Plaignant
Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes et M. David Ouellette, directeur associé, affaires publiques (Québec)
Mis en cause
M. Jean-Christophe Laurence, journaliste; M. Mario Girard, directeur de l’information et le quotidien La Presse et lapresse.ca
Résumé de la plainte
M. David Ouellette, directeur associé, affaires publiques, du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, dépose une plainte le 6 mars 2013 contre le journaliste, M. Jean-Christophe Laurence, le site Internet lapresse.ca et le quotidien La Presse concernant un article publié sur ces deux plateformes respectivement le 28 février et le 2 mars 2013, sous le titre « The Gatekeepers : regard critique sur la politique israélienne ». Le plaignant dénonce une inexactitude dans les propos rapportés par le journaliste et déplore qu’aucun rectificatif n’ait été apporté.
Analyse
Grief 1 : information inexacte et incomplète
Selon M. David Ouellette, le journaliste introduit une inexactitude lorsqu’il écrit : « Drôle de hasard : The Gatekeepers arrive sur nos écrans alors qu’un détenu palestinien meurt sous la torture israélienne ». Selon le plaignant, les faits connus ne permettaient pas au journaliste de conclure, comme s’il s’agissait d’un fait établi, que le Palestinien en question est mort « sous la torture israélienne ». M. Ouellette mentionne que les faits connus à ce moment-là sont que le prisonnier avait succombé à un arrêt cardiaque en dépit de 50 minutes d’efforts de réanimation. Il rappelle également que le gouvernement israélien a invité le médecin légiste en chef palestinien, le Dr Aloul, à assister à l’autopsie. Bien que le Dr Aloul et le Hamas allèguent que le prisonnier a succombé à la torture, les résultats préliminaires de l’autopsie révèlent que la dépouille du prisonnier ne porte aucune marque de violence. Selon le plaignant, il est donc impossible de conclure sur la base des faits connus les causes du décès du prisonnier.
Selon Me Patrick Bourbeau du bureau des affaires juridiques de La Presse, l’article a été rédigé et publié initialement avant que les résultats préliminaires de l’autopsie ne soient connus. Me Bourbeau souligne qu’au moment de la rédaction de l’article, le seul témoignage crédible était celui d’un médecin palestinien qui avait participé à l’autopsie et qui concluait qu’il était mort des conséquences de la torture. Me Bourbeau conclut en mentionnant que le journaliste était donc justifié d’avancer l’affirmation qui lui est reprochée. Considérant que les propos ont été publiés dans le cadre d’une critique de cinéma, Me Bourbeau estime de plus qu’il ne s’agissait pas, dans le cadre de cet article, de brosser un portrait complet de la controverse générée par la mort du prisonnier. Finalement, selon Me Bourbeau, La Presse a fait état de cette controverse et a présenté tant la version palestinienne que la version israélienne dans des éditions subséquentes.
Selon le plaignant, contrairement aux affirmations de La Presse, des articles portant sur la mort du prisonnier palestinien ont été publiés avant la chronique en question, citant à ce titre un article publié le 24 février par l’Agence France-Presse, de même qu’un autre, publié le 25 février par The Guardian, et qui faisaient état de « circonstances disputées » ou mentionnaient que « d’autres tests seront nécessaires pour déterminer la cause du décès ». De l’avis de M. Ouellette, aucun article publié sur le sujet dans la « grande presse » n’a conclu à un décès sous la torture.
Dans son guide de déontologie, le Conseil souligne que le journalisme d’opinion confère à ses auteurs une grande latitude. Cependant, « Les auteurs de chroniques, de billets et de critiquesne sauraient se soustraire aux exigences de rigueur et d’exactitude. » (DERP, p. 28)
Selon le Conseil de presse, le journaliste a commis une erreur en présentant son information comme étant un fait avéré. Les nombreux articles publiés sur le sujet rapportaient que les autorités israéliennes et palestiniennes ne s’entendaient pas sur les conclusions du rapport de l’autopsie préliminaire sur la mort du prisonnier palestinien. Il était donc faux d’avancer que le prisonnier palestinien était mort sous la torture israélienne, et cette information induisait donc le public en erreur. Le Conseil est d’avis que le journaliste aurait fait preuve d’une plus grande rigueur s’il avait pris soin d’informer les lecteurs des deux versions dans ce dossier. À cet égard, le Conseil retient le grief d’information inexacte et incomplète.
Grief 2 : absence de rectificatif
Le plaignant indique que, par deux fois, il a écrit au journaliste et à M. André Pratte, pour leur signaler l’erreur et les inviter à corriger le texte, sans aucune réponse de leur part. Cependant, ajoute M. Oullette, sans explication, le passage erroné du texte a été supprimé.
Le guide de déontologie du Conseil mentionne qu’« Il relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs à l’égard de personnes, de groupes ou d’instances mis en cause dans leurs productions journalistiques. […] Ils doivent consacrer aux rétractations et rectifications qu’ils publient ou diffusent une forme, un espace, et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses. » (DERP, p. 46)
Le Conseil constate que lapresse.ca a corrigé le texte original, sans en faire mention dans le texte et sans préciser la nature de l’erreur commise initialement, ce qui aurait permis au public de faire la part des choses. De plus, le Conseil considère que le média aurait dû publier cette rectification tant sur le site Internet que dans la version papier, considérant que l’erreur est parue dans les deux médias. Le Conseil retient le grief pour absence de rectificatif.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte du Centre consultatif des relations juives et israéliennes et de M. David Ouellette contre le journaliste, Jean-Christophe Laurence, le site Internet lapresse.ca et le quotidien La Presse pour les griefs d’information inexacte et incomplète et d’absence de rectificatif.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
- C19B Rectification insatisfaisante