Plaignant
M. David Plante
Mis en cause
M. Jeff Fillion, animateur, M. Jean Martin, directeur général et la station NRJ 98,9 Québec
Résumé de la plainte
M. David Plante dépose une plainte le 23 octobre 2014 contre l’animateur Jeff Fillion et la station NRJ 98,9 concernant une émission spéciale sur l’attentat d’Ottawa, diffusée le 22 octobre 2014. Selon le plaignant, l’animateur a tenu des propos discriminatoires, haineux et empreints de préjugés envers les Québécois francophones. De plus, il dénonce la partialité des propos tenus par M. Fillion.
Analyse
Grief 1 : propos discriminatoires et haineux et expression de préjugés
M. Plante reproche à l’animateur Jeff Fillion d’avoir tenu, dans le cadre d’une émission spéciale sur l’attentat d’Ottawa, des propos discriminatoires, haineux et empreints de préjugés envers les Québécois francophones et les tenants de l’idéologie souverainiste. Le plaignant juge qu’au cours de l’émission, M. Fillion fait plusieurs amalgames entre les indépendantistes francophones québécois et l’attentat perpétré à Ottawa, établissant un lien de causalité entre les deux. Il reproche particulièrement au chroniqueur les propos suivants, alors que ce dernier se réfère au responsable présumé d’un des attentats : « Né et élevé avec nos valeurs québécoises. C’est quoi les valeurs québécoises. C’est pas les valeurs québécoises. C’est les valeurs des gens avec […] un petit rond bleu avec oui écrit dedans, c’est ça que ça provoque ».
De plus, le plaignant reproche à M. Fillion d’avoir dit que les Québécois francophones sont haineux, antisémites et antiaméricains dans l’extrait suivant : « On a beaucoup de haine, je vous l’dis qu’y a un lien […]. Ça a un lien avec toutes nos patentes de chicanes entre nous autres, les deux groupes, les deux solitudes, les deux clans, les deux patentes, on est en chicane avec tout le monde, on hait les juifs, on hait les Anglais, on hait les Américains, on hait les fédéralistes, on hait ci, c’est la haine partout. Et pourtant quand t’entends les gens de gauche, c’est des gens qui ont la main sur le cœur, pis envoye donc, nous autres on veut faire plaisir aux autres, on veut s’occuper des autres. Ben là si on veut s’occuper des autres, on peut-tu répandre l’amour un peu? On peut-tu commencer à mettre la haine d’une boîte et la crisser six pieds sous terre? C’est ça que ça fait, ça fait des jeunes fuckés. Ça fait des jeunes fuckés parcequ’y sont élevés dans chicane. C’est très triste. »
M. Jean Martin directeur général de NRJ 98,9 explique tout d’abord que M. Fillion anime une émission de radio parlée pendant laquelle les sujets chauds de l’actualité sont analysés et débattus et que ces débats contiennent une très grande part de commentaires. M. Martin ajoute que le code de déontologie reconnaît que le journalisme d’opinion et les commentaires éditoriaux sont la manifestation de la liberté d’expression et de la liberté de presse. Le mis en cause soumet que bien que les propos tenus par M. Fillion, au cours de l’émission spéciale, pouvaient être controversés, ceux-ci n’étaient pas discriminatoires ni haineux. De l’avis du mis en cause, M. Fillion a plutôt voulu lancer un débat et une réflexion sur un sujet qui était d’intérêt public. M. Martin souligne que l’animateur aurait également mentionné lors du même segment de cette émission que ce ne sont pas tous les Québécois francophones et les gens de l’idéologie souverainiste qui partagent les mêmes idées.
Le Conseil rappelle dans son guide, Droits et responsabilités de la presse (DERP) que le journalisme d’opinion « permet aux journalistes qui le pratiquent d’adopter un ton polémiste pour prendre parti et exprimer leurs critiques, dans le style qui leur est propre, même par le biais de l’humour et de la satire. » (p. 18) Toutefois, les journalistes d’opinion « ne sauraient se soustraire aux exigences de rigueur et d’exactitude. Ils doivent éviter, tant par le ton que par le vocabulaire qu’il emploie, de donner aux événements une signification qu’ils n’ont pas ou de laisser planer des malentendus qui risquent de discréditer les personnes ou les groupes ». (p. 28)
Après écoute des extraits mis en cause, le Conseil considère que les mis en cause n’ont pas diffusé de propos discriminatoires et haineux et n’ont pas exprimé de préjugés à l’égard des Québécois souverainistes en les associant systématiquement à des gestes extrémistes. Ils se sont prévalus de leur liberté d’expression dans les limites acceptables aux règles déontologiques du journalisme d’opinion.
Le grief pour propos discriminatoires, haineux et expression de préjugés est rejeté.
Grief 2 : partialité
Le plaignant considère que les propos tenus par M. Fillion, lors de l’émission spéciale, étaient partiaux.
Le mis en cause mentionne que le journalisme d’opinion, genre dans lequel œuvre M. Fillion lui permet une liberté dans l’expression de ses commentaires et que ces derniers sont identifiés comme tels
Le Conseil rappelle dans son guide de déontologie que le journalisme d’opinion accorde « en général une grande place à la personnalité de leurs auteurs. C’est leur lecture personnelle de l’actualité, des réalités et des questions qu’ils choisissent de traiter qui est surtout mise en perspective. » (DERP, p. 18)
Considérant que l’émission visée par le plaignant s’inscrit dans la sphère du journalisme d’opinion, le Conseil estime qu’il était légitime que M. Fillion émette ses opinions et prenne position sur le sujet abordé au cours de son émission.
Le grief de partialité est donc rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. David Plante contre l’animateur Jeff Fillion et la station NRJ 98,9 FM pour les griefs de propos discriminatoires, haineux et expression de préjugés et de partialité.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
Mme Micheline Rondeau-Parent
Mme Jackie Tremblay
Représentants des journalistes :
M. Denis Guénette
M. Jonathan Trudel
Représentants des entreprises de presse :
Mme Micheline Pepin
M. Luc Simard
Analyse de la décision
- C13A Partialité
- C18C Préjugés/stéréotypes