Plaignant
MM. Éric Messier et François Lesage
Mis en cause
Mme Marie-Claude Malboeuf, journaliste; M. Mario Girard, directeur de l’information et le quotidien La Presse et lapresse.ca
Résumé de la plainte
MM. Éric Messier et François Lesage déposent une plainte le 19 mai 2013 et le 5 septembre 2013 contre la journaliste, Mme Marie-Claude Malboeuf, le quotidien La Presse et lapresse.ca concernant deux articles publiés le 5 mars 2013 sous les titres « Le psy devenu prédateur » et « Un hypnologue malveillant peut aller loin… » Une partie de leurs plaintes concerne également une vidéo, diffusée sur lapresse.ca, accompagnant le premier article. Les plaignants dénoncent des titres, une image et un avertissement sensationnalistes, une information incomplète, de la partialité, le manque de crédibilité de la source, une attitude tendancieuse et irrespectueuse de la journaliste envers sa source, un bris d’entente de confidentialité, une utilisation injustifiée de procédés clandestins et un manque d’équilibre. De plus, les plaignants déplorent des informations inexactes et la publication de propos diffamatoires.
Certains points soulevés par les plaignants n’ont pas été analysés par le Conseil parce qu’il s’agissait de simples interrogations et non de l’expression de griefs précis ou qu’il n’y avait manifestement aucune apparence de faute. Rappelons que la politique de recevabilité du Conseil stipule que les plaignants doivent s’assurer que le manquement dénoncé soit suffisamment précis. Il ne peut s’agir de récrimination générale, floue ou globale.
Analyse
Grief 1 : titres, image et avertissement sensationnalistes
M. Lesage estime que le titre de la une, « Psy et prédateur », et celui de l’article, « Le psy devenu prédateur », sont sensationnalistes et qu’ils ne respectent pas l’esprit et le contenu du texte auquel ils renvoient. Il déplore également l’utilisation du mot prédateur qui, selon lui, laissera croire au lecteur que l’article portera sur un criminel dangereux. De plus, mentionne-t-il qu’une recherche sur le moteur de recherche Google du mot prédateur génère des liens vers des articles concernant des meurtres et des agressions graves à caractère sexuel.
Selon Me Patrick Bourbeau du bureau des affaires juridiques de La Presse, le titre n’est aucunement sensationnaliste puisqu’il ne déforme pas le contenu de l’article et de la vidéo. Me Bourbeau souligne que la radiation de M. Lesage de l’Ordre des psychologues pour avoir commis des gestes sexuels inappropriés avec cinq de ses patientes suffit pour le qualifier de prédateur. Il ajoute que, par définition, un prédateur est une personne qui établit son pouvoir, sa puissance en profitant de la faiblesse d’un autre individu. Il conclut en faisant observer que l’article de Mme Malboeuf met au jour l’existence d’une sixième victime. M. Lesage le reconnaît d’ailleurs devant la preuve présentée par la journaliste, note Me Bourbeau.
Le Conseil de presse rappelle dans son guide, Droits et responsabilités de la presse (DERP), que : « Les manchettes et les titres doivent respecter le sens, l’esprit et le contenu des textes auxquels ils renvoient. Les responsables doivent éviter le sensationnalisme et veiller à ce que les manchettes et les titres ne servent pas de véhicules aux préjugés et aux partis pris. » (DERP, p. 30)
L’édition 2010 du Petit Larousse illustré définit le mot prédateur ainsi : « Personne, groupe qui établit son pouvoir, sa puissance en profitant de la faiblesse de ses concurrents. » Dans l’article, Mme Malboeuf fait la démonstration que M. Lesage a profité de sa situation de pouvoir pour obtenir les faveurs sexuelles de certaines clientes. Ses récidives ont de plus conduit à sa radiation de l’Ordre des psychologues. Selon le Conseil de presse, les deux titres respectent l’esprit et le contenu de l’article et ne déforment pas la réalité à laquelle ils font référence. Ce point du grief est rejeté.
M. Lesage considère que l’image d’une main tenant un pendule, apparaissant en page une du quotidien La Presse pour annoncer l’article, est sensationnaliste.
Dans son guide, le Conseil rappelle aux médias qu’ils doivent faire preuve de prudence dans le choix des illustrations accompagnant un article, afin de ne pas juxtaposer un visuel n’ayant pas de lien direct avec l’information transmise, puisque cela risque de créer une confusion chez le lecteur.
Dans le cas présent, le Conseil estime que l’utilisation de cette image était tout à fait justifiée. En effet, dans l’article, la journaliste relate des faits qui se seraient déroulés lors d’une séance d’hypnose, et fait également référence à un jugement du conseil de discipline de l’Ordre des psychologues, selon lequel le plaignant aurait eu recours à des séances d’hypnose avec l’une de ses clientes sans l’aviser, un geste qui lui a valu une radiation de six mois. Considérant que dans l’imaginaire collectif, l’hypnose est associée à l’utilisation d’un pendule, le Conseil juge que l’utilisation de l’image d’une main tenant un pendule était justifiée. Ce point du grief est rejeté.
M. Messier, pour sa part, considère que le message d’avertissement précédant le reportage vidéo, accessible sur Internet, est sensationnaliste. Cet avertissement se lit comme suit : « Les propos contenus dans ce reportage pourraient être choquants. Nous préférons vous en avertir. »
Selon Me Bourbeau, l’avertissement apparaissant au début de la vidéo n’est pas sensationnaliste. Il souligne qu’il y est question d’actes et de fantasmes sexuels explicites. Il affirme que le fait qu’une personne en position de pouvoir tel que M. Lesage évoque de tels actes et de tels fantasmes à l’égard d’une personne en position de vulnérabilité est considéré comme étant choquant pour la vaste majorité de l’auditoire de lapresse.ca.
Le guide de déontologie du Conseil rappelle d’ailleurs aux médias qu’ils doivent faire preuve de circonspection dans la diffusion de l’information. Ainsi, étant donné certains passages décrivant explicitement les fantasmes sexuels de M. Lesage et le fait que le reportage est accessible sur Internet et qu’il peut être visionné à tout moment de la journée, par n’importe qui, le Conseil considère que l’avertissement était justifié et n’était pas sensationnaliste. Ce point du grief est rejeté.
Le Conseil rejette le grief pour titres, image et avertissement sensationnalistes.
Grief 2 : informations incomplètes
M. Messier soutient qu’il existe de nombreux cas de plaintes pour harcèlement sexuel qui s’avèrent des tentatives de manipulation ou de vengeance personnelle. Il dénonce la décision de la journaliste d’ignorer ce fait.
Dans son guide de déontologie, le Conseil note que « Le choix des faits et des événements rapportés, de même que celui des questions d’intérêt public traitées relèvent de la discrétion des directions des salles de nouvelles des organes de presse et des journalistes. » (DERP, p. 14)
Selon le Conseil, la journaliste n’avait pas l’obligation de mentionner ces cas, d’autant plus que M. Lesage a admis avoir tenté de séduire Sophie, une de ses clientes, et qu’il a été radié de l’Ordre des psychologues du Québec pour des gestes similaires posés sur cinq autres clientes. Ce point du grief est rejeté.
M. Messier s’inquiète du fait que la vidéo ne dure que quelques minutes, alors que l’entrevue entre la journaliste et M. Lesage a duré environ une heure. Il craint qu’il n’y ait eu un choix éditorial douteux dans le montage.
Me Bourbeau fait valoir que la journaliste et La Presse ont l’entière liberté rédactionnelle dans le choix du montage de la vidéo. Il souligne que ce montage ne dénature pas le contenu de l’entrevue.
Dans son guide, le Conseil rappelle : « L’information livrée au public fait nécessairement l’objet de choix rédactionnels. » (DERP, p. 13) De plus, il précise que les professionnels de l’information exercent leur jugement rédactionnel en ce qui concerne la présentation et l’illustration de l’information.
De l’avis du Conseil, la journaliste était libre dans le choix des éléments à conserver et n’avait aucune obligation à tout diffuser. De plus, le plaignant ne démontre pas en quoi la sélection effectuée était abusive. Ce point du grief est rejeté.
M. Lesage se plaint que la journaliste n’ait pas rencontré, comme il le lui avait recommandé, l’inspectrice du Service de police de la Ville de Montréal qui l’a interrogé à la suite de la plainte de Sophie. Ce qui aurait, selon le plaignant, apporté un complément d’information à sa version sur certains épisodes de sa relation avec Sophie.
Me Bourbeau fait valoir que la version des faits du plaignant est largement présentée dans l’article et dans la vidéo. Il reconnaît que Mme Malboeuf ne s’est pas fondée sur le contenu de l’interrogatoire de police auquel a été soumis M. Lesage et il soutient qu’elle n’avait aucune obligation de le faire. Les forces policières ne commentent jamais leurs enquêtes, ajoute l’avocat. Il rappelle que la journaliste avait en sa possession les échanges Facebook de M. Lesage et de Sophie. Il fait remarquer que M. Lesage en a reconnu l’authenticité.
Le Conseil rappelle que l’article du guide de déontologie sur la liberté des choix rédactionnels accordée aux médias s’applique également au choix des sources. Ce point du grief est rejeté.
Pour ces raisons, le Conseil rejette le grief pour informations incomplètes.
Grief 3 : partialité
Selon les plaignants, la photo accompagnant l’article est un choix éditorial tendancieux visant à faire mal paraître M. Lesage. Ils soutiennent qu’il existe des photos plus avantageuses de M. Lesage. Ils soulignent également que la photo a été prise sur la page Facebook de M. Lesage sans son consentement, ce qui constituerait une violation de la propriété intellectuelle.
Me Bourbeau de La Presse soutient que l’usage d’une photographie tirée d’une page Facebook constitue une utilisation équitable au sens de la Loi sur le droit d’auteur et ne constitue pas une violation de droits d’auteur. Il précise que le guide de déontologie du Conseil de presse prévoit que la liberté de presse et le droit du public à l’information autorisent les médias à choisir et diffuser les photographies qu’ils jugent d’intérêt public et que ceux-ci doivent conserver leur entière liberté rédactionnelle en la matière. Il ajoute que c’est M. Lesage qui a choisi cette photographie comme image principale pour son profil Facebook.
Le Conseil constate que la photo du profil Facebook de M. Lesage était publique, sélectionnée par lui-même et accessible à tous. L’intérêt public du reportage justifiait sa diffusion. Par ailleurs, il n’est pas de la compétence du Conseil de se prononcer sur la Loi sur le droit d’auteur.
Le Conseil rejette le grief pour partialité.
Grief 4 : manque de crédibilité de la source
M. Messier met en doute la crédibilité de Sophie, la source principale du reportage. Il affirme que le lecteur ne sait rien de la « présumée victime » évoquée dans la vidéo.
L’avocat des mis en cause soutient que la crédibilité de Sophie est appuyée par les nombreuses conversations Facebook qu’elle a eues avec M. Lesage, que la journaliste avait en sa possession. Il ajoute que les gestes décrits par Sophie correspondaient en large partie à ceux décrits par les cinq autres victimes dans les jugements du conseil de discipline de l’Ordre des psychologues du Québec. Il rappelle que M. Lesage a reconnu avoir tenté de séduire Sophie dans le but d’avoir des relations sexuelles avec elle.
Dans son guide de déontologie, le Conseil rappelle aux journalistes qu’ils doivent s’assurer de la fiabilité de leurs sources et vérifier leurs informations auprès de sources indépendantes. Le Conseil considère que c’est ce que la journaliste a fait. Elle a consulté les décisions rendues par le conseil de discipline de l’Ordre des psychologues du Québec et elle cite des extraits de la correspondance Facebook entre Sophie et M. Lesage.
Pour ces raisons, le Conseil rejette le grief pour manque de crédibilité de la source.
Grief 5 : attitude tendancieuse et irrespectueuse envers la source
M. Messier considère que Mme Malboeuf s’est comportée de façon tendancieuse dans le reportage vidéo. Selon lui, elle a agi comme une policière plutôt que comme une journaliste. Il estime qu’elle avait un ton paternaliste et menaçant lorsqu’elle a demandé à M. Lesage : « À quoi je devrais m’attendre si je continue de chercher, deux, quatre, cinq, dix autres cas? »
Me Bourbeau soutient que la journaliste est libre de choisir le style de questions qui lui convenaient dans les circonstances.
Le Conseil constate que Mme Malboeuf pose des questions légitimes concernant un sujet d’intérêt public. Dans les extraits d’entrevue présentés dans le reportage, rien ne laisse croire que la journaliste ait été menaçante envers M. Lesage. Le Conseil rappelle que le travail des journalistes est de rechercher la vérité. L’enquête constitue un genre journalistique visant à débusquer et dénoncer des abus de pouvoir. Il renvoie à une démarche de recherche, de collecte et de vérification d’informations. Ainsi, la journaliste avait un sujet d’intérêt public et elle a mené son enquête selon les règles de l’art de ce genre journalistique. Dans une décision (D1997-06-040) rendue en décembre 1997, le Conseil déclarait : « Si la pratique du métier de journaliste exige de la rigueur, elle exige également une fermeté de la part de ses professionnels dans la quête d’exactitude des faits. » Pour les mêmes raisons, ce point du grief est rejeté.
Pour ces raisons, le Conseil rejette le grief pour attitude tendancieuse et irrespectueuse envers la source.
Grief 6 : bris d’entente de confidentialité
Dans sa plainte et son commentaire, M. Lesage note qu’il venait rencontrer Mme Malboeuf parce qu’elle avait accepté sa proposition de discuter d’un sujet précis et de taire son identité. Il considère que la journaliste a brisé leur entente en abordant un autre sujet et en dévoilant publiquement son identité.
Après étude du dossier et discussion avec Mme Malboeuf, le Conseil constate que le plaignant a été avisé par la journaliste, dès le début de la rencontre, qu’elle désirait aborder un autre sujet que celui souhaité par M. Lesage. Dès cet instant, il était clair qu’aucune entente de confidentialité n’existait et ne pouvait exister sur ce nouveau sujet : sa relation avec une nouvelle cliente (Sophie). Le Conseil juge que la liberté rédactionnelle de la journaliste lui permettait de choisir le sujet qu’elle voulait approfondir, qu’il y a eu une entente claire entre Mme Malboeuf et M. Lesage quant à l’absence de confidentialité et que le plaignant a néanmoins accepté de tenir une conversation avec la journaliste pendant environ une heure. Le grief de bris d’entente de confidentialité est rejeté.
Grief 7 : utilisation injustifiée de procédés clandestins
M. Lesage dénonce le fait que la vidéo ait été tournée à son insu et sans son consentement. Il estime qu’il s’agit de « journalisme d’embuscade ».
Selon Me Bourbeau, l’utilisation d’une caméra cachée était pleinement justifiée par l’intérêt public de démasquer un prédateur qui continue de sévir sur des personnes vulnérables. Il estime que la journaliste n’aurait probablement jamais obtenu les aveux de M. Lesage autrement.
Le Conseil reconnaît que le recours à des procédés clandestins est légitime, mais à certaines conditions : le sujet abordé doit présenter un haut degré d’intérêt public et aucun autre moyen ne permet d’obtenir les informations recherchées. On pourrait également ajouter, comme le stipule le Guide de déontologie de la FPJQ, qu’il faut que « les gains pour le public dépassent les inconvénients qui peuvent être causés à des individus ».
Dans le présent cas, le Conseil estime que le comportement répréhensible d’un « professionnel » envers une cliente est un sujet éminemment d’intérêt public. Le lourd passé disciplinaire de M. Lesage, son expulsion de l’Ordre des psychologues, le témoignage très détaillé et accusateur de la nouvelle cliente et des confirmations tout aussi inquiétantes de la part de sources externes justifiaient de le confronter à ces nouvelles informations et d’enregistrer à son insu ses réactions et ses réponses. Le Conseil juge légitime la diffusion d’extraits sonores et visuels obtenus par cet enregistrement. Ces extraits permettent au public d’observer lui-même le comportement de M. Lesage qui, confronté à de sérieuses preuves, change sa version et avoue avoir abusé de sa cliente. Dans un tel contexte, le ton, la gestuelle et les silences de M. Lesage sont autant d’éléments présentant un haut degré d’intérêt public pour un reportage multimédia.
Le Conseil rejette le grief pour utilisation injustifiée de procédés clandestins.
Grief 8 : manque d’équilibre
M. Messier considère que Mme Malboeuf n’a présenté qu’une version des faits dans un événement qui mettait en cause M. Lesage et Sophie qui sous hypnose, aurait été absusée sexuellement par M. Lesage. Le plaignant juge que la journaliste tente de diriger l’opinion du lecteur vers cette conclusion à partir du seul témoignage de Sophie.
Me Bourbeau note que les deux versions de cet épisode sont rapportées dans la vidéo.
Le Conseil confirme que les versions des deux parties en cause ont été présentées dans le reportage vidéo. Ce point du grief est rejeté.
M. Messier constate que dans un deuxième texte intitulé « Un hypnologue malveillant peut aller loin… » et publié le même jour, Mme Malboeuf présente l’avis d’experts pour appuyer les accusations contre M. Lesage. Il déplore qu’elle ait choisi d’ignorer le fait que M. Lesage est lui aussi un expert de l’hypnose.
Le Conseil observe que la journaliste a consulté des experts et fait référence à des jugements condamnant des hypnologues malveillants ayant abusé de leurs clientes sous hypnose. Dans le cas présent, le Conseil estime que la journaliste ne pouvait accorder à M. Lesage le statut d’expert, puisqu’il aurait été en situation de total conflit d’intérêts, et que sa crédibilité aurait donc été nulle. Ce point du grief est rejeté.
Pour toutes ces raisons, le grief pour manque d’équilibre est rejeté.
Grief 9 : informations inexactes
M. Messier dénonce une longue série d’inexactitudes, que nous reprendrons ici une à une.
Premièrement, il juge que la journaliste aurait dû employer le conditionnel lorsqu’elle dit, dans le reportage vidéo : « Jeux sexuels tordus, attouchements, c’est ce qu’il leur a fait subir ». Selon lui, il s’agit d’accusations alléguées provenant de Mme Malboeuf et de Sophie.
Deuxièmement, M. Messier soutient que M. Lesage a nié avoir hypnotisé la présumée victime, alors que Mme Malboeuf écrit « Une toute jeune femme, qu’il a bombardée de messages pornographiques, hypnotisée, droguée dans un chalet et poussée à la psychose. »
Troisièmement, M. Messier juge que la journaliste insinue que M. Lesage a provoqué la psychose de Sophie, lorsqu’elle écrit : « Depuis les événements, elle souffre de choc post-traumatique sévère avec dissociations. Son traitement est financé par l’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC). […] Depuis trois semaines, elle est hospitalisée en psychiatrie. Psychose. »
Quatrièmement, M. Messier considère que la journaliste aurait dû employer le conditionnel dans le paragraphe débutant par la phrase : « Jusqu’en 2004, nul ne se doutait que ces gens très abîmés avaient souvent été utilisés pour assouvir ses fantasmes ». Il estime que les faits y sont présentés comme la conclusion d’une enquête policière, alors qu’il s’agit, selon lui, de l’enquête de Mme Malboeuf.
Cinquièmement, M. Messier estime que la phrase « Sur le coup, il semblait prêt à tout pour la faire délirer » constitue une affirmation gratuite et portant à interprétation.
Le mis en cause rapporte que dans le cas des cinq premières victimes, les comportements à caractère sexuel dont il est question sont abondamment détaillés dans les jugements du conseil de discipline de l’Ordre des psychologues du Québec et dans les pièces qui ont été déposées à leur soutien par les parties en cause dans ce dossier. Dans le cas de la sixième victime, la journaliste s’est basée sur les échanges Facebook entre M. Lesage et la victime. Me Bourbeau note que lorsqu’il y avait contradiction entre la version de M. Lesage et celle de Sophie, qui ne pouvait être tranchée par la preuve documentaire, les deux versions des faits étaient présentées par la journaliste.
En analysant chacun de ces cinq passages, le Conseil constate que la journaliste s’est fondée sur les décisions rendues par le comité de discipline de l’Ordre des psychologues, ainsi que sur le témoignage de Sophie. Considérant que le plaignant n’a fourni aucune preuve pour appuyer ses allégations à cet égard, le Conseil n’a d’autre choix que de rejeter ce point du grief.
M. Messier estime également que la phrase suivante est fausse : « Jusqu’à ce que La Presse le débusque dans le cadre d’une enquête sur les gourous, l’automne dernier, François Lesage annonçait son centre de thérapie sur le web […]. C’est justement là, derrière une porte pleine de traces de doigt […]. » Il considère que la phrase insinue faussement que M. Lesage se cache et qu’il est un gourou.
Selon Le Petit Larousse, le verbe débusquer signifie : « Obliger quelqu’un à quitter une position avantageuse, un refuge. » Dans un article publié en octobre 2012, intitulé « Gourous inc. : de vrais psys vraiment ésotériques », Mme Malboeuf met en lumière le fait que M. Lesage, même s’il a été radié de l’Ordre des psychologues, avait ouvert un centre de thérapie, qu’il annonçait sur Internet. On peut donc juger qu’elle avait raison d’employer le verbe débusquer pour référer à cet article. Dans le cas du mot gourou, il est défini dans Le Petit Larousse comme étant un maître à penser. Dans l’article en question, la journaliste présentait des professionnels de la santé mentale ayant recours à des techniques qui ne sont pas reconnues par l’Ordre des psychologues. En employant le mot gourou dans son article de mars 2013, Mme Malboeuf fait référence au titre de celui publié en octobre 2012. Le Conseil estime que la journaliste était justifiée d’utiliser cette comparaison. Ce point du grief est rejeté.
Selon M. Messier la phrase, « Là aussi, ses obsessions ont fait des ravages » suppose que M. Lesage aurait agressé une jeune femme louant une chambre à l’étage de son duplex.
Dans l’article, Mme Malboeuf rapporte le point de vue de M. Lesage qui affirme avoir « seulement invitée [la chambreuse] dans son lit pour rire ». La journaliste ne laisse pas croire qu’il y a eu agression, elle ne rapporte que les propos des chambreuses qui racontent leurs craintes face aux avances de M. Lesage. La définition du Petit Larousse du verbe ravager, c’est-à-dire « Causer à quelqu’un de graves troubles physiques ou moraux, provoquer des désordres dans son existence » ne fait pas non plus référence à une agression, mais plutôt à un trouble. Ce point du grief est rejeté.
M. Lesage considère que la journaliste affirme dans son article qu’il a eu recours à l’hypnose d’une façon malveillante. Dans sa plainte, il assure avoir refusé de pratiquer l’hypnose sur Sophie.
Dans l’article et la vidéo, la journaliste rapporte que le plaignant a hypnotisé Sophie. Dans le reportage vidéo, on entend cette dernière l’affirmer. En plus de ce témoignage, la journaliste s’appuie sur les décisions du conseil de discipline de l’Ordre des psychologues, où l’une des décisions rapportait qu’une cliente avait été hypnotisée sans son consentement. Devant ces versions contradictoires, le Conseil considère que la version rapportée par la journaliste est la plus probante et ne constate pas d’inexactitude. Ce point du grief est rejeté.
M. Messier estime, par ailleurs, que le reportage vidéo présente faussement le témoignage de la présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, Mme Rose-Marie Charest, ce qui a pour conséquence d’appuyer les allégations de la journaliste. Il note que Mme Charest ne nomme jamais M. Lesage et ne fait aucune mention de ses gestes présumés. Il se demande si elle regarde bien un extrait de l’entrevue avec M. Lesage.
Me Bourbeau indique que Mme Charest a visionné l’entrevue de Mme Malboeuf avec M. Lesage et qu’elle se prononce de manière générale sur le caractère éthique de ce genre de comportements.
Dans le reportage vidéo, il apparaît clairement que Mme Charest a regardé l’entrevue réalisée avec M. Lesage. Par la suite, elle exprime des commentaires généraux sur l’inconduite sexuelle de plusieurs psychologues. Le Conseil juge que la journaliste n’a pas déformé le témoignage de Mme Charest. Ce point du grief est rejeté.
Pour toutes ces raisons, le Conseil rejette le grief pour informations inexactes.
Grief 10 : propos diffamatoires
Les plaignants estiment que l’article et la vidéo constituent de la diffamation à l’endroit de M. Lesage.
Le Conseil rappelle que la diffamation, le libelle et l’atteinte à la réputation ne sont pas considérés comme du ressort de la déontologie journalistique, mais qu’ils relèvent plutôt de la sphère judiciaire. Comme le Conseil de presse ne rend pas de décisions en la matière, le grief pour propos diffamatoires n’a pas été traité.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette les plaintes de MM. Éric Messier et François Lesage contre la journaliste Mme Marie-Claude Malboeuf, La Pressse et lapresse.ca pour les griefs de titres, image et avertissement sensationnalistes, informations incomplètes, partialité, manque de crédibilité de la source, attitude tendancieuse et irrespectueuse envers la source, bris d’entente de confidentialité, utilisation injustifiée de procédés clandestins, manque d’équilibre et informations inexactes.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 3, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger, présidente du comité des plaintes
- M. Adélard Guillemette
- Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentants des journalistes :
- Mme Katerine Belley-Murray
- M. Denis Guénette
Représentants des entreprises de presse :
- M. Éric Latour
- M. Gilber Paquette
Analyse de la décision
- C03B Sources d’information
- C11B Information inexacte
- C11F Titre/présentation de l’information
- C12A Manque d’équilibre
- C12B Information incomplète
- C13A Partialité
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C17A Diffamation
- C23E Enregistrement clandestin