Plaignant
M. German Bravo-Ahuja Roth
Mis en cause
M. Francisco Ortiz Velazquez, chroniqueur, M. Mario Cortavitarte, directeur général et l’hebdomadaire El Directorio Comercial latino de Montreal
Résumé de la plainte
M. German Bravo-Ahuja Roth dépose une plainte le 2 octobre 2014 contre le chroniqueur Francisco Ortiz Velazquez et l’hebdomadaire El Directorio Comercial latino de Montreal concernant les articles intitulés « Mexicanos en Montreal celebran su independencia, pero muy desunidos » et « Manifestación en el centro de detención de Laval, a un año de las huelgas de hambre », publiés respectivement dans les éditions du 5 et 12 septembre 2014. Le plaignant dénonce des informations inexactes, un manque d’équilibre, une absence d’identification d’un texte d’opinion, un refus de rectification ainsi que du dénigrement et des insultes.
Par ailleurs, le plaignant estime que les articles portent atteinte à sa réputation et sont diffamatoires. Le Conseil rappelle que l’atteinte à la réputation et la diffamation ne sont pas considérées comme du ressort de la déontologie journalistique et relèvent plutôt de la sphère judiciaire. Comme le Conseil de presse ne rend pas de décisions à ce titre, ces griefs n’ont pas été traités.
Dans le texte « Mexicanos en Montreal celebran su independencia, pero muy desunidos », le chroniqueur soutient que la communauté mexicaine de Montréal est divisée. Il affirme que certains agissements du plaignant créent du mécontentement au sein de la communauté. À la fin du texte « Manifestación en el centro de detención de Laval, a un año de las huelgas de hambre », le chroniqueur présente la réplique du plaignant aux allégations formulées dans le premier texte.
Analyse
Grief 1 : informations inexactes
Le plaignant estime que le texte « Mexicanos en Montreal celebran su independencia, pero muy desunidos» comporte deux inexactitudes.
Premièrement, le plaignant soutient que l’affirmation voulant qu’il ait fait la promotion de ses fromages dans des événements communautaires plutôt que d’informer les gens concernant les services offerts par le Conseil consultatif de l’Institut des Mexicains à l’Étranger est fausse. Il fait valoir qu’il s’est opposé à la vente et la promotion de quelque produit que ce soit sur le site de l’événement.
Deuxièmement, le plaignant estime qu’il est également faux d’affirmer, comme le fait le chroniqueur, qu’il se serait servi d’un pique-nique à des fins politiques, à savoir pour se faire élire au poste de conseiller au Conseil consultatif de l’Institut des Mexicains à l’Étranger. Le plaignant, qui occupait ce poste au moment de la publication du texte, soutient que cette fonction n’est plus élective. Il fait également valoir qu’il faisait partie du comité organisateur des pique-niques et que celui-ci lui avait délégué l’animation de l’événement.
Dans sa réplique, le chroniqueur affirme que des témoins lui ont rapporté que le plaignant distribuait des échantillons de fromage et qu’il en aurait vendu lors du deuxième pique-nique.
À la lecture de cette chronique, le Conseil constate que les affirmations contestées, à savoir que le plaignant aurait profité du pique-nique pour faire la promotion de ses fromages et de sa candidature, portent davantage sur des questions de perception, d’opinion ou d’intention que sur une matière de fait. Il ne peut donc pas y avoir de faute d’exactitude.
Le Conseil rejette le grief d’informations inexactes.
Grief 2 : manque d’équilibre
Le plaignant reproche à M. Ortiz Velazquez de ne pas l’avoir contacté avant la parution du texte « Mexicanos en Montreal celebran su independencia, pero muy desunidos», ce qu’il aurait dû faire afin de « corroborer ses allégations ».
M. Ortiz Velazquez, pour sa part, fait valoir qu’il commentait des propos qui circulaient dans la communauté mexicaine. Comme il s’agit d’un article d’opinion, le mis en cause estime qu’il n’avait pas l’obligation de contacter le plaignant.
À la lecture de l’article, le Conseil constate que le chroniqueur rapporte la version du plaignant aux allégations qui circulaient à son sujet. Aux yeux du Conseil, la chronique respecte les exigences déontologiques en matière d’équilibre puisqu’elle rapporte l’avis de M. Bravo-Ahuja Roth.
Le Conseil rejette le grief pour manque d’équilibre.
Grief 3 : absence d’identification d’un texte d’opinion
Le plaignant soutient que les deux textes de M. Ortiz Velazquez sont des textes d’opinion, mais qu’ils ne sont pas identifiés comme tels.
Dans sa réplique, M. Ortiz Velazquez reconnaît qu’il présente son opinion dans sa chronique « Saviez-vous? ».
Dans son commentaire, le plaignant rapporte que depuis le dépôt de sa plainte au Conseil de presse, la chronique de M. Ortiz Velazquez porte maintenant la mention « opinión ».
Le guide de déontologie, Droits et responsabilités de la presse (DERP), rappelle l’importance de bien identifier les textes d’opinion. « L’absence d’indications sur la nature particulière de ce genre journalistique peut conduire le public à assimiler une opinion éditoriale, partiale par définition, à un article d’information.» (p. 28)
Après analyse des textes mis en cause et ceux de M. Ortiz Velazquez parus dans les semaines précédentes, le Conseil confirme qu’il s’agit de chroniques, c’est-à-dire du journalisme d’opinion. Cependant, le Conseil constate qu’il n’y avait rien dans la mise en page ou l’en-tête du texte permettant d’identifier clairement qu’il s’agissait de journalisme d’opinion. Par ailleurs, dans sa jurisprudence le Conseil mentionnait dans le D2003-05-063 : « que les médias et les journalistes doivent respecter les distinctions qui s’imposent entre les différents genres journalistiques, lesquels doivent être facilement identifiables afin que le public ne soit pas induit en erreur sur l’information qu’il croit recevoir»
Le Conseil retient le grief d’absence d’identification d’un texte d’opinion.
Grief 4 : refus de rétractation
Après la parution de la chronique « Mexicanos en Montreal celebran su independencia, pero muy desunidos», le plaignant a exigé une rétractation de l’hebdomadaire. À la demande du chroniqueur, il lui a fait parvenir une liste de points à corriger afin qu’un texte soit rédigé. Le plaignant déplore que le chroniqueur se soit limité à publier cette liste. Il estime qu’un droit de réplique n’était pas suffisant en raison de la gravité des déclarations du chroniqueur et de l’impact de ses propos sur sa réputation.
Le chroniqueur indique avoir publié la lettre du plaignant telle quelle, à la fin de sa chronique publiée dans l’édition du 12 au 18 septembre 2014. Il observe que parmi les 20 points soulevés par le plaignant, certains montrent qu’il est d’accord avec certains points de vue présentés dans la chronique « Mexicanos en Montreal celebran su independencia, pero muy desunidos».
Le directeur général note que le journal a reçu le texte du plaignant à titre de réplique et qu’elle a été publiée. Il assure que son média est « toujours disposé à collaborer afin de corriger une erreur commise involontairement lors de l’exercice de [ses] fonctions ».
Le DERP stipule que les médias doivent trouver la meilleure façon de corriger les erreurs commises dans les textes d’information ou d’opinion. « Cependant, les rétractations et les rectifications devraient être faites de façon à remédier pleinement et avec diligence au tort causé. Les médias n’ont aucune excuse pour se soustraire à l’obligation de réparer leurs erreurs, que les victimes l’exigent ou non, et ils doivent consacrer aux rétractations et aux rectifications qu’ils publient ou diffusent une forme, un espace, et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses.» (p. 46)
Le média n’ayant pas commis d’inexactitude, le Conseil juge que l’hebdomadaire n’avait pas l’obligation de publier un rectificatif et qu’un droit de réplique était suffisant.
Le Conseil rejette le grief pour refus de rétractation.
Grief 5 : dénigrement et insulte
Le plaignant note qu’en introduisant sa réplique, le chroniqueur soutient qu’il est peut-être un homme honnête, mais en attendant de bien le connaître, on est obligés de douter de ses intentions. Dans cette introduction, le chroniqueur prévient également les lecteurs en écrivant : « On la reproduit [la réplique] telle quelle comme il nous l’a envoyée, avec des fautes orthographiques, gallicismes et fautes de syntaxe. » Le plaignant estime que le chroniqueur fait preuve de mauvaise foi et tient des propos « accusatoires et méprisants ». « Le journaliste a montré une mauvaise foi en critiquant mon écrit et la qualité de celui-ci », écrit le plaignant.
Le DERP reconnaît aux journalistes le droit de répondre aux commentaires des lecteurs, mais il prévient : « Ils ne doivent pas se prévaloir de ce droit pour dénigrer, insulter ou discréditer les lecteurs». (p. 39)
Le Conseil estime que l’introduction rédigée par le chroniqueur, et précédant le droit de réplique du plaignant, contribue à le dénigrer et à l’insulter.
Le Conseil retient le grief pour dénigrement et insulte.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. German Bravo-Ahuja Roth contre le chroniqueur M. Francisco Ortiz Velazquez et l’hebdomadaire El Directorio Comercial latino de Montreal pour les griefs d’absence d’identification d’un texte d’opinion et dénigrement et insulte. Cependant, le Conseil rejette les griefs d’informations inexactes, manque d’équilibre et refus de rectification.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
M. Adélard Guillemette
Représentants des journalistes :
Mme Katerine Belley-Murray
M. Denis Guénette
Représentant des entreprises de presse :
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C17C Injure
- C19A Absence/refus de rectification
- C20A Identification/confusion des genres