Plaignant
Office des producteurs de bois de la Gatineau (MM. Yvon Parker, président et Mario Couture, directeur général)
Mis en cause
Mme Sylvie Dejouy, journaliste, M. Philippe Patry, directeur général, l’hebdomadaire La Gatineau et le site Internet lagatineau.com
Résumé de la plainte
MM. Yvon Parker et Mario Couture, président et directeur général de l’Office des producteurs de bois de la Gatineau, déposent une plainte le 29 octobre 2014 contre l’hebdomadaire La Gatineau et son site Internet concernant un article intitulé « Chambre de commerce – “Arrêtez de vouloir voir mourir notre industrie” » mis en ligne le 4 juin 2014 et publié dans la version papier du journal le lendemain. La plainte vise également les articles « Produits forestiers Résolu – Fermeture aussi à Gatineau » et « Producteurs privés : trouver une solution qui convienne à tous » publiés les 5 et 12 juin 2014. Les plaignants dénoncent des titres inexacts, des informations inexactes, un manque d’équilibre et un refus de rétractation.
Les textes ciblés par les plaignants font partie d’une couverture médiatique entourant la fermeture temporaire de la scierie Produits forestiers Résolu, à Maniwaki.
Analyse
Grief 1 : titres inexacts
Les plaignants jugent inexacts les titres des trois articles mis en cause, soit « Chambre de commerce – “Arrêtez de vouloir voir mourir notre industrie” », « Produits forestiers Résolu – Fermeture aussi à Gatineau » et « Producteurs privés : trouver une solution qui convienne à tous ». Selon les plaignants, ces titres laissent croire qu’ils ne collaborent pas au développement de l’industrie forestière. « C’est là une accusation grave et sans fondement », écrivent-ils.
Mme Sylvie Dejouy, journaliste de La Gatineau ayant couvert le dossier de la scierie de Produits forestiers Résolu, indique qu’elle a choisi les titres en tirant « des phrases “choc” des personnes impliquées dans le dossier afin d’attirer l’attention des lecteurs ».
Dans leur commentaire, les plaignants soutiennent que la journaliste et l’hebdomadaire « ont choisi de mousser la position » de la Chambre de commerce. Selon eux, il s’agit d’une « accusation mensongère » laissant croire que les producteurs privés sont responsables de « tous les problèmes de l’industrie forestière ».
Le guide de déontologie du Conseil de presse, Droits et responsabilités de la presse (DERP), rappelle que « les titres doivent respecter le sens, l’esprit et le contenu des textes auxquels ils renvoient ». (p. 30) Il y est aussi mentionné que les titres ne doivent pas véhiculer de préjugés ou de partis pris.
Après analyse, le Conseil estime que les titres de ces trois articles respectent les règles de déontologie. Les trois titres en cause résument fidèlement les informations contenues dans les textes qu’ils accompagnent. La deuxième partie du titre « Chambre de commerce – “Arrêtez de vouloir voir mourir notre industrie” » réfère à une affirmation des représentants de la Chambre de commerce également reprise à la fin du texte. Quant au titre « Produits forestiers Résolu – Fermeture aussi à Gatineau », il est un résumé fidèle de l’article annonçant la fermeture de la scierie située à Gatineau. Enfin, le titre « Producteurs privés : trouver une solution qui convienne à tous » résume les propos du responsable des questions de foresterie à la Chambre de commerce au sujet du conflit opposant les producteurs privés et l’entreprise Produits forestiers Résolu.
Pour ces raisons, le grief pour titres inexacts est rejeté.
Grief 2 : informations inexactes
Selon les plaignants, l’article intitulé « Chambre de commerce – “Arrêtez de vouloir voir mourir notre industrie” », rapportant la position de la Chambre de commerce de Maniwaki et la Vallée-de-la-Gatineau (CCMVG) dans ce dossier, comporte quatre affirmations inexactes.
1) « “M. Raymond Johnson de l’Office des producteurs de bois, a déclaré en parlant de l’usine de Produits forestiers Résolu : ‘qu’elle ferme la Tab…’ […] ” ». Selon les plaignants, M. Johnson n’a jamais tenu ces propos. Ils réfutent avoir souhaité la fermeture de leur plus important client.
2) « “Depuis, comment penser qu’il n’existe pas d’agenda caché, celle de fermer définitivement l’usine de PFR [Produits forestiers Résolu] Maniwaki.” » Les plaignants estiment que cette affirmation est « gratuite, sans fondement, fausse, non vérifiée ». Ils ajoutent qu’il s’agit d’un procès d’intention visant à discréditer l’Office.
3) « Devant ces faits, la CCMVG demande que les producteurs privés de bois de la Vallée-de-la-Gatineau assistent “à une rencontre avec un représentant de PFR qui vous expliquera les offres RÉELLES qui sont sur la table, alors que certains producteurs de bois privés ont demandé cette information auprès de l’Office et ne l’ont toujours pas eue. (voir l’article de monsieur Blackburn dans le Postier Régional et le Journal Le Droit dans lequel il offre sa disponibilité pour une rencontre)” ». Les plaignants jugent que ce passage constitue des accusations « graves, sans fondement, non vérifiées » contribuant à discréditer l’Office.
4) « “Arrêtez de vouloir voir mourir notre industrie forestière dans la Vallée-de-la-Gatineau, plusieurs citoyens et commerces en dépendent!” » Selon les plaignants, ce passage suggère que l’Office souhaite la mort de l’industrie forestière dans cette région. Cette interprétation est partiale et infondée, soutiennent-ils.
La journaliste explique qu’au moment de publier le texte rapportant la position de la Chambre de commerce, elle s’est assurée de mettre entre guillemets les propos mettant en cause l’Office. Elle voulait ainsi signifier qu’il ne s’agissait pas de l’opinion du journal, mais bien des propos des responsables de la Chambre de commerce. Étant donné que celle-ci joue un rôle important et est respectée dans la région, elle a estimé qu’il s’agissait d’une « position pertinente et d’intérêt public ».
Dans leur commentaire, les plaignants considèrent que l’ajout de guillemets par la journaliste n’est pas suffisant. Ils estiment également que « le média n’a pas pris le soin d’identifier clairement la provenance de ces extraits mis entre guillemets ».
Le Conseil estime que la journaliste n’a pas commis d’inexactitude puisque les propos pointés par les plaignants constituent les motifs invoqués par la Chambre de commerce pour justifier sa position. Les propos extraits du communiqué sont mis entre guillemets et clairement attribués aux membres du conseil d’administration de l’organisme. Le Conseil juge qu’il était d’intérêt public de rapporter fidèlement la position de la Chambre de commerce dans ce dossier puisque l’organisme joue un rôle régional important.
Le grief pour informations inexactes est rejeté.
Grief 3 : manque d’équilibre
Les plaignants déplorent un manque d’équilibre dans deux articles.
Premièrement, ils affirment que l’hebdomadaire aurait dû les contacter avant la publication de l’article « Produits forestiers Résolu – Fermeture aussi à Gatineau ». Ils constatent que ce texte présente « la position unilatérale de Produits forestiers Résolu » et n’offre aucune contrepartie.
Dans sa réplique, la journaliste indique qu’elle a couvert le dossier de la fermeture temporaire de la scierie en relayant les raisons invoquées par Produits forestiers Résolu et celles avancées par les producteurs privés. Cette position a été présentée dans des articles et la publication de « tous les courriers de lecteurs » signés par des producteurs privés.
Le DERP stipule que lorsqu’une nouvelle traite « de situations ou de questions controversées, ou de conflit entre les parties, de quelque nature qu’ils soient, un traitement équilibré doit être accordé aux éléments et aux parties en opposition». (p. 26) Le respect de l’équilibre se mesure sur l’ensemble de la couverture précise le DERP. « L’information livrée par les médias fait nécessairement l’objet de choix. Ces choix doivent être faits dans un esprit d’équité et de justice. Ils ne se mesurent pas seulement de façon quantitative, sur la base d’une seule édition ou d’une seule émission, pas plus qu’au nombre de lignes ou au temps d’antenne. Ils doivent être évalués de façon qualitative, en fonction de l’importance de l’information et de son degré d’intérêt public. » (p. 22)
Même si les arguments avancés par l’Office des producteurs de bois de la Gatineau ont été présentés à plusieurs reprises entre le 13 mars 2014 et le 24 juillet 2014, le Conseil estime que l’hebdomadaire aurait dû contacter un représentant de l’Office avant la publication de l’article annonçant la fermeture de la scierie de Gatineau. Dans cet article, le directeur principal des affaires publiques de Produits forestiers Résolu interpelle directement les producteurs privés sur des éléments au cœur du litige. Ceux-ci devaient donc avoir l’opportunité de faire valoir leur point de vue.
Le grief est retenu sur ce point.
Deuxièmement, les plaignants soutiennent qu’« aucune opportunité de réponse n’a été offerte aux représentants de l’Office » avant la parution de l’article « Chambre de commerce – “Arrêtez de vouloir voir mourir notre industrie” ». Ils ne comprennent pas pourquoi le journal n’a pas cherché à valider ces informations.
La journaliste nie le fait que l’Office n’ait pas eu l’opportunité de répondre aux accusations de la Chambre de commerce. Elle soutient avoir croisé le directeur général et l’un des administrateurs de l’Office lors d’un événement « peu de temps » après la publication de cet article. Ils ne lui auraient pas fait part de leur mécontentement. « Ils n’ont jamais pris contact avec moi », affirme la journaliste. Elle ajoute que dans les jours suivant la publication du communiqué, elle a publié toutes les lettres provenant de producteurs privés souhaitant répliquer et donner leur version des faits.
Dans leurs commentaires, les plaignants insistent sur le devoir des journalistes de consulter les « autres sources qui sont impliquées » lorsqu’un organisme ou ses représentants sont directement attaqués. Concernant leur rencontre avec la journaliste, ils indiquent que celle-ci a eu lieu deux semaines après la parution de l’article en cause. Dans le cas des lettres de producteurs privés, ils notent qu’elles ont été publiées dans les semaines suivantes et non dans les jours suivants comme l’indique la journaliste. Ils estiment que ces lettres ne peuvent être considérées comme étant la réponse de l’Office ou de ses dirigeants aux accusations lancées par la Chambre de commerce et qu’elles « n’effacent en aucun temps les articles reprochés ».
Le Conseil estime que l’importance des attaques portées à l’encontre de l’Office par la Chambre de commerce exigeait que l’hebdomadaire offre à ses responsables l’opportunité d’y répondre. Le sérieux des accusations exigeait que le point de vue de l’Office soit présenté dans la même édition.
Le grief est retenu sur ce point.
Le Conseil retient donc le grief pour manque d’équilibre.
Grief 4 : refus de rétractation
Les plaignants dénoncent le fait que l’hebdomadaire n’ait pas donné suite à la demande de se « rétracter et de rectifier les propos diffusés dans les articles visés par la plainte.
La journaliste estime qu’en demandant à son journal de se rétracter, l’Office « tente de porter atteinte à un principe fondamental du journalisme : celui de pouvoir exprimer et rapporter toutes les opinions et points de vue des acteurs intéressés dans un dossier d’intérêt public ».
Le DERP rappelle : « Il relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs à l’égard de personnes, de groupes ou d’instances mis en cause dans leurs productions journalistiques, que celles-ci relèvent de l’information ou de l’opinion.» (p. 46)
Aux yeux du Conseil, l’hebdomadaire n’avait pas à se rétracter ou à rectifier les propos publiés puisqu’il n’a commis aucune faute d’inexactitude. Cependant, le Conseil estime qu’un droit de réplique ou la publication d’un article complémentaire expliquant la position de l’Office des producteurs de bois de la Gatineau aurait dû être publié afin que l’organisme puisse répondre aux accusations de la Chambre de commerce.
Le Conseil rejette le grief pour refus de rétractation.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de MM. Yvon Parker et Mario Couture, président et directeur général de l’Office des producteurs de bois de la Gatineau contre l’hebdomadaire La Gatineau et son site Internet pour le grief de manque d’équilibre. Cependant, il rejette les griefs de titres inexacts, informations inexactes et refus de rétractation.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
Mme Micheline Rondeau-Parent
Mme Jackie Tremblay
Représentants des journalistes :
M. Denis Guénette
M. Jonathan Trudel
Représentant des entreprises de presse :
Mme Micheline Pepin
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11F Titre/présentation de l’information
- C12A Manque d’équilibre
- C19A Absence/refus de rectification