Plaignant
Mme Marie-Josée Savard
Mis en cause
Mme Chantal Lacroix, animatrice, l’émission « On efface et on recommence », Les Productions Kenya et Canal Vie
Résumé de la plainte
Mme Marie-Josée Savard dépose une plainte le 3 février 2015 contre l’animatrice Mme Chantal Lacroix, Les Productions Kenya et Canal Vie, concernant deux épisodes, de l’émission « On efface et on recommence », diffusés les 28 novembre et 5 décembre 2014. La plaignante dénonce une information inexacte et un manque d’équilibre.
Dans le cadre d’une émission visant à transformer le « chantier cauchemardesque d’une maison en réno de rêve », une résidence présentant différents problèmes est démolie, puis rebâtie. La plaignante est l’ancienne propriétaire de la maison en question.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
Par la voix de son avocat, Me Michel Bélanger, la plaignante reproche à l’animatrice et aux Productions Kenya d’avoir prétendu que les acheteurs ont été victimes de vices cachés. Me Bélanger fait valoir que l’animatrice n’explique pas pourquoi les problèmes de la maison constituent des vices cachés.
Me Bélanger avance qu’il est inexact de parler de vices cachés puisque « la quasi-totalité des vices allégués avait été dûment dénoncée par écrit et verbalement aux acheteurs préalablement à l’acquisition de la propriété, mais ces derniers ont négligé de prendre les mesures élémentaires qui s’imposaient tant et si bien que les dommages se sont amplifiés ».
Les mis en cause estiment que l’émission présentait de « l’information adéquate ». Ils soulignent à cet égard qu’un segment de l’émission présente les commentaires d’un avocat spécialisé en droit immobilier.
Dans son commentaire, Me Bélanger note que l’émission a choisi « d’aborder le dossier comme en étant un de vice caché, et ce, en toute connaissance du fait qu’aucune décision de cour n’avait confirmé les allégations des acheteurs ».
Dans son guide de déontologie, Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil rappelle : « Quel que soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité. » (p. 26)
Les recherches du Conseil ont permis de constater qu’au sens strict, l’expression « vice caché » peut être utilisée lorsqu’un vice est déclaré tel par un tribunal ou par un règlement entre les parties. L’utilisation de cette expression implique nécessairement la responsabilité légale du vendeur. Ainsi, un vice n’est pas jugé « caché », par exemple, s’il a été dévoilé par le vendeur ou s’il a été constaté par l’acheteur ou par un expert inspecteur avant l’achat final de l’immeuble.
Le Conseil juge que, dans le cas présent, l’utilisation de l’adjectif « caché » pour qualifier les vices affligeant la maison en question constituait une inexactitude puisqu’aucun jugement de cour ni aucune entente entre les parties ne statuent en ce sens. Plusieurs éléments d’information portés à l’attention des mis en cause (dans la déclaration de la vendeuse et dans le rapport de l’inspecteur) mettaient en doute la version des nouveaux propriétaires. Or, les mis en cause ont diffusé de nombreux témoignages des acheteurs et d’experts reprenant l’expression « vices cachés » et toute la trame narrative de l’émission présente les nouveaux propriétaires comme des victimes de vices cachés. En diffusant ainsi, sans vérifier, les allégations très sérieuses des nouveaux propriétaires, les mis en cause ont manqué de prudence, et surtout, ont manqué à leur obligation de vérifier ces informations. Le Conseil rappelle que les producteurs et les diffuseurs ont la responsabilité de tout ce qu’ils diffusent.
Le grief pour information inexacte est retenu.
Grief 2 : manque d’équilibre
L’avocat de la plaignante, Me Michel Bélanger, déplore que le point de vue de sa cliente n’ait pas été présenté. Il constate que l’animatrice a retenu uniquement la version des nouveaux propriétaires alors que la mise en demeure envoyée aux Productions Kenya présentait la version de la plaignante.
Les mis en cause estiment que le producteur n’avait pas à présenter le point de vue de la plaignante puisqu’il ne s’agit pas d’une émission d’information, d’enquête ou d’affaires publiques, mais d’une émission qu’ils qualifient de « docu-fiction ». Ils ajoutent que l’émission ne portait pas sur « les formalités entourant l’achat et la vente d’immeubles résidentiels ».
Canal Vie soutient que les lettres envoyées à la maison de production après la publication d’articles dans l’hebdomadaire local ont été prises au sérieux. Les producteurs « se sont assurés de faire revoir le contenu de l’émission par leur propre avocat pour éviter toute situation inadéquate ».
Le guide de déontologie du Conseil stipule que : « Dans les cas où une nouvelle ou un reportage traite de situations ou de questions controversées, ou de conflits entre des parties, de quelque nature qu’ils soient, un traitement équilibré doit être accordé aux éléments et aux parties en opposition. » (DERP, p. 26)
Les émissions font clairement état de l’existence d’un conflit entre la plaignante et les nouveaux propriétaires. Ces derniers indiquent d’ailleurs avoir entrepris des démarches juridiques qu’ils ont dû laisser tomber pour des raisons financières.
Le Conseil estime que les mis en cause n’ont pas respecté leur devoir d’équilibre alors qu’ils traitaient d’un conflit entre deux parties. Alors que les mis en cause ont amplement donné la parole aux nouveaux propriétaires, qui ont eux-mêmes affirmé à plusieurs reprises que les vices affectant leur maison étaient cachés, en plus de mentionner leurs démêlés judiciaires avec la plaignante, la version de celle-ci est totalement absente de l’émission. Il était de leur responsabilité de présenter également la version des faits de la plaignante.
Le grief de manque d’équilibre est retenu.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Mme Marie-Josée Savard et blâme l’animatrice Chantal Lacroix, Les Productions Kenya et Canal Vie pour les griefs d’information inexacte et de manque d’équilibre.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- Mme Micheline Rondeau-Parent
- M. Adélard Guillemette
- Mme Jackie Tremblay
Représentants des journalistes :
- M. Vincent Larouche
- M. Marc-André Sabourin
Représentant des entreprises de presse :
- M. Pierre-Paul Noreau
- M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre