Plaignant
M. Réginald Lavoie
Mis en cause
M. Louis Tremblay, journaliste; M. Denis Bouchard, rédacteur en chef et le journal Le Quotidien
Résumé de la plainte
M. Réginald Lavoie dépose une plainte le 27 novembre 2013 contre le journaliste Louis Tremblay et le journal Le Quotidien, concernant deux articles publiés les 4 et 6 novembre 2013, coiffés respectivement des titres : « L’opposition à Arianne Phosphate s’organise » et « Arianne Phosphate doit expliquer son projet ». Les articles font état de la controverse suscitée par le projet de la minière Arianne Phosphate d’établir un port en bordure du Saguenay : un regroupement de citoyens, le Collectif de l’Anse-à-Pelletier, s’y oppose en raison des impacts possibles du projet sur le paysage, l’environnement et le développement durable de leur communauté. M. Lavoie reproche au journaliste et au quotidien d’avoir publié des inexactitudes, d’avoir fait preuve de partialité et de ne pas avoir accédé à sa demande de publication d’un correctif.
Analyse
Grief 1 : inexactitudes
M. Lavoie note une première information inexacte dans l’article du 4 novembre, reprise dans l’article du 6 novembre. Selon lui, le premier article « laisse entendre » à tort, notamment par la citation d’un agriculteur, M. Michel Tremblay, que plusieurs exploitations agricoles biologiques seront sacrifiées si le projet de la compagnie Arianne Phosphate va de l’avant.
M. Lavoie affirme que seules deux familles s’adonnent à l’agriculture biologique dans le secteur de l’Anse-à-Pelletier et que ces terrains cultivés ne sont pas menacés par le projet de port d’Arianne Phosphate.
Me Patrick Bourbeau, représentant les mis en cause, souligne que le journaliste rapportait, dans son article, les propos de M. Michel Tremblay et qu’il était justifié de se fier à ses dires.
Dans son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil de presse mentionne que « les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité ». (DERP, p. 26)
Dans son analyse, le Conseil constate que l’article fait référence à un choc des valeurs entre le projet de transporter du minerai à partir de l’Anse-à-Pelletier et la philosophie rurale et écologique des citoyens de cette communauté. Au vu de tous ces éléments, le Conseil estime que l’article ne laisse aucunement entendre, comme l’affirme le plaignant, que plusieurs exploitations agricoles seraient sacrifiées si le projet d’Arianne Phosphate va de l’avant.
Le grief pour inexactitudes est rejeté sur ce point.
Le plaignant relève une seconde inexactitude, dans l’article du 4 novembre, dans le passage : « Les chalets en question sont des maisons dont la valeur dépasse plusieurs centaines de milliers de dollars ». Le plaignant, qui a vérifié l’évaluation de la vingtaine de propriétés du secteur au rôle d’évaluation foncière de la municipalité, note que cette information est inexacte. Il affirme qu’à l’exception de deux résidences, ces propriétés sont évaluées au plus à 189 500 $ et que leur valeur moyenne est de 115 856 $.
Me Bourbeau, pour les mis en cause, souligne que dans son document de plainte, M. Lavoie recense lui-même « au moins trois propriétés qui valent une centaine de milliers de dollars ». Ce à quoi le plaignant oppose que l’article parle plutôt de propriétés d’une valeur « dépassant plusieurs centaines de milliers de dollars ». Le journaliste admet de son côté ne pas avoir vérifié la valeur des propriétés au rôle d’évaluation. Ce qui est rapporté dans son article est plutôt une évaluation subjective. « Les gens ont le droit de penser que leur maison vaut cher », dit-il.
Après vérification au registre foncier en ligne de la municipalité de Saint-Fulgence, le Conseil arrive aux mêmes conclusions que le plaignant, soit que de façon générale, la valeur des maisons est bien en deçà de « plusieurs centaines de milliers de dollars ». Il aurait été aisé pour M. Louis Tremblay de vérifier les données du registre public. Cela l’aurait amené à constater l’inexactitude de l’information qu’il avait en main et éviter de la présenter comme une donnée factuelle.
Le grief pour inexactitudes est retenu sur ce point.
Une troisième inexactitude est relevée dans la plainte, dans le passage suivant de l’article du 4 novembre : « Michel Tremblay estime que les gens qui ont travaillé depuis 25 ans pour redonner vie à l’un des premiers endroits habités de la région lors de la colonisation n’ont pas à faire les frais de la destruction de leur paysage ». M. Lavoie objecte que les gens dont il est question dans ce passage ne sont pas à l’origine de la revitalisation du secteur. Il estime plutôt qu’il est lui-même celui qui a redonné vie à l’endroit, en déboursant pour le déneigement et en défrayant les coûts de lignes électriques et téléphoniques.
Les mis en cause font valoir que le passage visé par le plaignant rapporte le point de vue de M. Michel Tremblay.
Le Conseil de presse note que le journaliste rapporte l’opinion de M. Tremblay, et bien que le plaignant ne soit pas d’accord avec les propos publiés, cela ne constitue pas une faute déontologique.
Le grief pour inexactitudes est rejeté sur ce point.
Une quatrième inexactitude est signalée par le plaignant, au sujet du nom de l’agriculteur interviewé par le journaliste dans l’article du 4 novembre. Son nom serait Marc Tremblay et non Michel Tremblay.
Après vérification, le Conseil constate que l’agriculteur en question se prénomme Marc et non Michel. Aux yeux du Conseil, cette inexactitude ne porte toutefois pas à conséquence, quant à la compréhension du lecteur et ne constitue donc pas une faute déontologique.
Le grief pour inexactitudes est rejeté sur ce point.
Au vu de tout ce qui précède, le grief d’inexactitudes est retenu sur le point concernant la valeur des maisons de l’Anse-à-Pelletier.
Grief 2 : partialité
Selon le plaignant, lors d’une conversation téléphonique tenue le 13 novembre, le journaliste aurait dit au plaignant : « Les gens me disent que vous êtes jaloux, car vous n’avez pas réussi à acheter les lots en 1995 ». Cela « laisse croire », selon le plaignant, que M. Louis Tremblay a un parti pris pour le Collectif de l’Anse-à-Pelletier.
Le journaliste a expliqué au Conseil que bien qu’il ait effectivement mentionné, lors de cet entretien téléphonique, l’existence d’une querelle entre le plaignant et d’autres citoyens du secteur, il ne considérait pas ce fait d’intérêt public et fait observer qu’il n’en a pas fait état dans ses articles. Il affirme cependant avoir offert à M. Lavoie de l’interviewer « pour représenter son point de vue ». Ce dernier ne s’est pas montré intéressé, dit-il.
Le Conseil rappelle que « les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité » et que le public a droit à une information « pluraliste et diversifiée ». (DERP, pp. 19 et 40)
Le Conseil constate que le plaignant n’a aucunement fait la preuve du manque d’impartialité du journaliste. Par conséquent, le grief pour partialité n’est pas retenu.
Grief 3 : absence de correctif
M. Lavoie déplore que le journal Le Quotidien n’ait pas accédé à sa demande de correctif.
Le directeur de l’information du journal a offert au plaignant de publier une lettre dans la tribune d’opinion du journal, mais M. Lavoie a décidé de ne pas accepter cette offre, maintenant sa demande de correction.
Dans son guide de déontologie, le Conseil note qu’« il relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs ». (DERP, p. 46)
Le Conseil estime que le moyen approprié, pour corriger une inexactitude, est la publication d’un correctif. Les inexactitudes relatives à la valeur des maisons de l’Anse-à-Pelletier et au prénom de l’agriculteur cité par le journaliste ont été signalées au directeur de l’information par le plaignant. Le journal avait la responsabilité de publier un tel correctif, même dans le cas de l’erreur liée au prénom, nonobstant le fait que le Conseil ait jugé que sa publication ne constituait pas une faute déontologique.
Le grief pour absence de correctif est retenu.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de M. Réginald Lavoie contre le journaliste M. Louis Tremblay et le journal Le Quotidien, pour les griefs d’inexactitudes et d’absence de correctif. Cependant, il rejette le grief de partialité.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger, présidente du comité des plaintes
M. Adélard Guillemette
Représentant des journalistes :
M. Marc-André Sabourin
Représentants des entreprises de presse :
M. Éric Latour
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C13A Partialité
- C19A Absence/refus de rectification