Plaignant
M. Steve Melançon
Mis en cause
Mme Émilie Vallée, journaliste, M. Sylvain Bourassa, producteur de l’information, l’émission TVA Nouvelles et TVA-CHEM-Trois-Rivières
Résumé de la plainte
M. Steve Mélançon dépose une plainte le 12 octobre 2014 à l’encontre de la journaliste Émilie Vallée et de l’émission « TVA Nouvelles », au sujet d’un reportage diffusé à 18 h et 22 h, le 9 mai 2014, et portant le titre : « Banque Royale poursuivie à Trois-Rivières ». Le plaignant déplore que TVA-CHEM ait retiré le reportage de son site Internet et juge ce retrait injustifié.
Le reportage faisait état de la poursuite judiciaire intentée par M. Mélançon contre la Banque Royale. Dans ce litige, M. Mélançon reprochait à la Banque d’avoir divulgué à un tiers, sans son consentement, des renseignements personnels de son dossier bancaire.
TVA-CHEM a refusé de répondre à la présente plainte.
Analyse
Grief 1 : retrait injustifié d’un reportage d’un site Internet
Le 23 mai 2014, le plaignant constate le retrait du reportage du site Internet de TVA Nouvelles et le signale à la journaliste Émilie Vallée. Celle-ci l’informe alors par courriel qu’elle a reçu une mise en demeure de la Banque et que les avocats de TVA-CHEM lui ont demandé de « tout retirer pour le moment », puisqu’ils « jugeaient plus prudent de le [le reportage] retirer le temps que tout soit réglé ». Elle note que la Banque soutient que des éléments du reportage seraient inexacts : « en gros, ils disent que c’est pas tout vrai ». Elle ajoute qu’une réplique a été envoyée à la mise en demeure. « Nous ne nous rétracterons pas », précise-t-elle.
M. Mélançon ignore sur quelle base TVA-CHEM a fondé sa décision. N’ayant pas copie de la mise en demeure, il ne peut que spéculer sur la ou les inexactitudes déplorées par la Banque. Le plaignant émet une seule réserve au sujet du reportage, relativement aux termes utilisés par la journaliste et par les présentateurs du reportage, pour qualifier la nature des informations que la Banque aurait transmises à un tiers. M. Mélançon n’est lui-même pas certain des termes qu’il a utilisés lors de l’entrevue avec la journaliste.
Hormis ce bémol, le plaignant affirme que le reportage reflète la réalité. Il estime que le retrait du reportage par TVA-CHEM est injustifié, même dans le cas où une inexactitude se serait glissée. Dans un tel cas, fait-il valoir, le média aurait dû « se rétracter » ou produire un nouveau reportage fidèle à la réalité.
M. Mélançon compare le retrait du reportage à un « bâillonnement » de la part de la Banque envers TVA-CHEM et souligne que ce retrait a entraîné des conséquences désastreuses pour lui, notamment en entachant la crédibilité de sa démarche juridique contre la Banque. « Où est l’éthique de nous laisser à nous-mêmes après diffusion possiblement erronée et nous laisser souffrir les conséquences? [sic] » s’interroge-t-il.
Dans son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil mentionne : « La presse ne peut se permettre de taire ou de donner une image déformée des faits sous prétexte qu’ils sont l’objet de quelque tabou ou qu’ils sont susceptibles de compromettre certains intérêts particuliers.» (p. 23)
Étant donné l’absence de collaboration des mis en cause dans ce dossier et malgré les demandes formulées par le Conseil à la journaliste et à l’avocat de la Banque Royale pour obtenir la mise en demeure adressée par la Banque à TVA-CHEM, le Conseil n’a pu obtenir ce document. En l’absence de cet élément au centre de l’affaire, qui a provoqué le retrait du reportage par les mis en cause, son analyse est donc limitée aux éléments présents au dossier.
Le Conseil porte donc son attention sur les informations émanant des courriels envoyés à M. Mélançon par Mme Vallée, à la suite du retrait du reportage. Ces courriels, dont la substance est résumée au paragraphe [4], permettent de conclure : a) que la mise en demeure est l’élément déclencheur du retrait; b) qu’une ou plusieurs inexactitudes ont été relevées par la Banque; c) que la prudence a été un motif dans le choix du retrait; d) que le retrait pouvait n’être que temporaire, « le temps que tout soit réglé »; e) que TVA-CHEM a répliqué à la mise en demeure et que TVA-CHEM n’avait pas l’intention de se rétracter.
Ces informations ne nous permettent ni d’affirmer ni d’infirmer qu’une erreur de fait a été commise par la journaliste dans son reportage. Elles ne nous permettent pas non plus de savoir si la décision de retirer le reportage a été prise par souci d’exactitude, et donc ultimement dans l’intérêt du public, ou encore si ce retrait ne s’explique que par crainte de représailles, et donc en ayant en tête les intérêts de l’entreprise.
Que le retrait du reportage ait été motivé par un doute quant à la véracité des faits présentés dans le reportage est l’hypothèse la plus plausible, aux yeux du Conseil. Cela, en raison des doutes formulés par le plaignant lui-même, relativement aux termes utilisés pour qualifier l’information qui aurait été divulguée par la Banque sans son consentement. L’absence de preuves pouvant établir que les mis en cause ont retiré le reportage pour des raisons autres que déontologiques amène également le Conseil à ne pas conclure en ce sens.
Le Conseil est d’avis que dans ces conditions, l’existence possible d’un doute, de la part des mis en cause, sur la véracité des faits présentés dans le reportage constitue un motif suffisant pour agir afin d’éviter de tromper le public. Parmi les options qui s’offraient alors à TVA-CHEM, le retrait du reportage était l’une des solutions acceptables.
Le grief pour retrait injustifié d’un reportage d’un site Internet est donc rejeté.
Refus de collaborer
TVA-CHEM a refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche à TVA-CHEM son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Steve Mélançon contre la journaliste Émilie Vallée et TVA-CHEM-Trois-Rivières, pour le grief de retrait injustifié d’un reportage d’un site Internet.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme TVA-CHEM.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
M. Adélard Guillemette
Représentants des journalistes :
Mme Katerine Belley-Murray
M. Denis Guénette
Représentant des entreprises de presse :
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C02F Création/retrait de rubriques/d’émissions
- C24A Manque de collaboration
Analyse de la décision en appel
- C02F Création/retrait de rubriques/d’émissions