à cet égard, le principe d’éviter toute atteinte à la présomption d’innocence n’a pas été respecté dans l’émission. M. Garneau se demande si un journaliste peut poser une question tendancieuse basée sur aucun fait établi? Et est-ce que l’usage du conditionnel est suffisant pour ne pas imposer la méprise, voir le préjudice? Que vaut la vérité en présence du conditionnel, car tout peut être dit et doncaucune vérification ne serait nécessaire? Dans le présent cas, l’appelant considère que le conditionnel est un leurre, car en posant une question tendancieuse, on crée une fausse apparence de culpabilité.
Les membres du comité de première instance concluaient : « […] que l’animateur et ses invités précisent que la mère des enfants ne fait toujours pas l’objet d’accusation » et que « les participants utilisent le conditionnel lorsqu’ils évoquent les gestes qui ont entouré le décès des enfants, ce qui dans le présent cas respecte le principe de présomption d’innocence ».
Le principe déontologique concernant la couverture des affaires judiciaires : « Dans sa couverture des affaires judiciaires, la presse, tout en assurant le droit à l’information sur les aspects d’intérêt public que peut présenter l’actualité en ces matières, doit éviter d’entraver le cours de la justice et de préjuger de l’issue d’une cause. La couverture médiatique des affaires judiciaires ne doit pas résulter de quelque manière en un « procès par les médias ». Les médias et les professionnels de l’information doivent éviter toute atteinte à la présomption d’innocence. La presse doit également éviter de recourir à toute culpabilisation par association. » (DERP, p. 45)
Les membres de la commission d’appel concluent que le comité de première instance n’a pas appliqué correctement le principe déontologique en regard de la présomption d’innocence. Tout en considérant que le choix du sujet était justifié et que l’émission, dans son ensemble, respectait ce principe, les membres de la commission considèrent que les propos tenus par Me Sylvie Schrim à la fin de l’émission étaient fautifs. L’invitée mentionnait : « Madame a dû probablement planifier ce geste-là. Elle a dû essayer d’être seule avec les enfants […] ». De plus, la commission estime que l’animateur, Denis Lévesque, a omis de rappeler à l’ordre son invitée en ne rappelant pas, à nouveau, l’obligation de respecter le principe de présomption d’innocence.
RÉPLIQUE DES INTIMÉS
Les intimés n’ont transmis aucune réplique au présent appel.
REFUS DE COLLABORER
Le Groupe TVA n’a pas souhaité répondre au présent appel.
Le Conseil reproche au Groupe TVA, son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant la commission d’appel, du présent appel les concernant.
DÉCISION
Après examen, les membres de la commission ont conclu à l’unanimité d’infirmer la décision rendue en première instance, sur le grief de non-respect de la présomption d’innocence.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, l’appel est retenu et le dossier cité en titre est fermé.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la demande d’appel, le Conseil de presse blâme le Groupe TVA.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que les décisions de la commission d’appel sont finales. L’article 8.2 s’applique aux décisions de la commission d’appel : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 3, article 8. 2)
La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :
Représentante du public :
Mme Hélène Deslauriers
Représentant des journalistes :
M. Jean Sawyer
Représentant des entreprises de presse :
M. Pierre Sormany