Plaignant
Technologies Bionest inc. et M. Pierre Saint-Laurent, vice-président exécutif et directeur général
Mis en cause
Mme Anne-Caroline Desplanques, journaliste; M. Dany Doucet, rédacteur en chef et Le site Internet du Journal de Montréal
Résumé de la plainte
M. Pierre Saint-Laurent, vice-président exécutif et directeur général de Technologies Bionest inc. dépose une plainte contre la journaliste Anne-Caroline Desplanques et le Journal de Montréal, relativement à deux articles publiés les 9 et 10 octobre 2013 sur le site Internet du Journal de Montréal. Il reproche aux mis en cause des inexactitudes, une absence de rectificatif et de droit de réplique et déplore une atteinte à la réputation de son entreprise.
Analyse
Grief 1 : inexactitudes
Les textes visés font état d’une plainte faite à l’UPAC contre un conseiller municipal de Saint-Colomban, Francis Émond. Le parti politique à l’origine de la plainte, opposé à l’administration municipale en place, lui reproche d’avoir favorisé l’entreprise Technologie Bionest dans l’octroi d’un contrat public, en échange de vacances dans le sud.
M. Pierre Saint-Laurent, vice-président exécutif et directeur général, souligne une première inexactitude : son entreprise n’a pas obtenu le contrat de construction du système de traitement des eaux usées du centre communautaire de la municipalité de Saint-Colomban, comme cela est affirmé dans l’article du 9 octobre.
Le 10 octobre, le plaignant a communiqué avec la journaliste et lui a fait part de cette erreur. Le même jour, Mme Desplanques signait un autre article, où elle rapportait la réaction de M. Saint-Laurent à son premier article. « La compagnie Bionest dément avoir bénéficié du soutien du conseiller municipal Francis Émond pour obtenir un contrat auprès de la Ville », peut-on y lire.
Le Conseil de presse, dans son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse, mentionne que « les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité ». (DERP, p. 26)
Après une vérification au Système électronique d’appels d’offres (SEAO) du Québec – avis publié le 28 août 2013 – et une validation auprès du directeur général et du maire de la municipalité de Saint-Colomban, le Conseil constate que le contrat de construction du système sanitaire a été octroyé à l’entreprise David Ridell Excavation/Transport, et non à Technologies Bionest inc.
Lors de ses recherches, le Conseil a appris que le devis technique associé à ce contrat, rédigé par une firme d’ingénierie mandatée par la municipalité et auquel devait se soumettre David Ridell Excavation/Transport, exige que le système installé soit celui de Technologies Bionest. Bien que ce fait puisse porter à confusion, il était inexact d’affirmer que l’entreprise du plaignant a obtenu le contrat de construction du système, comme cela est fait dans l’article du 9 octobre. L’article du 10 octobre véhicule toujours cette fausse information.Le grief d’inexactitudes est retenu sur ce point.
Une seconde inexactitude est relevée par le plaignant dans l’article du 9 octobre. Technologies Bionest n’est pas une entreprise spécialisée dans l’installation de fosses septiques comme l’écrit la journaliste, affirme-t-il. Elle se spécialise plutôt dans le traitement biologique des eaux usées.
Cette affirmation du plaignant est compatible avec l’information trouvée par le Conseil sur le site Internet de Technologies Bionest et au Registre des entreprises du Québec, où il n’est nullement question de fosses septiques. Le grief d’inexactitudes est retenu sur ce point.
M. Saint-Laurent se plaint d’une troisième inexactitude dans l’article du 9 octobre. Il déplore qu’un Congrès organisé par Bionest, dont parle l’article, soit présenté comme des vacances, alors qu’il s’agit selon lui d’un événement de formation auxquels des entreprises participent en toute indépendance.
Le Conseil admet que M. Francis Émond a pu profiter de temps de loisir lors des congrès de Bionest, comme en témoigne la photo accompagnant le premier article, le montrant sur une embarcation de plaisance, coiffé d’une casquette portant le nom de l’entreprise. Mais cela n’est pas incompatible avec la définition d’un voyage d’affaires. D’autres éléments de l’article suggèrent en effet que les congrès de Bionest sont des voyages d’affaires auxquels M. Émond prenait part à titre d’entrepreneur. La journaliste rapporte à cet égard que le conseiller est également président de la firme Goudrons Laurentiens. Sa participation aux congrès était à titre privé, en dehors de ses fonctions à l’Hôtel de Ville, note-t-elle. M. Émond ajoute, lors d’une entrevue réalisée par la journaliste Katherine Kovacs de Radio-Canada, que ces congrès sont pour lui une occasion de se faire des clients pour sa compagnie. Dans ce contexte, le Conseil estime qu’il était abusif de qualifier les voyages du conseiller de « vacances ». En conséquence, le grief d’inexactitudes est retenu sur ce point.
Au vu de tout ce qui précède, le grief d’inexactitudes est retenu.
Grief 2 : absence de rectificatif et refus de droit de réplique
M. Saint-Laurent déplore que le Journal de Montréal n’ait pas publié le commentaire qu’il a ajouté sur le site Internet du quotidien, dans la section ouverte à cette fin, au bas de l’article du 10 octobre. Ce commentaire visait à rectifier deux informations. La première voulant que Technologies Bionest ait obtenu un contrat à la Ville de Saint-Colomban.
On peut lire, dans le guide des Droits et responsabilités de la presse : « il relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs ». (p. 46)
Le Conseil estime qu’en raison de l’inexactitude commise au sujet de l’octroi du contrat du système de traitement des eaux, le Journal de Montréal avait l’obligation de rectifier cette erreur. Le grief pour absence de rectificatif et refus de droit de réplique est retenu sur ce point.
En deuxième lieu, le plaignant voulait rectifier le passage de l’article suivant : « M. St-Laurent admet néanmoins que M. Émond participe bel et bien chaque année au congrès annuel de Bionest où sont présentés les nouveaux produits de la compagnie. » Le plaignant souligne qu’il a plutôt affirmé que M. Émond avait participé à quelques reprises et à ses frais aux congrès.
Comme le passage de l’article et le rectificatif souhaité par le plaignant ne montrent pas de différences marquées, le Conseil juge que le média n’avait pas l’obligation de publier un rectificatif ni d’accorder un droit de réplique. Le grief est rejeté sur ce point.
En conséquence, le grief d’absence de rectificatif et refus de droit de réplique est retenu sur le point concernant l’octroi du contrat du système de traitement des eaux.
Grief 3 : atteinte à la réputation
Le plaignant estime que les articles mettent en cause leur probité.
Le Conseil rappelle que l’atteinte à la réputation et la diffamation ne sont pas considérées comme du ressort de la déontologie journalistique et relèvent plutôt de la sphère judiciaire. Comme le Conseil de presse ne rend pas de décisions à ce titre, le grief pour atteinte à la réputation n’a pas été traité.
Refus de collaborer
Le Journal de Montréal a refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Journal de Montréalson manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Pierre Saint-Laurent et Technologies Bionest inc. contre la journaliste Mme Anne-Caroline Desplanques et le Journal de Montréal, pour le grief d’inexactitudes, d’absence de rectificatif et de refus de droit de réplique.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme le Journal de Montréal.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 3, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger, présidente du comité des plaintes
M. Adélard Guillemette
Représentant des journalistes :
M. Denis Guénette
Représentants des entreprises de presse :
M. Éric Latour
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision en appel
- C11B Information inexacte
- C17A Diffamation
- C19A Absence/refus de rectification
- C24A Manque de collaboration