Plaignant
M. Benoit Caron
Mis en cause
M. Stéphane Tremblay, journaliste, Mme Christine Lepage, directrice de l’information et CIMT-TVA Rivière-du-Loup
M. Nicolas Saillant, journaliste, M. Sébastien Ménard, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
M. Benoit Caron dépose une plainte le 21 janvier 2014 contre le journaliste Stéphane Tremblay au sujet d’un reportage diffusé le 7 janvier 2014 par la station CIMT-TVA. Le reportage est intitulé « Diocèse de Rimouski : pas de permis pour vendre des moitiés-moitiés (sic) à l’église ou ailleurs ». La plainte vise également un article signé par le journaliste Nicolas Saillant, paru dans Le Journal de Québec le 7 janvier 2014, et portant le titre : « Les organisateurs de tirages illégaux s’exposent à des amendes ». Dans le cas du reportage de CIMT-TVA, le plaignant déplore la partialité du journaliste, son manque de respect, un choix inopportun de support visuel dans le reportage, ainsi qu’une atteinte à sa réputation, pour laquelle il réclame des excuses. Dans le cas de l’article du Journal de Québec, M. Caron fait état d’inexactitude.
Le Journal de Québec n’a fait parvenir aucune réplique en réponse à la plainte.
Le reportage et l’article traitent du recours à une loterie lors des offices religieux pour le financement des églises, une pratique illégale qui a cours dans des paroisses du Bas-Saint-Laurent, notamment à la Fabrique de Cabano, où M. Caron est prêtre célébrant.
Analyse
Grief 1 : inexactitude
M. Caron déplore « plusieurs faussetés » dans l’article du Journal de Québec, signé par Nicolas Saillant. Il regrette d’y être « accusé d’avoir posé un acte criminel selon l’article 206 du code [Code criminel], pouvant conduire jusqu’à deux ans de prison », alors qu’il voulait « soutenir la communauté religieuse de Cabano ».
Dans son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil de presse note que les médias et les professionnels doivent transmettre l’information « avec honnêteté, exactitude et impartialité ». (DERP, p. 26)
Le Conseil constate que la mention de l’article 206 du Code criminel dans l’article est faite dans le cadre d’une citation d’une porte-parole de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec, qui est une source fiable en la matière. D’autre part, les infractions détaillées à l’article 206 du Code portent effectivement sur diverses formes de jeu illégal qui sont passibles d’une peine d’emprisonnement maximal de deux ans. Les affirmations visées par le plaignant reposent donc sur des faits et reflètent fidèlement la réalité.
Le grief pour inexactitude est rejeté.
Grief 2 : partialité
Selon le plaignant, le journaliste Stéphane Tremblay a « manqué d’éthique professionnelle » en incluant « des paroles accusatrices », de l’ordre du « commentaire personnel », dans son reportage diffusé à CIMT-TVA.
Christine Lepage, directrice de l’information de CIMT-TVA, souligne qu’« en aucun temps le ton accusateur n’est employé. Nous nous en tenons aux faits ».
Dans son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil de presse note que dans leurs reportages, « les médias et les professionnels de l’information doivent s’en tenir à rapporter les faits et à les situer dans leur contexte sans les commenter » et qu’ils doivent, lorsqu’ils transmettent une information, « le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité ». (DERP, p. 26)
Dans son reportage, le journaliste affirme que la pratique de la vente de billets « moitié-moitié » dans le cadre d’un office religieux, afin de financer une église, est illégale. Il cite à cet effet la porte-parole de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec, une source bien informée en la matière. L’information est donc basée sur des faits que le journaliste rapporte sans commenter, prendre parti ou accuser. À aucun moment M. Caron n’est qualifié de criminel.
Pour ces raisons, le Conseil rejette le grief de partialité.
Grief 3 : manque de respect
M. Caron affirme qu’il a été « sidéré d’avoir vécu si peu de respect » de la part du journaliste et du caméraman de CIMT, lorsque ces derniers se sont présentés « sans prévenir » à l’église de Saint-Elzéar le 5 janvier, alors qu’il célébrait la messe. M. Caron s’offusque notamment du va-et-vient du caméraman. Une visite similaire aurait eu lieu à l’église Saint-Eusèbe.
Mme Christine Lepage note que le journaliste s’était entretenu quelques jours plus tôt avec le prêtre, qui « avait fait preuve d’une belle ouverture », et conclut donc que « rien ne laissait présager qu’il [Benoit Caron] serait en désaccord avec la réalisation du reportage ».
Le Conseil note que M. Caron n’a pas contredit cette version des faits et qu’il mentionne que « malgré cela, M. Tremblay a été très professionnel dans son attitude et ces (sic) questions ». Au vu de ce qui précède, le Conseil estime que le journaliste a agi respectueusement.
Le grief pour manque de respect est rejeté.
Grief 4 : choix inopportun de support visuel
Des images du reportage de CIMT-TVA ont été tournées aux églises de Saint-Elzéar et de Saint-Eusèbe, alors que l’objet de l’entrevue que M. Caron a accordée à Stéphane Tremblay était l’église de Cabano, déplore le prêtre. Selon ce dernier, ces images sont utilisées hors contexte, ce qui est contraire de la déontologie journalistique.
Les images ont été prises à Saint-Elzéar, car le curé s’y trouvait au moment de la prise d’images, fait valoir Mme Christine Lepage.
Dans son guide, le Conseil mentionne : « Les médias et les journalistes doivent respecter l’intégrité et l’authenticité de l’information dans la présentation et l’illustration qu’ils en font sur supports visuels et sonores (sons, voix, images, photos, tableaux, graphiques). Ils doivent faire preuve de circonspection afin de ne pas juxtaposer illustrations et événements qui n’ont pas de lien direct entre eux et qui risquent ainsi de créer de la confusion sur le véritable sens de l’information transmise. » (DERP, p. 30)
Le Conseil constate que dans le reportage, on voit des images tournées à l’intérieur de l’église Saint-Elzéar et à l’extérieur des églises de Saint-Eusèbe et de Cabano, trois églises pour lesquelles Benoit Caron est prêtre célébrant. Seule l’église Cabano est citée en exemple par le journaliste pour son recours au financement par la loterie.
Cependant, la teneur des propos de M. Caron lors de l’entrevue intégrée au reportage dépasse le seul cas de l’église Cabano et touche à la question de la situation financière difficile des églises en général. L’affirmation de M. Caron, rapportée dans le reportage, voulant qu’un moyen de financement comme la loterie soit « vraiment une question de survie pour les fabriques », va dans ce sens.
Dans ce contexte, le Conseil juge que l’utilisation d’images d’autres églises où Benoît Caron célèbre des messes était justifiée et respectait l’intégrité et l’authenticité de l’information.
En conséquence, le grief pour choix inopportun de support visuel est rejeté.
Grief 5 : atteinte à la réputation et demande d’excuses
Le plaignant est d’avis que les « paroles accusatrices » du journaliste Stéphane Tremblay, de CIMT-TVA, l’ont discrédité publiquement et exige des excuses publiques.
Le Conseil rappelle que l’atteinte à la réputation et la diffamation ne sont pas considérées comme du ressort de la déontologie journalistique et relèvent plutôt de la sphère judiciaire. Le Conseil de presse ne rend donc pas de décisions à ce titre. D’autre part, la déontologie journalistique n’impose pas aux médias l’obligation de présenter des excuses lorsqu’ils sont jugés avoir enfreint la déontologie journalistique.
Refus de collaborer
Le Journal de Québec a refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Journal de Québec son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte le concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Benoit Caron contre le journaliste Stéphane Tremblay et la station CIMT-TVA, pour les griefs de partialité, manque de respect et manque d’intégrité dans le choix de support visuel.
Par ailleurs, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Benoit Caron contre le journaliste Nicolas Saillant et Le Journal de Québec, pour le grief d’inexactitude.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme Le Journal de Québec.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 3, article 8. 2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
Mme Micheline Rondeau-Parent
M. Alain Tremblay
Représentants des journalistes :
M. Denis Guénette
M. Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
M. Éric Latour
Mme Micheline Pepin
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C11B Information inexacte
- C13A Partialité
- C17A Diffamation
- C17D Discréditer/ridiculiser