Plaignant
M. Marc-André Bergeron
Mis en cause
M. Andrew McIntosh, journaliste, M.Dany Doucet, rédacteur en chef, le quotidien Le Journal de Montréal et le site journaldemontreal.com
Résumé de la plainte
M. Marc-André Bergeron dépose une plainte le 14 janvier 2015 contre le journaliste Andrew McIntosh, journaliste au Journal de Montréal, au sujet d’un reportage intitulé « Même les espions canadiens ont une probation par le SCRS », publié le 4 janvier 2015. M. Bergeron reproche au journaliste d’avoir commis une atteinte à ses droits à la vie privée, à la sécurité et à l’intégrité, en publiant son adresse personnelle, ainsi qu’une de ses affectations et l’alias qu’il utilisait alors qu’il était à l’emploi du SCRS.
Le Journal de Montréal a refusé de répondre à la présente plainte.
L’article de M. McIntosh rapporte une décision de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui illustre les conditions de probation des agents de renseignements recrutés par le Service canadien de renseignement et de sécurité (SCRS).
Analyse
Grief 1 : atteinte aux droits à la vie privée, à la sûreté et à l’intégrité
M. Bergeron souligne que son adresse personnelle, l’objet des enquêtes qu’il a réalisées pour le SCRS ainsi que l’alias qu’il utilisait sont des informations délicates.
Or, l’adresse personnelle du plaignant apparaissait sur la lettre de licenciement publiée aux côtés du reportage. M. Bergeron est d’avis que le journaliste aurait dû caviarder son adresse sur ce document.
Le reportage mentionnait également l’alias de M. Bergeron, ainsi qu’une affectation que le SCRS lui avait confiée pendant sa période de probation.
Le plaignant estime que la publication de ces informations porte atteinte à son droit à la vie privée, à sa sécurité et à son intégrité, ainsi qu’à ceux de sa famille, car les éléments publiés permettent d’identifier clairement l’ex-agent du SCRS. Selon M. Bergeron, ces informations ne sont pas d’intérêt public.
Le plaignant ajoute que l’article a été publié sur diverses plateformes et est accessible aux internautes partout dans le monde.
Dans une correspondance avec M. Bergeron, M. Andrew McIntosh fait valoir que l’adresse du plaignant ainsi que d’autres détails étaient dans un dossier de cour qui était public. Il souligne également que d’autres articles ont fait état des démarches judiciaires du plaignant, dans les quotidiens Globe and Mail et La Presse.
Dans son guide Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil stipule que « l’information livrée par les médias fait nécessairement l’objet de choix. Ces choix doivent être faits dans un esprit d’équité et de justice ». (p. 22)
On peut également y lire que « lorsque des faits, des événements et des situations mettent en cause la vie privée de personnes, la presse doit bien soupeser et mettre en équilibre son devoir d’informer et le respect des droits de la personne ». (p. 42)
Le Conseil constate, d’une part, que les informations visées par le plaignant étaient effectivement accessibles au public, au moment de la publication du reportage, dans un dossier de la Cour fédérale, qui avait rendu une décision en 2013. Le Conseil constate également que des informations au sujet des affectations de M. Bergeron, du temps qu’il était à l’emploi du SCRS, avaient été publiées dans le quotidien La Presse, en 2013.
D’autre part, le Conseil estime que ce n’est pas parce qu’une information est accessible au public qu’elle doit être publiée dans un média de masse, la rendant ainsi disponible au grand nombre. La nature particulièrement sensible du travail que menait le plaignant devait être prise en compte.
Bien qu’il estime que le sujet du reportage, en soi, était d’intérêt public, le Conseil juge que la publication de l’adresse personnelle de M. Bergeron et de son alias n’était pas pertinente, en ce qu’elle n’ajoute rien à la compréhension du public, et qu’elle porte atteinte au droit à la sécurité et à la vie privée du plaignant.
Le Conseil juge toutefois qu’il n’était pas fautif de mentionner certains détails relatifs aux affectations du plaignant, puisque ces informations permettent au public de saisir la portée des responsabilités qui lui ont été confiées par le SCRS, avant son renvoi.
Au vu de ce qui précède, le grief d’atteinte aux droits à la vie privée, à la sécurité et à l’intégrité est retenu pour la publication de l’adresse et de l’alias du plaignant.
Refus de collaborer
Le Journal de Montréal a refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Journal de Montréal son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte le concernant
Décision
Au vu de tout ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Marc-André Bergeron et blâme M. Andrew McIntosh et Le Journal de Montréal, pour le grief d’atteinte aux droits à la vie privée, la sécurité et à l’intégrité.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme Le Journal de Montréal.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- M. Adélard Guillemette
- Mme Micheline Rondeau-Parent
- Mme Jackie Tremblay
Représentants des journalistes :
- M. Marc-André Sabourin
- M. Jonathan Trudel
Représentants des entreprises de presse :
- M. Pierre-Paul Noreau
- M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C16C Publication de l’adresse/téléphone
- C17G Atteinte à l’image
- C24A Manque de collaboration