Plaignant
M. Martin Verronneau
Mis en cause
M. Pierre Schneider, journaliste; M. Thomas Gallenne, rédacteur en chef; Mme Josée Pilotte, éditrice et l’hebdomadaire Journal Accès
Résumé de la plainte
M. Martin Verronneau dépose une plainte le 13 septembre 2013 contre le journaliste Pierre Schneider et l’hebdomadaire Journal Accès concernant un article publié le 10 septembre 2013, sous le titre « Enfouissement illégal d’un étang à Sainte-Adèle ». Le plaignant dénonce des informations inexactes, un titre inexact et un manque d’équilibre.
Certains points soulevés par le plaignant n’ont pas été analysés par le Conseil parce qu’il n’y avait manifestement aucune apparence de faute. Rappelons que la politique de recevabilité du Conseil stipule que les plaignants doivent s’assurer que le manquement dénoncé soit suffisamment précis. Il ne peut s’agir de récriminations générales, floues ou globales.
Analyse
Grief 1 : informations inexactes
L’article en question portait sur les protestations d’un citoyen ayant constaté la disparition d’un étang à la suite de travaux de remblai effectués par la compagnie de M. Martin Verronneau. Selon le plaignant, l’article comporte deux éléments d’information qui sont inexacts.
En premier lieu, le plaignant souligne que contrairement à ce qu’affirme l’article, il n’y avait pas d’étang à l’endroit indiqué par la source du journaliste, M. Richard Spénard. Selon M. Verronneau, qui réfère au rapport d’un biologiste de la firme Biofilia ayant étudié les lieux, il s’agirait plutôt d’un marécage sans faune, une sorte de milieu humide. Il déplore que le journaliste n’ait jamais communiqué avec le biologiste en question.
Le journaliste réplique qu’il s’est basé sur plusieurs sources pour rédiger son article. Parmi ces sources, il mentionne la responsable du Service de l’environnement de la Ville de Sainte-Adèle, Mme Isabel Roberge, qui lui a confirmé qu’un étang avait été remblayé illégalement. Il a également eu accès à de nombreux courriels échangés entre M. Spénard et Mme Roberge, ainsi que ceux échangés avec M. Steeve Lachance, technicien au ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs. Il a de plus effectué des vérifications lors de visites sur le terrain et a consulté des photos Google Earth montrant l’étang avant et après. M. Schneider affirme qu’il n’était pas au courant des expertises de la firme Biofilia.
En consultant les différents documents utilisés par le journaliste au cours de sa recherche, le Conseil constate que le terme « étang » est abondamment utilisé par les intervenants dans ce dossier, ce qui justifie que le journaliste croyait que cela correspondait au type de milieu humide présent avant le remblaiement. Quant au rapport soumis au Conseil par le plaignant, datant de 2006, il fait état de la présence de milieux humides, sans donner plus de détails, contrairement à ce que soutient M. Verronneau. Le plaignant n’a donc pas prouvé que cette information était inexacte. Ce point du grief est rejeté.
En deuxième lieu, le plaignant considère que le journaliste a rapporté de manière inexacte le contenu d’un jugement de la cour municipale. En rapportant l’issu du procès intenté par la Ville de Sainte-Adèle contre le propriétaire des terrains voisins de ceux de M. Verronneau, soit Construction J.S.D. de Trois-Rivières inc., le journaliste indiquait que l’entreprise a été acquittée « faute de preuves ». Selon M. Verronneau, le juge aurait plutôt parlé d’un acquittement « faute de liens ».
Josée Pilotte et Thomas Gallenne, respectivement éditrice et rédacteur en chef du Journal Accès, rapportent que le journaliste leur a fait parvenir la réponse de Sylvie Savoie, greffière à la Ville de Sainte-Adèle, concernant le verdict dans le procès contre Construction J.S.D. de Trois-Rivières inc. quelques heures avant que le journal soit envoyé sous presse. Selon les mis en cause, Mme Savoie indiquait que « Construction J.S.D. de Trois-Rivières inc. a été acquittée en date du 4 juin dernier. Le jugement a été rendu sur le banc et verbalement. Dès lors, je n’ai pas de jugement écrit […] ».
Le Conseil a écouté l’enregistrement du procès. Devant l’incapacité de la procureure de la municipalité à fournir une preuve hors de tout doute raisonnable démontrant que Construction J.S.D. de Trois-Rivières inc. a participé aux travaux, le juge déclare que « la compagnie est acquittée de l’infraction reprochée ». Selon le Conseil, le journaliste a bien rapporté la décision du juge selon laquelle Construction J.S.D. est acquittée parce qu’aucune preuve n’a été présentée sur le lien entre cette compagnie et les travaux de remblaiement. Ce point du grief est rejeté.
Pour toutes ces raisons, le Conseil rejette le grief pour informations inexactes.
Grief 2 : titre inexact
M. Verronneau estime que le journaliste n’a aucune preuve de ce qu’il avance dans le titre : « Enfouissement illégal d’un étang à Sainte-Adèle ». Il considère que le titre est mensonger puisqu’il ne s’appuie sur aucun fait juridique, botanique ou biologique. Les termes « enfouissement », « illégal » et « étang » sont selon lui inexacts. Il fait valoir que la définition d’enfouir est : « Cacher quelque chose quelque part, le mettre sous quelque chose d’autre, au fond de quelque chose; dissimuler. » Il souligne qu’il n’a jamais été accusé d’avoir enfoui quoi que ce soit, mais plutôt d’avoir omis de demander un permis de déblai/remblai. Au sujet du mot « illégal », il note que le déblai/remblai était autorisé par le règlement municipal. Dans le cas du terme « étang », M. Verronneau réfère au rapport du biologiste ayant affirmé qu’il s’agissait « d’un milieu humide de type marécage sans faune et temporaire de 2006 à 2009 ».
M. Schneider indique qu’il n’a aucune responsabilité dans le choix des titres. Quant à l’éditrice et le rédacteur en chef, ils n’ont soumis aucune réplique sur ce grief.
Le Conseil a déjà reconnu que le journaliste était justifié d’utiliser le terme « étang ». Quant au mot « illégal », il est utile de rappeler ici qu’un juge de la cour municipale a déterminé que les travaux avaient été réalisés sans permis, ce qui constitue une infraction au règlement municipal. Dans l’édition 1995 du Petit Larousse, on peut lire que le verbe enfouir signifie : « Mettre en terre. Cacher, enterrer sous; dissimuler. » Le même dictionnaire définit le remblai comme étant « une masse de terre rapportée pour élever un terrain ou combler un creux ». Cette dernière définition faisait d’ailleurs partie de celles retenues par le juge qui a présidé le procès opposant la Ville de Sainte-Adèle aux Développements Béarence inc., l’entreprise de M. Verronneau. Tout ceci confirme la pertinence du titre publié par les mis en cause.
Le Conseil rejette le grief pour titre inexact.
Grief 3 : manque d’équilibre
Selon M. Martin Verronneau, le journaliste n’a jamais présenté sa version des faits.
M. Pierre Schneider soutient qu’au moment de la tombée, il ne lui a pas été possible de rejoindre M. Verronneau.
Dans son commentaire, le plaignant relève que le rédacteur en chef mentionne que l’article a été bouclé quelques minutes avant la mise sous presse. Il se demande pourquoi celui-ci n’a pas reporté la publication, étant donné qu’il ne comportait pas « l’autre version des faits, la version du ministère et la réponse du greffe de la cour municipale », d’autant plus qu’il ne s’agissait pas d’un article d’actualité.
Le Conseil constate que la position défendue par M. Verronneau porte sur l’état initial du terrain avant le remblaiement. Le journaliste n’avait pas l’obligation de présenter le point de vue de M. Véronneau qui porte sur un aspect accessoire du dossier, considérant que le sujet de l’article concerne la dénaturalisation du terrain et des démarches pour sa remise en état.
Le Conseil rejette le grief pour manque d’équilibre.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Martin Verronneau contre le journaliste Pierre Schneider et le Journal Accès pour les griefs d’informations inexactes, de titre inexact et de manque d’équilibre.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Audrey Murray
Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentants des journalistes :
M. Vincent Larouche
M. Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
M. David Johnston
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11F Titre/présentation de l’information
- C12A Manque d’équilibre