Plaignant
Mme Marilou Craft
Mis en cause
Mme Sophie Durocher, chroniqueuse et M. Dany Doucet, rédacteur en chef et le site Internet journaldemontreal.com
Résumé de la plainte
Mme Marilou Craft dépose une plainte le 5 janvier 2015 contre la chroniqueuse Sophie Durocher et le site Internet journaldemontreal.com, concernant une chronique publiée le 21 décembre 2014, sous le titre « Le Rideau Vert et le visage noir ». La plaignante dénonce de l’information inexacte, ainsi que la publication de son identité et d’informations privées. Finalement, Mme Craft demande à ce que toute la section la concernant, dans la chronique, soit retirée.
Le site Internet journaldemontreal.com n’a fait parvenir aucune réplique en réponse à la plainte.
La chronique mise en cause revient sur le débat concernant le fait qu’un comédien blanc ait porté du maquillage noir dans une imitation d’un joueur de hockey, P.K. Subban, lors d’un spectacle au Théâtre du Rideau Vert. Cette caricature a été dénoncée par l’organisme Diversité artistique Montréal, plusieurs artistes, des membres de la communauté noire et autres organismes, qui y ont vu un rappel du blackface, cette forme théâtrale caricaturant les personnes noires.
Analyse
Grief 1 : informations inexactes
Mme Marilou Craft reproche à la chroniqueuse de ne pas avoir publié entièrement la lettre qu’elle lui avait fait parvenir, et d’avoir choisi des extraits précis de cette correspondance, rapportant ainsi de l’information inexacte. La plaignante affirme qu’elle n’a jamais écrit dans sa lettre qu’elle « est convaincue que le sketch du Rideau Vert est une référence au blackface, une pratique raciste consistant à se déguiser en noir pour se moquer d’eux. Elle a même écrit au Rideau Vert. » La plaignante soutient que nulle part elle n’a fait un procès d’intention à la production et que sa lettre écrite au metteur en scène de la pièce, Alain Zouvi, mentionnait que « le fait de maquiller un Blanc en Noir risque de toucher une corde sensible au sein de la diversité, une corde sensible dont l’existence est liée au passé de l’Amérique. […] [L]orsque je dis que je vois du blackface en général, cette corde sensible est tirée ». Comme les lecteurs n’ont pu lire la lettre dans son entièreté, il leur est impossible selon la plaignante de se faire une opinion éclairée.
À la lecture des documents qui lui ont été soumis, le Conseil constate que dans la lettre que Mme Craft a transmise au metteur en scène Alain Zouvi, elle écrit entre autres : « Quand je vois du blackface sur scène, j’ai l’impression qu’un Noir n’est pas digne d’être sur scène, mais n’est digne que de moqueries. » Le Conseil estime que l’esprit des lettres de Mme Craft a été respecté et a été rapporté fidèlement par la chroniqueuse. Le Conseil n’y voit donc pas de faute déontologique.
Le grief d’informations inexactes est rejeté sur ce point.
La plaignante soutient également, dans un deuxième temps, qu’il est faux d’affirmer qu’elle est une « lectrice noire ». La plaignante mentionne que dans son échange avec Mme Durocher, il est clairement fait mention qu’elle une « personne de couleur ».
Le Conseil rappelle que lorsque les médias décrivent des personnes par la couleur de leur peau, ils doivent faire preuve de prudence et tenir compte des sensibilités des personnes impliquées. Dans le présent cas, le Conseil estime qu’il s’agirait davantage d’une imprécision que d’une inexactitude, ce qui ne constitue pas une faute déontologique.
Le grief d’informations inexactes est rejeté sur ce point.
Au vu de ce qui précède, le grief d’informations inexactes est rejeté.
Grief 2 : publication de l’identité et d’informations privées
La plaignante soutient n’avoir jamais consenti à ce que son identité ainsi que des extraits de sa lettre soient publiés.
Le Conseil considère que la chroniqueuse pouvait choisir de publier des extraits des échanges ainsi que l’identité de la plaignante considérant que cette dernière s’est adressée à une journaliste, que le sujet était d’intérêt public et non privé et qu’aucune demande de confidentialité n’a été demandée. Bien que la plaignante soit en désaccord avec la publication de ces informations, cela ne constitue pas, dans le présent cas, un manquement à la déontologie journalistique.
Le grief de publication de l’identité et d’informations privées est rejeté.
Grief 3 : refus de retrait d’une section d’un article
La plaignante demande à ce que la section de la chronique la concernant soit retirée.
Le DERP mentionne qu’il « relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs à l’égard de personnes, de groupes ou d’instances mis en cause dans leurs productions journalistiques ». Il rappelle également que « les médias n’ont aucune excuse pour se soustraire à l’obligation de réparer leurs erreurs, que les victimes l’exigent ou non, et ils doivent consacrer aux rétractations et aux rectifications qu’ils publient ou diffusent une forme, un espace, et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses ». (p. 46)
Puisque l’analyse du Conseil n’a pas permis de constater des manquements à la déontologie journalistique, le média n’a aucune obligation à se plier à la demande de la plaignante.
Le grief de refus de retrait d’une section d’un article est rejeté.
Refus de collaborer
Le site Internet journaldemontreal.com n’a pas souhaité répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au site Internet journaldemontreal.com son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte la concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Mme Marilou Craft contre la chroniqueuse Sophie Durocher et Le Journal de Montréal pour les griefs d’informations inexactes, publication d’identité et d’informations privées et de refus de retrait d’une section d’un article.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme le site Internet journaldemontreal.com.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
Mme Audrey Murray
Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentants des journalistes :
Mme Caroline Belley
M. Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
M. Gilber Paquette
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C19A Absence/refus de rectification
- C24A Manque de collaboration