Plaignant
M. Pierre Martin
Mis en cause
M. Michel Girard, chroniqueur et M. Serge Fortin, vice-président, information; l’émission « TVA Nouvelles 22h » et le Groupe TVA
Résumé de la plainte
M. Pierre Martin dépose le 23 septembre 2014, une plainte à l’encontre du chroniqueur Michel Girard, au sujet des propos tenus par ce dernier à l’émission « TVA Nouvelles 22h » du 22 septembre 2014. M. Girard présentait à cette occasion une chronique au sujet de l’incorporation des médecins. M. Martin déplore que M. Girard ait communiqué une information incomplète. Il estime par ailleurs que ses propos ont alimenté le mépris de l’ensemble de la population envers les médecins.
Le Groupe TVA a refusé de répondre à la présente plainte.
Analyse
Grief 1 : information incomplète
M. Pierre Martin estime que M. Girard a fourni une information incomplète, parce qu’il a « omis, volontairement ou involontairement » de faire état de l’information selon laquelle tous les professionnels de la province, et non pas seulement les médecins, avaient la possibilité de s’incorporer depuis 2001, et que ce n’est qu’en 2007 que le Collège des médecins du Québec a adopté un règlement en ce sens. Selon lui, le chroniqueur aurait dû mettre le sujet en perspective par ce fait. En ne le faisant pas, M. Girard insinuait « que l’accès à l’incorporation pour les médecins tenait d’une forme de favoritisme octroyée par l’actuel premier ministre du temps qu’il était ministre de la Santé », ce qu’il juge non conforme à la réalité.
Dans son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil mentionne que « Les éditorialistes et commentateurs doivent être fidèles aux faits et faire preuve de rigueur et d’intégrité intellectuelle dans l’évaluation des événements, des situations et des questions sur lesquels ils expriment leurs points de vue, leurs jugements et leurs critiques. » (p. 28)
La chronique de M. Michel Girard, d’une durée de deux minutes, complète la diffusion d’un reportage de 45 secondes chiffrant la popularité grandissante de l’incorporation chez les médecins du Québec et expliquant les avantages fiscaux que cette mesure peut leur procurer, ainsi que son impact négatif sur les coffres du gouvernement, en raison des pertes de revenus d’impôt.
En guise d’introduction à la chronique de M. Girard, la chef d’antenne, Sophie Thibault, lui pose la question : « Est-ce que c’est socialement acceptable? »
De l’avis du Conseil, M. Girard, lors de son exposé des faits, aurait dû mentionner que depuis 2001, tous les ordres professionnels peuvent adopter un règlement permettant à leurs membres de s’incorporer. Le Conseil estime que cette information était un élément essentiel à la compréhension des enjeux que pose l’incorporation des médecins.
En expliquant que le gouvernement de Jean Charest porte la responsabilité dans l’accession des médecins au droit à l’incorporation en 2007, étant donné qu’il appartenait au gouvernement d’entériner ou non la décision du Collège des médecins, mais en omettant du même souffle de préciser que plus d’une vingtaine d’ordres professionnels jouissent du même droit, le Conseil est d’avis, comme le plaignant, que cette omission d’un élément aussi essentiel au débat induisait le public en erreur.
Au vu de tout ce qui précède, le grief pour information incomplète est retenu.
Grief 2 : propos méprisants
Le plaignant estime que les propos de M. Girard « ne servaient qu’à alimenter un mépris de l’ensemble de la population envers les médecins » et à « miner la crédibilité d’un groupe bien précis de professionnels ».
Dans son guide DERP, le Conseil mentionne : « Les médias et les professionnels de l’information doivent éviter de cultiver ou d’entretenir les préjugés. Ils doivent impérativement éviter d’utiliser, à l’endroit des personnes ou des groupes, des représentations ou des termes qui tendent à soulever la haine et le mépris, à encourager la violence ou encore à heurter la dignité d’une personne ou d’une catégorie de personnes en raison d’un motif discriminatoire.» (p. 41)
Le Conseil note que d’entrée de jeu, le chroniqueur souligne qu’« il ne faut pas s’en prendre aux médecins, il faut plutôt s’en prendre à l’ancien premier ministre Jean Charest […] ». Par la suite, le Conseil constate qu’autant sur le fond que dans le ton de son intervention, M. Girard ne prononce pas des propos méprisants envers les médecins et leur profession. Bien que le chroniqueur soit critique par rapport au gouvernement qui a permis l’incorporation des médecins, cela fait partie des libertés dont jouissent les journalistes d’opinion. Un tel point de point de vue critique ne peut être vu comme du mépris ou une atteinte à la crédibilité des médecins, mais bien comme la libre expression d’une opinion livrée dans les limites permises par le respect des droits des personnes.
Le grief pour propos méprisants est donc rejeté.
Refus de collaborer
Le Groupe TVA a refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Groupe TVA son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Pierre Martin à l’encontre du chroniqueur Michel Girard et du Groupe TVA, pour le grief d’information incomplète. Cependant, il rejette le grief de propos méprisants.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme le Groupe TVA.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
M. Adélard Guillemette
Représentants des journalistes :
Mme Katerine Belley-Murray
M. Denis Guénette
Représentant des entreprises de presse :
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
- C17C Injure
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C24A Manque de collaboration