Plaignant
Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador et M. Ghislain Picard, chef de l’APNQL
Mis en cause
MM. Samuel Auger, journaliste et Pierre-Paul Noreau, éditeur adjoint et le quotidien Le Soleil
Résumé de la plainte
M. Ghislain Picard, au nom de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), dépose une plainte le 15 décembre 2014 contre le journaliste Samuel Auger et le quotidien Le Soleil, concernant l’article « Le “cul-de-sac démentiel” des réserves », publié le 15 décembre 2014. Le plaignant dénonce des propos entretenant des préjugés.
L’article propose une entrevue avec M. Michel Lemieux, auteur de l’essai « Le cul-de-sac des Amérindiens du Québec ». Celui-ci y expose une partie des arguments soutenant sa thèse et l’article se termine par une série d’extraits tirés de son essai.
Analyse
Grief 1 : propos entretenant des préjugés
L’APNQL estime que la mise en exergue, dans l’article, de sept extraits de l’essai renforce des préjugés et contribue « à détériorer les relations entre les Premières Nations et leurs concitoyens ».
Les extraits en cause sont :
– « Ce qui est en cause ici, c’est l’inclusion dans notre société d’un groupe social que ses élites tiennent à exclure et à ghettoïser dans un apartheid fondé sur la race et le sang. »
– « La pitié est notre premier réflexe mais cela ne conduit à rien de concret. »
– « En d’autres mots, les Amérindiens n’y sont pour rien dans ces immenses malheurs collectifs. Ils ne seraient que de pauvres victimes dépendantes des agissements des méchants “Blancs”… Vraiment? »
– « Les leaders amérindiens nous connaissent et savent exploiter à merveille cette fibre de culpabilité si facile à faire ressortir chez les Québécois, peut-être un reste de notre vieux fond religieux […] ils cultivent en permanence le sentiment chez les “Blancs” d’être des voleurs de terres, des spoliateurs. »
– « J’ai entendu des fonctionnaires, bien au fait des coulisses des redevances amérindiennes, exprimer l’idée que, dans le futur, une crise profonde des finances publiques aurait au moins comme effet bénéfique d’obliger les politiciens à couper ce gras juteux et abondant qui contribue à saigner nos finances publiques. Pourquoi ne pas le faire avant? »
– « Les politiciens, qui s’écrasent systématiquement devant toute demande amérindienne, semblent s’écraser encore plus profondément lorsqu’il est question des Mohawks criminalisés. Ils ont carrément peur. »
– « Nous tolérons ici-même, au Québec, des paradis fiscaux autrement plus pernicieux : les réserves amérindiennes, où les habitants ne paient aucune taxe, non pas par des manœuvres comptables illégales mais par des dispositions tout ce qu’il y a de plus légales, dans l’indifférence, l’ignorance ou l’acceptation générale. »
Me Patrick Bourbeau, du bureau des affaires juridiques du quotidien Le Soleil, soutient qu’il était d’intérêt public de rapporter les réflexions de l’auteur « au sujet d’une institution telle que les réserves amérindiennes au Québec ». Il observe que dès le début de l’article, le journaliste prévient les lecteurs qu’il s’agit des opinions de l’auteur de l’essai et que celles-ci sont controversées. Selon Me Bourbeau, la mise en exergue de certains extraits de l’essai permet aux lecteurs d’évaluer si les propos de l’auteur sont « très provocateur », tel qu’il le soutient. Me Bourbeau fait également valoir que le jour de la publication de l’article une journaliste a tenté, sans succès, d’obtenir les réactions de M. Picard, chef de l’APNQL. Le lendemain de la publication, Le Soleil a publié un article rapportant les réactions de M. Konrad Sioui, grand chef de la nation huronne-wendat.
Le guide de déontologie du Conseil de presse, Droits et responsabilités de la presse (DERP), mentionne que « les médias sont responsables de tout ce qu’ils publient ». (p. 22) Il rappelle également : « Les médias et les professionnels de l’information doivent éviter de cultiver ou d’entretenir les préjugés. » (p. 41)
Aux yeux du Conseil, on ne saurait voir dans les propos en cause l’expression de préjugés à l’égard des autochtones puisqu’il ne s’agit pas de généralisations visant l’ensemble des Amérindiens. À la lecture des extraits publiée par le média, on constate que ceux-ci mettent en doute le leadership des élites, la gestion des fonds publics et le sentiment de culpabilité des non autochtones, sans véhiculer de préjugés à l’égard des Amérindiens.
Le Conseil rejette le grief de propos entretenant des préjugés.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador contre le journaliste Samuel Auger et le quotidien Le Soleil pour le grief de propos entretenant des préjugés.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
Mme Audrey Murray
Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentants des journalistes :
Mme Caroline Belley
M. Luc Tremblay
Représentant des entreprises de presse :
M. Gilber Paquette
Analyse de la décision
- C18C Préjugés/stéréotypes
Analyse de la décision en appel
- C18C Préjugés/stéréotypes