Plaignant
Mme Cindrella Dumont, Mme Janick Caya, Mme Annie Goudreau, Mme Kristine Doyon et Mme Stéphanie Powers
Représentant du plaignant
M. Eric Aussant, rédacteur en chef et le quotidien Métro
Résumé de la plainte
Mmes Cindrella Dumont, Janick Caya, Annie Goudreau, Kristine Doyon et Stéphanie Powers déposent une plainte le 29 mai 2014 contre le quotidien Métro, concernant un article publié le 27 mai 2014, sous le titre « Les démons de Daniel Radcliffe dévoilés au grand jour ». Les plaignantes dénoncent la publication d’une information inexacte véhiculant un préjugé et reprochent à la direction du média de ne pas avoir apporté les rectificatifs nécessaires en plus d’avoir supprimé la section « commentaires » au bas de l’article.
Analyse
Grief 1 : information inexacte véhiculant un préjugé
Les plaignantes dénoncent la publication d’information inexacte au sujet de la dyspraxie, dans un article relatant « de sombres secrets sur Daniel Radcliffe », un acteur connu notamment pour avoir incarné Harry Potter. Selon elles, la dyspraxie est un trouble de coordination motrice, et il serait donc inexact de la définir comme étant « un trouble moteur débilitant ». De l’avis des plaignantes, l’expression « débilitant » laisse croire, à tort, qu’il s’agit d’un trouble « qui rend bête, stupide ». Elles jugent également que d’établir un lien entre les termes « débilitant » et « mémoire (…) affectée » à la dyspraxie est carrément faux. Elles déplorent ainsi que l’article n’ait pas permis de mieux faire connaître ce trouble de coordination, généralement méconnu du grand public.
M. Eric Aussant, rédacteur en chef du journal Métro explique que le texte provient d’une agence de presse, Bum Interactif Groupe. Il mentionne n’avoir reçu qu’un courriel de désapprobation, soit celui de Mme Goudreau, à laquelle il a transmis les coordonnées de l’agence Bum, convaincu que cette dernière prendrait en considération les remarques et peut-être modifierait le texte. M. Aussant souligne qu’il a pris au sérieux le commentaire reçu et qu’après quelques vérifications – dont la définition du mot « débilitant » – il a choisi de conserver le texte dans sa forme originale. Il souligne cependant avoir retiré le texte du site Internet du journal Métro immédiatement après avoir reçu la plainte du Conseil de presse à son bureau.
Dans son guide de déontologie, Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil rappelle que : « Les médias et les professionnels de l’information doivent éviter de cultiver ou d’entretenir les préjugés. Ils doivent impérativement éviter d’utiliser, à l’endroit des personnes ou des groupes, des représentations ou des termes qui tendent à soulever la haine et le mépris, à encourager la violence ou encore à heurter la dignité d’une personne ou d’une catégorie de personnes en raison d’un motif discriminatoire. » (p. 41)
Le Conseil constate que l’article ne fait jamais mention de dyspraxie, mais explique plutôt que l’acteur aurait été dévasté à la suite d’un diagnostic de « trouble moteur débilitant ». Le Conseil constate que le terme « débilitant » n’a pas le sens que lui attribuent les plaignantes. Ainsi, dans l’édition de 1996 du Petit Robert et dans l’édition 1997 du Multi dictionnaire, le mot « débilitant » est respectivement défini comme : « Qui affaiblit. […] anémiant. Démoralisant » et comme « Affaiblir physiquement ou moralement ». En regard de ces définitions, le Conseil estime qu’il n’était pas inexact d’utiliser le terme « débilitant » pour expliquer le trouble dont souffre M. Radcliffe, et qu’il n’y voit pas la connotation péjorative exprimée par les plaignantes, ni l’expression d’un préjugé.
Le grief d’information inexacte véhiculant un préjugé est rejeté.
Grief 2 : demande de rectification et fermeture de la section « commentaires »
Les plaignantes déplorent que l’article soit toujours en ligne et que les sections « commentaires » rattachées à l’article sur le site Internet du journal ainsi que sur la page Facebook aient été fermées, puisque selon elles les propos publiés étaient respectueux et permettaient de rectifier les faits.
Le rédacteur en chef réplique que la décision de fermer la section « commentaires » des textes publiés sur le site journalmetro.com est exceptionnelle et n’est jamais prise à la légère. Dans le présent cas, « l’équipe en place le soir de la fermeture des commentaires a pris cette décision, car elle a jugé que la discussion dégénérait et que les intervenants manquaient de respect ».
Dans son guide de déontologie, le Conseil mentionne que « Les organes de presse étant responsables de tout ce qu’ils publient ou diffusent, il en va de même en regard de l’information qui leur provient du public […] » (DERP, p. 37) De plus, « Les médias doivent veiller à ce que les lettres des lecteurs ne véhiculent pas des propos outranciers, insultants ou discriminatoires pouvant être préjudiciables à des personnes ou à des groupes. » (DERP, p. 38)
De l’avis du Conseil, le mis en cause n’avait pas à publier de rectification puisqu’il n’avait publié aucune inexactitude comme il a été jugé plus haut.
Par ailleurs, dans la mesure où les mis en cause ont constaté l’apparition de propos irrespectueux sur son site Internet et sa page Facebook ce que les plaignantes n’ont pas nié, le Conseil estime que le journal Métro a légitimement exercé sa responsabilité éditoriale en fermant la section « commentaires » puisqu’il jugeait trop lourde la tâche de les modérer en permanence.
Le grief de demande de rectification et fermeture de la section « commentaires » est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette les plaintes de Mmes Cindrella Dumont, Janick Caya, Annie Goudreau, Kristine Doyon et Stéphanie Powers contre le journal Métro pour les griefs d’information inexacte véhiculant un préjugé, demande de rectification et fermeture de la section « commentaires ».
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
M. Adélard Guillemette
Mme Jackie Tremblay
Représentants des journalistes :
Mme Katerine Belley-Murray
M. Marc-André Sabourin
Représentant des entreprises de presse :
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C08E Boycottage/représailles
- C11B Information inexacte
- C18C Préjugés/stéréotypes
- C19A Absence/refus de rectification