Plaignant
M. Yves Daoust
Mis en cause
M. Pierre Boulanger, journaliste, M. Serge Labrosse, directeur de l’information, TC Media et l’hebdomadaire Le Messager LaSalle
Résumé de la plainte
M. Yves Daoust dépose une plainte le 4 août 2014 contre le journaliste Pierre Boulanger et l’hebdomadaire Le Messager LaSalle concernant une série d’articles publiés les 4 février, 6 mars, 18 avril, 7 mai et 4 juin 2014, intitulée « Échos du conseil d’arrondissement » et relatant les réunions du conseil d’arrondissement de LaSalle. Le plaignant accuse le journaliste de traitement journalistique incomplet, d’absence d’identification des sources, de signature injustifiée des textes et d’apparence de conflit d’intérêts.
La partie de la plainte en lien avec les articles ayant été déposée après le délai de prescription de six mois n’a pas été traitée par le Conseil de presse.
Analyse
Grief 1 : traitement journalistique incomplet
M. Yves Daoust reproche au journaliste Pierre Boulanger de n’avoir présenté que la version du conseil d’arrondissement de LaSalle dans ses chroniques « Échos du conseil d’arrondissement ». M. Daoust souligne qu’à l’époque, le conseil était composé de 7 élus/es, appartenant tous au parti Union Montréal, ce qui ne laissait donc aucune place à l’expression d’une quelconque forme d’opposition. De plus, comme le journaliste ne couvrait plus les réunions, s’en remettant uniquement aux procès-verbaux des séances du conseil, les interventions citoyennes n’étaient plus rapportées, privant ainsi les citoyens de LaSalle d’informations importantes. Finalement, le plaignant allègue que le journaliste n’aurait tiré son information que de documents transmis par la Ville.
M. Serge Labrosse, directeur de l’information chez TC Media souligne que le journaliste a assuré une couverture journalistique rigoureuse et professionnelle, exempte de partisanerie. Il explique que le journaliste recevait et reçoit encore chaque mois, du greffe de la Ville, l’ordre du jour et les procès-verbaux des assemblées du conseil, et bien que la couverture de la période de questions soit une bonne source d’information pour les médias, elle n’est cependant pas la seule source permettant une couverture de l’information municipale. Il ajoute que les citoyens qui désirent faire part de leur opinion, dans le journal, sont invités à le faire et que si les commentaires sont jugés d’intérêt public et répondent aux normes de qualité requise, ils peuvent être publiés.
Concernant l’invitation que M. Labrosse lance aux citoyens, à savoir de transmettre leurs commentaires au journal, M. Daoust souligne que de nombreuses personnes se sont vues refuser la publication de leur lettre.
Dans son guide, le Conseil précise que : « Quel que soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité. » (DERP, p. 26)
Après étude des textes soumis à son attention, le Conseil note qu’à l’époque dénoncée par le plaignant, le conseil d’arrondissement de LaSalle n’était constitué que d’élus du même parti, et qu’une forme d’opposition ne s’exprimait que durant la période de questions de l’assemblée. Considérant que le journaliste n’assistait pas à ces réunions publiques, que les articles qu’il rédigeait pour en traiter se basaient uniquement sur des informations fournies par la Ville – soit l’ordre du jour et les procès verbaux préliminaires – et que ceux-ci ne rapportaient pas le contenu des commentaires des citoyens, le Conseil est d’avis que le média a manqué à son obligation de fournir aux citoyens une information complète, puisqu’il a omis de présenter également les points de vue des personnes qui questionnaient les conseillers élus ou qui présentaient des positions opposées. Une telle omission constitue, aux yeux du Conseil, une atteinte au droit légitime d’être informé de ces questions.
Le grief de traitement de l’information incomplet est retenu.
Grief 2 : absence d’identification des sources
Le plaignant reproche au journaliste d’induire le public en erreur, en n’identifiant pas sa véritable source d’information et en omettant de dire qu’il n’était pas présent aux réunions du conseil. Selon lui, il y aurait une entente entre Le Messager LaSalle et le conseil d’arrondissement, en vertu de laquelle celui-ci soumettrait, sous forme de « communiqué », un résumé des quelques décisions prises lors du conseil d’arrondissement, mais en faisant abstraction des interventions citoyennes. Le journal publierait ce « communiqué » tel quel dans son édition papier.
Le mis en cause réfute les allégations du plaignant voulant qu’il existe une entente entre Le Messager LaSalle et le conseil d’arrondissement voulant qu’il produise un « communiqué » que ce dernier publierait tel quel. M. Labrosse précise que M. Boulanger, alors qu’il participait aux réunions du conseil d’arrondissement, avant mai 2013, recevait et reçoit encore chaque mois, du greffe de la Ville, l’ordre du jour et les procès-verbaux des assemblées du conseil. Il n’a jamais cessé de s’en inspirer, choisissant lui-même les sujets qu’il juge d’intérêt public, et qu’il contacte le service des communications de l’arrondissement lorsqu’il a besoin d’éclaircissements.
Le plaignant soumet que les ordres du jour sont la plupart du temps incomplets, qu’ils ne reflètent pas le déroulement des réunions et que les procès verbaux ne sont officiels qu’après avoir été adoptés au conseil d’arrondissement le mois suivant. Il se dit donc étonné que le journaliste puisse se servir d’un document non adopté.
Le guide de déontologie du Conseil de presse, Droits et responsabilités de la presse (DERP), mentionne : « Les professionnels de l’information doivent identifier leurs sources d’information afin de permettre au public d’évaluer la crédibilité et l’importance des informations que celles-ci transmettent.» (DERP, p. 32)
Le Conseil considère que le fait que le journaliste n’était plus présent aux réunions du conseil d’arrondissement, lors de la période visée par la plainte, et qu’il ne tirait son information que des documents provenant de l’arrondissement, ne représente pas une faute déontologique en soi. Bien qu’il eût été préférable que le journaliste participe aux réunions, les principes déontologiques n’imposent pas une seule méthode de cueillette d’information. Cependant, le Conseil rappelle que les médias ont l’obligation de citer leurs sources et que dans le présent cas, si le journaliste n’a consulté que des documents provenant du conseil d’arrondissement, il se devait de l’indiquer pour permettre au public d’évaluer l’information qu’il recevait.
Le grief d’absence d’identification des sources est retenu.
Grief 3 : signature injustifiée des textes
M. Daoust souligne que depuis juin 2013, le journaliste, n’étant pas présent aux réunions du conseil d’arrondissement, induisait le public en erreur en signant les articles relatifs à ces réunions.
Le mis en cause ajoute que les journalistes sont requis d’assurer et assurent dans les faits une couverture journalistique rigoureuse et professionnelle.
Après étude des textes soumis, le Conseil constate que, pour produire ses textes, le journaliste réalise un traitement journalistique réel bien que minimal : sélection de sujets à partir de l’ordre du jour et du procès-verbal, réécriture de plusieurs extraits et, selon son patron, recherche occasionnelle d’information supplémentaire auprès de la Ville.
Le grief de signature injustifiée des textes est rejeté.
Grief 4 : apparence de conflit d’intérêts
Le plaignant prétend que le journal se trouverait en situation de conflit d’intérêts, car l’arrondissement achèterait de l’espace publicitaire amenant ainsi le journal à accorder un traitement journalistique favorable au conseil d’arrondissement.
M. Labrosse réfute les allégations du plaignant voulant qu’il puisse exister un lien entre le traitement de l’information que reçoit l’arrondissement et le fait que cet arrondissement achète beaucoup d’espace publicitaire dans le journal local. M. Labrosse assure que l’information diffusée est à l’abri de pressions publicitaires ou politiques.
Dans son guide de déontologie, le Conseil mentionne : « Les entreprises de presse et les journalistes doivent éviter les conflits d’intérêts. Ils doivent, au surplus, éviter toute situation qui risque de les faire paraître en conflit d’intérêts, ou donner l’impression qu’ils ont partie liée avec des intérêts particuliers ou quelque pouvoir politique, financier ou autre. […] Tout laxisme à cet égard met en péril la crédibilité des organes de presse et des journalistes, tout autant que l’information qu’ils transmettent au public. » (DERP, p. 24)
Le Conseil ne considère pas que l’achat d’espace publicitaire par un arrondissement puisse créer un conflit d’intérêts, si la frontière étanche qui doit protéger la rédaction est respectée. Dans le cas présent, le plaignant ne fait pas la démonstration que Le Messager LaSalle aurait favorisé ce type de traitement de l’information, à la suite de pression exercée par l’arrondissement.
Le grief de conflit d’intérêts est rejeté sur ce point.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Yves Daoust contre le journaliste Pierre Boulanger et Le Messager LaSalle pour les griefs de traitement journalistique incomplet et absence d’identification des sources. Cependant, il rejette les griefs de signature injustifiée des textes et apparence de conflit d’intérêts.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
M. Adélard Guillemette
Mme Jackie Tremblay
Représentants des journalistes :
Mme Katerine Belley-Murray
M. Marc-André Sabourin
Représentant des entreprises de presse :
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C08C Délai de publication
- C12A Manque d’équilibre
- C21E Subordonner l’information à des intérêts commerciaux
- C22C Intérêts financiers