Plaignant
M. Daniel Rolland
Mis en cause
M. Stéphane Maestro, éditeur et le site Internet LaMetropole.com
Résumé de la plainte
M. Daniel Rolland dépose une plainte le 9 mars 2015 contre l’éditeur Stéphane Maestro et le site Internet LaMetropole.com. Le plaignant dénonce une information inexacte dans l’article « Le français minoritaire à Montréal? », ainsi que le retrait de sa signature et d’une vidéo qu’il aurait produite, ce qui porterait atteinte au droit du public à l’information.
Le plaignant tenait un blogue sur le site Internet LaMetropole.com. Sa plainte porte sur différents faits survenus après sa démission.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
Le plaignant estime que l’éditeur a publié une information inexacte en affirmant que des problèmes de santé avaient conduit à son départ du journal. M. Rolland soutient qu’il a plutôt quitté l’entreprise en raison d’un conflit personnel avec l’éditeur concernant les orientations du journal et du site Internet LaMetropole.com.
Dans sa réplique, M. Maestro indique que les relations avec le plaignant étaient tendues et que celui-ci a démissionné.
Dans son guide de déontologie, Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil de presse du Québec rappelle que les journalistes d’opinion « peuvent dénoncer avec vigueur les idées et les actions qu’ils réprouvent, porter des jugements en toute liberté, [mais que] rien ne les autorise cependant à cacher ou à altérer des faits pour justifier l’interprétation qu’ils en tirent ». (p. 28)
Aux yeux du Conseil, le plaignant ne fait pas la preuve que les problèmes de santé dont il fait lui-même état, en privé comme en public, n’ont pas conduit à sa démission. En effet, dans un courriel envoyé à l’éditeur, où il annonce sa démission, ainsi que dans un communiqué qu’il a lui-même publié, le plaignant indique que la fréquentation de l’éditeur et l’état d’esprit régnant à la rédaction affectent sa « santé ».
En conséquence, le grief d’information inexacte est rejeté.
Grief 2 : retrait de signature
Le plaignant déplore qu’à la suite de sa démission, l’éditeur ait retiré sa signature et modifié l’en-tête de son blogue. Il indique que l’éditeur a remplacé l’image l’identifiant et a remplacé son nom par « La Métropole ». À la suite des demandes du plaignant, l’éditeur a modifié de nouveau la signature des articles, cette fois en indiquant : « LaMetropole.com – D.Rolland ». Le plaignant note cependant que les « manipulations de l’éditeur sur le web font en sorte » que « toute paternité journalistique » a disparu sur les moteurs de recherche. Ainsi, une recherche menée sur Google, par exemple, mène à une version de l’article différente – c’est-à-dire sans aucune signature – de celle à laquelle on accède en naviguant directement sur le site web de LaMetropole.com. Le plaignant souhaite que ses billets de blogue retrouvent leur en-tête d’origine (titre du blogue, caricature en guise de photo et nom complet).
Le mis en cause reconnaît avoir retiré du site Internet les textes, le nom et la photo du plaignant et affirme avoir remis, après un certain temps, les textes en ligne sous une nouvelle signature, « D.Rolland », mais sans photo du plaignant.
Dans son commentaire, le plaignant indique que ses billets de blogue indexés sur les moteurs de recherche ne portent que la mention « par », et sont sans signature.
Le DERP prévoit que « [l]es journalistes sont libres de signer ou non les textes ou les reportages qu’ils produisent » (p. 30), mais ne formule aucune obligation, pour les médias, d’inclure la signature d’un journaliste.
Dans sa jurisprudence (c.f. D2008-01-039 [2]) cependant, tout en reconnaissant que la déontologie n’oblige pas formellement les médias et les professionnels de l’information à une signature personnalisée, le Conseil invite les médias à favoriser cette pratique dans un esprit de transparence à l’égard du public.
Pour le Conseil le droit d’un journaliste de signer ses articles entraîne l’obligation de son éditeur de respecter et de conserver la signature du journaliste lorsque ce dernier a décidé d’exercer ainsi sa liberté de signer. De plus, le Conseil estime que le retrait d’une signature déroge au droit du public à l’information ainsi qu’au droit à la mémoire.
Le grief pour retrait de signature est retenu.
Grief 3 : retrait injustifié d’une vidéo et atteinte au droit du public à l’information
Le plaignant déplore que le mis en cause ait retiré du site Internet une entrevue vidéo avec le chef syndical Bernard Gauthier. Il souhaite que la vidéo soit remise en ligne « au bénéfice des chercheurs ».
En vertu du DERP, il relève de la discrétion des médias de choisir le traitement d’un sujet, son moment de publication et les informations diffusées. Ce droit s’accompagne de responsabilités : « Les décisions concernant l’orientation, la programmation, le choix du personnel et les affectations des journalistes relèvent de la direction des salles de rédaction des médias. Elles ne doivent pas avoir comme but, ni comme conséquence, de priver le public d’une information à laquelle il a droit, ou d’empêcher les journalistes d’exercer librement leur métier. Elles seraient assimilables à de la censure ou à des sanctions pour délits d’opinion. » (p. 24)
Les recherches du Conseil ont permis de constater que le texte accompagnant la vidéo est toujours disponible sur le site Internet du média.
Le Conseil considère que, bien qu’elle relève de la prérogative des médias, la politique d’archivage d’un média d’information doit respecter certains principes déontologiques comme l’intérêt public, le droit du public à l’information, l’absence d’autocensure et de discrimination, la diversité des points de vue, etc.
Dans le cas présent, force est de constater que le plaignant n’a pas fait la démonstration que les raisons qui ont motivé le retrait de la vidéo étaient déraisonnables. Dans les circonstances, il est donc impossible d’en arriver à la conclusion que cette application de la politique d’archivage de La Métropole outrepassait les principes déontologiques reconnus en la matière.
En conséquence, le grief de retrait injustifié d’une vidéo et d’atteinte au droit du public à l’information est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Daniel Rolland et blâme l’éditeur, M. Stéphane Maestro, et le site Internet LaMetropole.com pour le grief de retrait de signature. Cependant, il rejette le grief d’information inexacte, de retrait injustifié d’une vidéo et d’atteinte au droit du public à l’information.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentants des journalistes :
- Mme Caroline Belley
- M. Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
- M. Sylvain Poisson
- M. Luc Simard
Analyse de la décision
- C04C Identification de l’auteur
- C07A Entrave à la diffusion/distribution
- C11B Information inexacte