Plaignant
M. Jacques Bois
Mis en cause
MM. Michel Chassé, journaliste et Éric Bernard, directeur général et l’hebdomadaire L’Oie Blanche
Résumé de la plainte
M. Jacques Bois dépose une plainte le 28 novembre 2014 contre le journaliste Michel Chassé, le directeur général Éric Bernard et l’hebdomadaire L’Oie Blanche concernant un article publié le 15 octobre 2014, sous le titre « Sainte-Perpétue hausse la rémunération de ses élus ». Le plaignant dénonce des informations inexactes, des informations incomplètes, un refus de rétractation, de la partialité, un refus de couverture et un refus de publier une lettre d’opinion.
L’article « Sainte-Perpétue hausse la rémunération de ses élus » relate la reprise du vote d’un règlement octroyant une hausse de la rémunération des élus municipaux. On y explique également les raisons motivant la reprise de ce vote.
Analyse
Grief 1 : informations inexactes
Le plaignant estime que l’article comporte quatre inexactitudes.
Premièrement, le plaignant considère qu’il est inexact d’écrire que l’augmentation avait été adoptée en mars. Il met en preuve la lettre du commissaire aux plaintes du Ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (MAMOT) incitant la municipalité à reprendre la procédure d’adoption du règlement. Le plaignant croit qu’il aurait été plus juste d’écrire que le sujet avait fait l’objet d’un vote le 3 mars.
Dans son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil rappelle que les journalistes d’information transmettent « une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le [font] avec honnêteté, exactitude et impartialité ». (p. 26)
Aux yeux du Conseil, il n’était pas inexact d’utiliser le verbe « adopter » dans le contexte du vote du mois de mars. Le procès-verbal de la réunion du conseil municipal du 3 mars 2014 indique clairement que le règlement a été adopté. De plus, dans sa lettre au plaignant, le commissaire aux plaintes du MAMOT écrit : « […] bien que cette adoption se soit déroulée dans une certaine confusion […] ». Le journaliste ne commettait pas d’inexactitude en reprenant en partie les propos du commissaire.
Le grief est rejeté sur ce point.
Deuxièmement, le plaignant juge que la phrase, « Dans ses recommandations, le commissaire aux plaintes donne raison à M. Bois sur la forme, mais ne remet pas en question le bien-fondé de la démarche des élus de Sainte-Perpétue. », laisse entendre que le commissaire est d’accord avec la hausse de 25 % parce que le mot « bien-fondé » signifie en conformité au droit et que l’expression « la démarche des élus » se rapporte au désir des conseillers municipaux de hausser leur rémunération de 25 %. Il estime que cette impression est renforcée par l’omission du mot « toutefois » utilisé par le commissaire dans sa lettre.
Le Conseil estime que le journaliste rapporte fidèlement la décision du commissaire puisque celui-ci ne se prononce pas sur l’augmentation de la rémunération des élus.
Le grief est rejeté sur ce point.
Troisièmement, le plaignant estime inexacte la phrase : « La 2e plainte portait sur la hausse de la rémunération des élus adoptée le 3 mars dans la confusion. » Selon lui, sa plainte au MAMOT portait plutôt sur la procédure d’adoption du règlement sur la rémunération des élus.
En lisant tout le paragraphe, le Conseil constate que le journaliste a rapporté correctement les faits puisqu’il indique clairement que le MAMOT recommandait la reprise de « la procédure » entourant le vote sur la hausse de la rémunération des élus. De plus, dès le début de l’article, le journaliste indique que le commissaire a donné raison à M. Bois sur la « forme », c’est-à-dire la procédure entourant l’adoption du règlement.
Le grief est rejeté sur ce point.
Quatrièmement, le plaignant estime que l’adverbe « simplement » dans la phrase « […] le ministère a tout simplement recommandé aux élus de reprendre la procédure […] » amène une inexactitude puisque le Ministère a mis six mois avant de faire connaître ses conclusions.
Le Conseil estime que l’adverbe fait référence à la nature de la décision du MAMOT qui a « simplement » demandé la reprise du vote et non pas imposé des amendes ou d’autres sanctions plus sévères.
Le grief est rejeté sur ce point.
Au vu de ce qui précède, le grief d’informations inexactes est rejeté.
Grief 2 : informations incomplètes
Le plaignant estime que l’article comporte deux incomplétudes.
Dans un premier temps, le plaignant juge que le journaliste aurait dû mentionner que l’omission relative à la Loi sur le traitement des élus municipaux était commise depuis plusieurs années et qu’il s’agissait d’une mention obligatoire en vertu de la Loi sur le traitement des élus municipaux.
Le DERP indique : « Quel que soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité.» (p. 26)
Le Conseil estime que le fait de préciser que l’omission se produisait depuis plusieurs années n’est pas un élément essentiel à la compréhension des faits par le lecteur. Dans sa lettre, le commissaire fait uniquement référence à l’omission commise dans le rapport de 2013.
Le grief est rejeté sur ce point.
Dans un deuxième temps, le plaignant soutient que le journaliste a « escamoté la partie de l’avis du commissaire qui mentionnait que la mise à jour suggérée devait se faire conformément aux dispositions du Code municipal » lorsqu’il écrit : « Enfin, le ministère a aussi suggéré à la Municipalité de mettre à jour ses règlements pour assurer le bon ordre pendant la période de questions lors des séances du conseil. »
Le Conseil estime qu’en écrivant que la suggestion venait du ministère, le journaliste indique implicitement que les modifications doivent être en conformité avec les règlements. Aux yeux du Conseil, le journaliste n’avait pas à insister davantage sur cet élément puisqu’il n’est pas essentiel à la compréhension des faits par le lecteur.
Le grief est rejeté sur ce point.
Au vu de ce qui précède, le grief d’informations incomplètes est rejeté.
Grief 3 : refus de rétractation
À la suite de la publication de l’article « Sainte-Perpétue hausse la rémunération de ses élus », le plaignant a contacté le directeur général de l’hebdomadaire afin de demander des corrections pour la prochaine édition de l’hebdomadaire. Il constate qu’elles n’ont pas été publiées.
Le DERP indique que les médias ont la responsabilité « de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs […] dans leurs productions journalistiques». (p. 46)
N’ayant constaté aucun manquement en ce qui concerne l’exactitude et la complétude des informations contenues dans l’article en cause, le Conseil juge que l’hebdomadaire n’avait pas à se rétracter.
Le grief de refus de rétractation est rejeté.
Grief 4 : partialité
Le plaignant déplore que le journaliste n’ait pas tenté de questionner les élus à leur sortie de la réunion du conseil municipal du 6 octobre 2014. Selon lui, le journaliste a agi ainsi parce qu’il est d’accord avec la hausse de rémunération des élus. Le plaignant affirme que le 8 octobre 2014, au cours d’une conversation téléphonique, le journaliste lui aurait déclaré être en accord avec le règlement présenté.
Le directeur général de l’hebdomadaire fait valoir que le journaliste a rapporté ce qu’il a vu et entendu lors du conseil municipal. De son côté, le journaliste soutient que la hausse de la rémunération votée par les élus « est un fait indéniable sur lequel [il n’a pas] à porter de jugement ». Il affirme qu’il n’avait pas à juger la démarche des élus.
Le DERP accorde aux médias et aux journalistes une liberté rédactionnelle. « Les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de rechercher et de collecter les informations sur les faits et les événements sans entraves ni menaces ou représailles. L’attention qu’ils décident de porter à un sujet particulier, le choix de ce sujet et sa pertinence relèvent de leur jugement rédactionnel.» (p. 9) Le guide de déontologie affirme également : « Il est aussi de la responsabilité des entreprises de presse et des journalistes de se montrer prudents et attentifs aux tentatives de manipulation de l’information. Ils doivent faire preuve d’une extrême vigilance pour éviter de devenir, même à leur insu, les complices de personnes, de groupes ou d’instances qui ont intérêt à les exploiter pour imposer leurs idées ou encore pour orienter et influencer l’information au service de leurs intérêts propres, au détriment d’une information complète et impartiale. » (p. 22)
Le Conseil estime qu’en vertu de la liberté rédactionnelle, le journaliste pouvait décider de la pertinence d’interroger ou non certains conseillers municipaux. En ce qui concerne la partialité alléguée du journaliste, le Conseil croit qu’il aurait été préférable qu’il n’exprime aucune opinion sur le sujet qu’il couvrait, mais que cela ne constituait pas une faute parce que cette opinion n’a pas été exprimée publiquement. Le Conseil juge que le plaignant ne démontre pas que, dans sa couverture, le journaliste a manifesté une partialité.
Le grief de partialité est rejeté.
Grief 5 : refus de couverture
Le plaignant déplore que sa lettre d’opinion « Accès à l’information : Ste-Perpétue » et le résultat de ses démarches auprès de la Commission d’accès à l’information n’aient pas donné lieu à un article dans l’hebdomadaire alors que le journaliste avait démontré un intérêt pour le sujet dans le passé. Il estime que cette absence de couverture constitue une atteinte à sa liberté d’expression et au droit du public à l’information.
Dans sa réplique, le directeur général de l’hebdomadaire affirme qu’il n’y a pas eu de « promesse de couverture d’événement ».
Dans son commentaire, le plaignant se demande pourquoi le directeur général a demandé de faire suivre les documents et pourquoi il a mentionné qu’un journaliste serait « mis » sur le dossier, s’il ne s’agissait pas d’une promesse de couverture. À l’adresse du directeur général, le plaignant écrit : « Quand on vous signale un événement, votre devoir journalistique ne vous commande-t-il pas d’aller le couvrir? ».
Le DERP stipule que « Le choix des faits et des événements rapportés, de même que celui des questions d’intérêt public traitées relèvent de la discrétion des directions des salles de nouvelles des organes de presse et des journalistes.» (p.14)
Aux yeux du Conseil, le plaignant n’a pas démontré que le dossier était d’un intérêt public incontournable. Ainsi, la direction de l’information de l’hebdomadaire pouvait choisir, après analyse des documents présentés par le plaignant, de ne pas traiter de ce sujet.
Le grief de refus de couverture est rejeté.
Grief 6 : refus de publier une lettre d’opinion
Le plaignant estime que le refus de l’hebdomadaire de publier sa lettre d’opinion intitulée « Double compensation pour les élus de Ste-Perpétue? » est une atteinte à sa liberté d’expression et du droit du public à l’information. Dans la lettre adressée au directeur général et présentée dans la présente plainte, M. Bois note que le journaliste lui a indiqué que la lettre ne serait pas publiée en raison d’une plainte pendante au Conseil de presse. M. Bois considère que « ces représailles » se font « au détriment du droit à l’information de la population ».
Le directeur général fait valoir qu’au moment des faits, l’hebdomadaire était en attente d’une décision du Conseil de presse concernant un dossier similaire.
Dans son commentaire, le plaignant rappelle au directeur général que les propos contenus dans ses lettres d’opinion respectent les limites de la liberté d’expression et qu’elles ne sont pas « déplacées, grossières ou diffamatoires ». Il estime que ses lettres traitent de sujets publics liés à une administration publique. Le plaignant se demande également si le droit d’expression est suspendu pour une personne ayant déposé une plainte au CPQ. Il se pose également des questions sur le nombre de lettres publiées dans l’hebdomadaire.
Le DERP stipule que même si les médias doivent favoriser l’accès du public aux tribunes, celui-ci n’y a pas pour autant accès de plein droit. Le DERP mentionne également : « [Les journaux] peuvent refuser de publier certaines lettres, à condition que leur refus ne soit pas motivé par un parti pris, une inimité ou encore par le désir de taire une information d’intérêt public qui serait contraire au point de vue éditorial ou nuirait à certains intérêts particuliers.» (p. 38)
Le Conseil juge que le mis en cause ne pouvait invoquer l’examen d’une autre plainte sur le sujet pour justifier le refus de publier la lettre d’opinion du plaignant. Le Conseil rappelle que la décision de publier ou non une lettre d’opinion doit être basée sur des motifs journalistiques. Ainsi, malgré les procédures qui étaient en cours au Conseil de presse au moment de l’envoi de la lettre du plaignant, le mis en cause devait respecter son obligation de faciliter l’accès de ses pages à ses lecteurs.
Au vu de ce qui précède, le grief de refus de publier une lettre d’opinion est retenu.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Jacques Bois contre le journaliste Michel Chassé et l’hebdomadaire L’Oie Blanche concernant le grief de refus de publier une lettre d’opinion. Cependant, le Conseil rejette les griefs d’informations inexactes, d’informations incomplètes, de refus de rétractation, de partialité et de refus de couverture.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
Mme Audrey Murray
Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentants des journalistes :
Mme Caroline Belley
M. Luc Tremblay
Représentant des entreprises de presse :
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C08F Tribune réservée aux lecteurs
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
- C13A Partialité
- C19A Absence/refus de rectification