Plaignant
Mme Odile Jouanneau
Mis en cause
M. Jean-Nicolas Saucier, blogueur et journaliste, M. Nicolas Pelletier, rédacteur en chef et Sympatico.ca Actualités (Bell Média)
M. Malam Gerba, directeur de la rédaction et le Magazine Afrique Expansion
Résumé de la plainte
Mme Odile Jouanneau dépose successivement, les 7 et 18 novembre 2014, deux plaintes à l’encontre de Jean-Nicolas Saucier, blogueur à Sympatico.ca Actualités et rédacteur en chef du magazine Afrique Expansion. Mme Jouanneau reproche à M. Saucier d’avoir plagié le contenu de diverses sources dans le cadre d’une cinquantaine d’articles publiés par Sympatico.ca Actualités (37 articles) et Afrique Expansion (12 articles). De plus, la plaignante dénonce des inexactitudes dans certains articles.
Analyse
Grief 1 : plagiat
Sympatico.ca Actualités (plainte 2014-11-043)
Mme Jouanneau déplore que les articles visés, signés par M. Saucier, intègrent une grande proportion de passages parfois intégraux de sources non citées. Sur les 37 articles signalés, la plaignante en a documenté 8 de façon détaillée, pour lesquels le taux de repiquage varie de 67 % à 92 %. La plaignante a communiqué avec les mis en cause pour les informer de la situation.
M. Nicolas Pelletier, rédacteur en chef de Sympatico.ca Actualités, dit avoir pris acte de la plainte de Mme Jouanneau et « retiré du site Sympatico.ca Actualités, en date du 18 novembre 2014, tous les articles de Monsieur Saucier faisant l’objet de la plainte et avoir terminé son contrat avec nous ». M. Pelletier souligne que Sympatico.ca Actualité « n’a jamais approuvé ni encouragé la reprise de textes de tiers par ses journalistes ».
Dans son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil expose ainsi les principes qui doivent guider les journalistes et les médias, en matière de plagiat : « le fait qu’une information soit diffusée dans un média ne justifie en aucun cas un autre média de la copier ou de la reproduire impunément sans en mentionner la provenance ou sans l’autorisation de l’auteur. Le fait d’effectuer des modifications à un texte original ne permet pas non plus de se l’attribuer. Non seulement la Loi sur le Droit d’auteur le réprouve, mais c’est là aussi une question d’éthique professionnelle. Ce qui précède s’applique tout autant à la pratique du journalisme sur le réseau Internet ou lorsque les médias de type traditionnel et les professionnels de l’information qui y œuvrent utilisent comme source l’information que les journaux et les magazines diffusent sur Internet ». (p. 34)
D’un commun accord avec la plaignante, et devant l’ampleur qu’aurait constituée la tâche d’examiner l’ensemble des cas soumis, le Conseil a restreint son analyse à trois articles jugés particulièrement représentatifs et probants. Le Conseil a entièrement repris l’analyse, repéré les sources sur Internet et réévalué le taux de plagiat (copie intégrale d’un texte sans identification de sa source) et de reformulation des textes.
Pour les articles : « Les Canadiens, un peuple ignorant? » publié le 4 novembre 2014 (repiquage de L’Actualité); « Travail – L’égalité hommes-femmes prévue pour… 2095 », publié le 29 octobre 2014 (repiquage de l’AFP et du World Economic Forum Blog); « Miss Ouganda – Traire les vaches pour devenir reine de beauté! » publié le 6 novembre 2014 (repiquage de l’AFP), les taux de plagiat ou de reformulation constatés par le Conseil sont de 81 %, 66 % et 57 % respectivement.
Pour ces trois articles, le Conseil relève la reproduction intégrale ou quasi intégrale de plusieurs sources ou leur réécriture, parfois légère. Par ailleurs, M. Saucier reprend, dans tous les cas, la structure de la source plagiée ou permute simplement des paragraphes. Les sources plagiées ne sont jamais citées.
Le Conseil souligne la particularité du cas de l’article « Les Canadiens, un peuple ignorant? », où M. Saucier suit fidèlement la structure d’un article de L’Actualité, « Indice de l’ignorance : les Canadiens rattrapés par la réalité », paru quelques jours plus tôt. L’auteur, Vincent Destouches, traduit et adapte aux données canadiennes un article du journal The Guardian. Alors que M. Saucier semble citer la source originale, il ne fait que mentionner le nom du titre britannique aux endroits où M. Destouches le cite lui-même.
En conséquence, le grief de plagiat est retenu pour les articles publiés par Sympatico.ca Actualités et analysés par le Conseil.
Magazine Afrique Expansion (plainte 2014-11-049)
Mme Jouanneau formule une plainte similaire pour une douzaine d’articles publiés par Afrique Expansion. De ce nombre, elle a fourni au Conseil un cas analysé en détail.
M. Malam Gerba, directeur de la rédaction, dit avoir pris connaissance de la plainte de Mme Jouanneau et admet que M. Saucier « a manqué de rigueur » et que l’absence de sources identifiées dans ses textes pose problème. Il mentionne que les articles fautifs ont été retirés du site du magazine et que M. Saucier s’est fait rappeler l’importance de la rigueur journalistique.
Mme Jouanneau rétorque que M. Saucier n’a pas simplement manqué de rigueur. Elle déplore que ce dernier ait « carrément recopié des textes entiers d’un ou plusieurs médias, en changeant quelques mots et/ou en inversant des paragraphes. Le pourcentage de contrefaçon pouvait atteindre 90 % ».
D’un commun accord avec la plaignante, et devant l’ampleur qu’aurait constituée la tâche d’examiner l’ensemble des cas soumis, le Conseil a restreint son analyse à deux cas, soit ceux qui présentaient, selon elle, les plus importantes proportions de plagiat. Le Conseil a entièrement repris l’analyse, repéré les sources sur Internet, en a identifié de nouvelles et a réévalué le taux de plagiat et de reformulation de sources non citées.
Pour les articles : « G20 | 2014 : L’Économie mondiale mise en sourdine », publié le 17 novembre 2014 (repiquage de deux articles de l’AFP) et « Finances internationales : Les banques européennes à la dérive? », publié le 28 octobre 2014 (repiquage de sept sources, dont l’AFP, Libération et La Voix du Nord), les taux de plagiat ou de reformulation constatés par le Conseil sont respectivement de 83 % et de 91 %.
Pour ces deux articles, le Conseil relève la reproduction intégrale ou quasi intégrale de plusieurs sources ou leur réécriture, parfois légère. Dans le cas de l’article portant sur le G20, M. Saucier reprend la structure des sources plagiées ou permute simplement des paragraphes. Dans le second cas, M. Saucier sert à ses lecteurs une mosaïque d’éléments empruntés à sept sources différentes. Les sources ne sont jamais citées.
En conséquence, le grief pour plagiat est retenu pour les articles publiés par Afrique Expansion et analysés par le Conseil.
Au vu de tout ce qui précède, le grief pour plagiat est retenu pour tous les articles de Jean-Nicolas Saucier analysés par le Conseil.
Grief 2 : inexactitudes
Dans le cadre de son analyse de l’article « Travail – L’égalité hommes-femmes prévue pour… 2095 », publié le 29 octobre 2014 par ca Actualités, la plaignante signale une erreur d’attribution d’une citation et une erreur d’identification d’une source. Dans ce texte, M. Saucier attribue erronément des propos à un dirigeant du Forum économique mondial (WEF) et identifie le WEF comme l’auteur d’une série de pistes de solutions qu’il fallait plutôt attribuer à Helena Trachsel, à la tête du Service de l’égalité hommes-femmes du canton de Zurich.
Dans son guide de déontologie, le Conseil mentionne que les journalistes d’opinion, autant que les journalistes factuels ont un devoir d’exactitude. « Les auteurs de chroniques, de billets et de critiques ne sauraient se soustraire aux exigences de rigueur et d’exactitude. » (DERP, p. 28)
Le Conseil a constaté par lui-même les erreurs signalées par la plaignante et en a découvert de nouvelles, similaires, dans trois autres articles de Jean-Nicolas Saucier qu’il a analysés. Plus précisément, certaines citations ont été légèrement modifiées ou n’ont pas été reproduites avec exactitude. Seul l’article « Les Canadiens, un peuple ignorant? » publié le 4 novembre 2014 par Sympatico.ca Actualités est exempt de telles erreurs. Au total, une dizaine d’inexactitudes de ce type ont été recensées.
Ces modifications ou erreurs de reproduction déforment les propos cités ou les attribuent erronément à des personnes qui ne les ont pas tenus. Le Conseil estime que dans tous ces cas, M. Saucier a manqué de rigueur et que la répétition de ces accrocs constitue une faute déontologique.
Le grief d’inexactitudes est retenu.
Décision
Au vu de tout ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Mme Odile Jouanneau et blâme le blogueur et journaliste Jean-Nicolas Saucier, Sympatico.ca Actualités et le magazine Afrique Expansion pour les griefs de plagiat et d’inexactitudes.
Le Conseil tient toutefois à souligner les actions prises par Sympatico.ca Actualités et le magazine Afrique Expansion de retirer les articles visés sur leur site Internet.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
Mme Micheline Rondeau-Parent
Mme Jackie Tremblay
Représentants des journalistes :
M. Denis Guénette
M. Jonathan Trudel
Représentants des entreprises de presse :
Mme Micheline Pepin
M. Luc Simard
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C23G Plagiat/repiquage