Plaignant
M. Mario Tanguay
Mis en cause
M. Christopher Chartier Jacques, journaliste; M. Yannick Michaud, directeur de l’information et l’hebdomadaire L’Étoile
Résumé de la plainte
M. Mario Tanguay dépose une plainte le 14 août 2013 à l’endroit du journaliste Christopher Chartier Jacques et de l’hebdomadaire L’Étoile, au sujet d’un article paru le 7 août 2013, intitulé « Un prêt et un esclandre ». Le plaignant reproche au journaliste d’avoir publié des informations incomplètes et d’avoir porté atteinte à sa réputation. Il déplore également ne pas avoir pu répliquer à l’article après sa publication.
Analyse
Grief 1 : informations incomplètes
La plainte concerne un court article qui relate une altercation verbale entre deux candidats à l’élection municipale qui s’est déroulée à l’issue d’une séance du conseil de ville de Vaudreuil-Dorion.
M. Tanguay estime que le journaliste aurait dû recueillir sa version des faits, ce qui lui aurait permis de « de savoir ce qui s’est réellement passé » à la séance du conseil municipal du 5 août 2013. Selon lui, les informations contenues dans l’article sont incomplètes. Il note qu’il était présent et disponible, ce soir-là, et que « l’auteur de l’article aurait pu facilement [l]’interroger ». Il estime, par ailleurs, que M. Chartier Jacques aurait dû mentionner le contenu de son intervention devant les élus municipaux pendant la période de questions de la séance.
Dans sa réplique au plaignant, le journaliste fait le compte-rendu de la soirée du 5 août. Le journaliste relate que Mario Tanguay s’est adressé, à la période de questions, à Diane Morin, alors candidate à un poste de conseillère municipale. « Vous, fermez-vous », aurait dit « assez cavalièrement » M. Tanguay à Mme Morin. « D’où j’étais, je n’ai pas saisi ce qu’a dit madame Morin pour s’attirer cet ordre », précise le journaliste. Après la levée de la séance, dans l’escalier menant à la sortie, il dit avoir vu et entendu Mario Tanguay « crier furieusement […], j’utiliserais le mot hurler même après Diane Morin. Encore là, je ne vois pas ce que fait madame Morin en aval. Quelques instants plus tard, l’agent de sécurité sur place s’est approché de Mario Tanguay pour discuter avec lui et l’éloigner des portes afin de permettre aux citoyens de retourner chez eux ». Le journaliste dit avoir interrogé trois conseillers municipaux et un citoyen qui lui ont tous livré la même version : « Mario Tanguay a injurié Diane Morin et personne ne semble savoir pourquoi ». Le journaliste n’a pas voulu interroger M. Tanguay après la séance parce qu’il le sentait « très frustré » et qu’il estimait « qu’il avait un tempérament quelque peu agressif ».
Mario Tanguay estime qu’il n’a pas traité Mme Morin cavalièrement. Dans ses commentaires adressés au Conseil, il affirme que cette dernière « m’interrompait constamment pendant que je prenais la parole. Constatant qu’elle continuait de m’interrompre, je lui ai demandé de se taire ». M. Tanguay ajoute que le journaliste aurait dû également recueillir la version des faits de Diane Morin.
Le Conseil de presse énonce, dans son guide de déontologie, Droits et responsabilités de la presse (DERP), que la fonction première des médias et des professionnels de l’information est de « livrer à la population une information exacte, rigoureuse, complète sur toute question d’intérêt public ». (DERP, p. 7) Le Conseil doit ici évaluer si le journaliste a commis une faute d’incomplétude, c’est-à-dire, s’il a omis de publier une information essentielle à la compréhension de l’événement qu’il couvrait.
Le Conseil constate en premier lieu que le média a exercé sa liberté rédactionnelle en décidant de ne pas rapporter tout le contenu de la séance du conseil municipal, mais d’informer ses lecteurs, dans un très court texte, d’un incident particulier, d’une altercation verbale entre deux candidats qui a ponctué la fin de la réunion publique et les minutes qui ont suivi.
Le Conseil juge que le journaliste pouvait choisir le degré de profondeur qu’il voulait consacrer à cet événement, qu’il était légitime de se limiter à une simple description et qu’il n’était donc pas obligé de recueillir la version des acteurs impliqués. Compte tenu de l’angle choisi, le lecteur n’a pas été induit en erreur dans la compréhension des faits et n’a pas été privé d’information essentielle.
Le Conseil rejette le grief d’informations incomplètes.
Grief 2 : refus de droit de réplique
Le plaignant déplore que le journaliste et la direction du journal L’Étoile n’aient pas répondu à ses appels. Il affirme avoir laissé un message dans la boîte vocale du journaliste et avoir contacté la direction et n’a pas tenté de les contacter à nouveau. Il estime qu’il avait le droit de faire connaître sa version des faits après la publication.
Le journaliste explique qu’il était en vacances au moment où M. Tanguay a laissé un message dans sa boîte vocale. Il ajoute qu’il a pris connaissance de sa plainte au Conseil de presse qu’à son retour. Pour sa part, le rédacteur en chef, Yanick Michaud, a mentionné lors d’un entretien téléphonique avec le Conseil qu’il n’a jamais reçu de message de la part de M. Tanguay. Il a par ailleurs mentionné que le journal L’Étoile couvre 23 municipalités, qu’il est très sollicité, mais qu’il s’efforce de faire un suivi lorsque des gens entrent en contact avec lui.
Dans son guide, le Conseil souligne : « Les médias et les journalistes ont le devoir de favoriser un droit de réplique raisonnable du public face à l’information qu’ils ont publiée ou diffusée. Ils doivent, lorsque cela est à propos, permettre aux personnes, groupes ou instances de répliquer aux informations et aux opinions qui ont été publiées ou diffusées à leur sujet. » (DERP, p. 27)
Compte tenu du fait que le média a pris connaissance de la demande de réplique que très tardivement, de l’absence de faute professionnelle constatée au grief précédent, du faible degré d’intérêt public des événements décrits, et du choix légitime du média d’y consacrer peu d’espace, le Conseil juge que les mis en cause n’étaient pas dans l’obligation d’accorder un droit de réplique à M. Tanguay.
Le grief pour refus de droit de réplique est donc rejeté.
Grief 3 : atteinte à la réputation
M. Mario Tanguay juge que l’article visé a porté atteinte à sa réputation.
Le Conseil rappelle que la diffamation, le libelle et l’atteinte à la réputation ne sont pas considérés comme du ressort de la déontologie journalistique, mais qu’ils relèvent plutôt de la sphère judiciaire. Comme le Conseil de presse ne rend pas de décisions en la matière, le grief pour atteinte à la réputation n’a pas été traité.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Mario Tanguay contre le journaliste, M. Christopher Chartier Jacques et le journal L’Étoile pour les griefs d’informations incomplètes et refus de droit de réplique.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger, présidente du comité des plaintes
M. Adélard Guillemette
Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentants des journalistes :
Mme Katerine Belley-Murray
M. Denis Guénette
Représentants des entreprises de presse :
M. Éric Latour
M. Gilber Paquette
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C19A Absence/refus de rectification