Plaignant
L’Honorable François Rolland, juge en chef, Cour supérieure du Québec
Mis en cause
M. Gilles Duceppe, chroniqueur, M. Dany Doucet, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Montréal, M. Sébastien Ménard, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
L’Honorable François Rolland dépose une plainte le 21 avril 2015 contre M. Gilles Duceppe, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec , concernant deux chroniques publiées les 2 et 6 avril 2015, sous les titres « Honte au Barreau du Québec » et « Le chat est sorti de la toge! » et un texte publié le 10 avril 2015, sous le titre « Réponse au Juge Rolland Des précisions s’imposent ». Le plaignant dénonce de l’information qu’il juge inexacte, ainsi qu’une atteinte à sa réputation et de la diffamation.
Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec ont refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil rappelle que l’atteinte à la réputation et la diffamation ne sont pas considérées comme du ressort de la déontologie journalistique et relèvent plutôt de la sphère judiciaire. Comme le Conseil de presse ne rend pas de décisions à ce titre, le grief n’a pas été traité.
Les chroniques relatent la réaction du juge en chef de la Cour Supérieure, l’Honorable François Rolland, à la suite d’une lettre envoyée par un avocat à une autre juge de la Cour supérieure.
Analyse
Point sur la recevabilité
S’il ne fait aucun doute que le Journal de Montréal doit assumer sa responsabilité à l’égard de tout le contenu journalistique qu’il publie, le Conseil ne peut cependant passer sous silence la question de l’imputabilité déontologique d’un collaborateur comme M. Duceppe, qui était toujours, à l’époque où il a rédigé les chroniques en question, actif sur le plan politique.
Cette question est certainement très complexe. Que M. Duceppe ne se définisse pas luimême comme journaliste ne règle pas l’affaire : des dizaines de chroniqueurs disent ouvertement qu’ils ne se considèrent pas comme tels avec pour corollaire qu’ils échapperaient ainsi à la juridiction du Conseil et jouiraient d’une immunité déontologique.
En effet, puisque la profession de journaliste est totalement dérèglementée, il en appert qu’il n’existe aucun critère objectif qui permet de départager ceux qui seraient journalistes, des autres. Dans les circonstances, plutôt que de chercher à définir qui est journaliste, le Conseil doit donc plutôt chercher à déterminer ce qui constitue un acte journalistique.
Dans les circonstances, pour reprendre une analogie bien de chez nous, on doit reconnaître que M. Duceppe, en « jouant » sur la patinoire du journalisme, c’estàdire en signant régulièrement une chronique dans un média, doit accepter les règles qui s’appliquent à tous ceux qui exercent ce métier, à savoir les règles de déontologie journalistique. De plus, aux yeux des membres du comité, lorsqu’il a rédigé sa chronique contestée, M. Duceppe ne jouait plus de rôle politique officiel comme député ou chef d’un groupe politique, disposant donc de l’indépendance idéologique requise pour poser des actes journalistiques. Le Conseil constate donc que les chroniques signées par M. Duceppe ne sont en rien différentes, sur la forme, de celles signées dans le même journal par n’importe quel autre chroniqueur. Il s’agit, dans tous les cas, de textes d’opinion portant sur des questions d’actualité politique. Du point de vue du public, et de sa protection, il n’y a strictement aucune différence dans la présentation de l’information, et on est donc forcé de conclure que puisque les chroniques de M. Duceppe sont présentées comme des actes journalistiques, on doit les traiter ainsi.
Grief 1 : informations inexactes
L’Honorable François Rolland reproche à M. Duceppe d’avoir publié des informations inexactes dans ses chroniques du 2 et 6 avril 2015, ainsi que dans un texte de précisions publié le 10 avril 2015.
Dans le guide déontologique Droits et responsabilités de la presse ( DERP ), il est mentionné : « Le journalisme d’opinion accorde aux professionnels de l’information une grande latitude dans l’expression de leurs points de vue, commentaires, opinions, prises de position, critiques. » (p. 17) On peut également y lire : « Les éditorialistes et commentateurs doivent être fidèles aux faits et faire preuve de rigueur et d’intégrité intellectuelles dans l’évaluation des événements, des situations et des questions sur lesquels ils expriment leurs points de vue, leurs jugements et leurs critiques ». (p. 28)
1.1 Dépôt de plainte pour demande de traduction
Le juge Rolland souligne qu’il est faux d’affirmer qu’il aurait déposé une plainte contre Me Allali pour avoir demandé une traduction, tel que M. Duceppe l’écrit dans sa chronique du 6 avril : « Nombreux sont ceux qui se demandent quel énergumène avait bien pu porter plainte contre un avocat qui réclamait auprès d’une juge que le jugement qu’elle avait rendu en anglais soit traduit en français. Le chat est finalement sorti de la toge! Il n’y a pas un seul énergumène, il y en a deux. Et ils occupent des postes importants dans notre système judiciaire. Celui qui a déclenché toute l’affaire est le juge en chef de la Cour supérieure François Rolland, qui s’est dit étonné de la teneur et du ton de la demande de l’avocat, Frédéric Allali. Le juge en chef de la Cour supérieure est donc étonné qu’un avocat demande qu’un jugement soit disponible en français au Québec en 2015! ».
Le juge Rolland explique qu’il a fait parvenir une lettre au syndic du Barreau dans laquelle il écrivait : « Je vous fais parvenir copie d’une lettre que j’ai reçue de l’avocat Frédéric Allali dont la teneur et le ton étonnent. Je n’ai aucun autre commentaire à formuler. »
Pour tous les points d’inexactitudes soulevés par le plaignant, M. Duceppe souligne que le Conseil de presse a en sa possession tous les documents pertinents, à savoir le texte de précision qu’il a publié le 10 avril dans le Journal de Montréal .
À la majorité, les membres du comité (5 membres sur 7) ont jugé que M. Duceppe n’avait jamais affirmé que le juge Rolland était l’auteur de la plainte déposée contre Me Allali. Au contraire, M. Duceppe précise dans son texte que « Celui qui a déclenché toute l’affaire est le juge en chef de la Cour supérieure François Rolland, qui s’est dit étonné de la teneur et du ton de la demande de l’avocat, Frédéric Allali », ce qui correspond fidèlement à la réalité. Considérant que la lettre de Me Allali portait sur une demande de traduction, le comité juge, à la majorité, que M. Duceppe n’a pas non plus déformé l’objet de l’intervention du juge Rolland.
Deux membres expriment cependant leur dissidence, jugeant que M. Duceppe laisse clairement entendre que le juge Rolland a luimême déposé une plainte contre Me Allali pour avoir demandé une traduction d’un jugement, ce qui, à proprement parler, est faux. Selon les dissidents, l’erreur du chroniqueur porte autant sur l’auteur de la plainte que sur son objet : d’une part, il serait inexact d’écrire ou de laisser entendre que le juge Rolland a lui-même déposé une plainte contre Me Allali, puisqu’il s’agissait simplement d’une demande d’examen de la lettre envoyée par l’avocat; et d’autre part, les membres dissidents considèrent que l’objet de l’intervention du juge Rolland portait sur le contenu et le ton de la lettre qu’a adressée Me Allali à la juge au dossier, et qui abordait plusieurs éléments, notamment la durée de la délibération de la juge et les circonstances entourant la prise de décision.
Le grief est rejeté sur ce point avec une dissidence.
1.2 Importance du français dans le système judiciaire
Le plaignant soumet qu’il est faux d’affirmer que le système judiciaire et lui-même accordent peu d’importance au français, comme le fait M. Duceppe dans la chronique du 2 avril: «Non,ce n’est pas un poisson d’avril, mais cette juge et les membres du Conseil de discipline du Barreau prennent les Québécois pour des poissons et se comportent en véritables laquais incapables de “soutenir notre langue publique commune”. »
Dans sa chronique du 6 avril, M. Duceppe écrit également : « Ce qui est franchement étonnant, c’est que le juge ne comprenne pas qu’il est anormal que la justice ne soit pas rendue en français au Québec. Il faut s’étonner également que François Rolland occupe d’aussi importantes fonctions en faisant preuve d’aussi peu de jugement. »
Le plaignant souligne que les demandes de traduction de jugement sont habituelles et courantes, que ce soit du français à l’anglais ou de l’anglais au français. En outre, souligne le plaignant, les juges de la Cour et luimême ont toujours reconnu l’importance qu’un jugement soit compris par les parties et la nécessité d’une traduction, le cas échéant. Par ailleurs, ajoute-t-il, à la fin du procès qui concerne la cause de Me Allali, les avocats ont déclaré être d’accord pour que le jugement soit rendu en anglais, langue maternelle de la juge, quitte à ce que la traduction soit disponible plus tard.
À la majorité (5 membres sur 7), les membres du comité des plaintes ont jugé que cette affirmation de M. Duceppe ne s’appuyait pas sur des faits avérés.
Deux membres expriment cependant leur dissidence considérant que M. Duceppe pouvait émettre l’opinion selon laquelle le système judiciaire et le juge Rolland accordent peu d’importance à la place du français.
Le grief est retenu sur ce point avec une dissidence.
1.3 Objet de la plainte du syndic
De l’avis du plaignant, la plainte du syndic « ne portait pas sur la demande de traduction », tel que l’affirme M. Duceppe dans sa chronique du 2 avril, lorsqu’il écrit : « Se peut-il qu’en 2015 un avocat soit convoqué devant le Conseil de discipline du Barreau pour avoir demandé à une juge la traduction d’une décision rendue en anglais au Québec? Peut-on croire que l’avocat Frédéric Allali devra répondre à un chef de “défaut de soutenir l’autorité des tribunaux” pour avoir demandé la traduction en français d’un jugement? »
Le juge Rolland explique que les accusations du syndic ne portaient pas sur la demande de traduction, mais sur les autres propos et insinuations que contenait la lettre de Me Allali.
À la majorité (4 membres sur 7), le comité des plaintes a jugé que le motif invoqué par le syndic pour déposer une plainte contre Me Allali était une demande de traduction d’un jugement.
Trois membres expriment cependant leur dissidence, considérant qu’il était erroné de laisser entendre que le bureau du syndic a déposé des accusations contre Me Allali parce que ce dernier avait demandé une traduction d’un jugement. Ils soutiennent les mêmes arguments que ceux exprimés plus haut, au paragraphe [15].
Le grief est rejeté sur ce point.
1.4 Texte de rectification du 10 avril
Selon le plaignant, M. Duceppe induit le lecteur en erreur lorsqu’il affirme dans son texte de rectification du 10 avril qu’il n’a jamais dit que c’était le juge Rolland qui était l’auteur de la plainte contre Me Allali. Dans le texte de rectification du 10 avril, M. Duceppe écrit : « Dans ma chronique, j’écris que c’est l’adjoint au syndic du Barreau qui a déposé une plainte contre l’avocat. Je n’ai aucunement prétendu que c’était le juge qui avait porté plainte, mais j’aurais dû, par souci de clarté, préciser que le syndic adjoint, Jean-Michel Montbriand, avait déposé la plainte après avoir reçu une lettre du juge au sujet de la demande faite par maître Allali. »
Le juge Rolland considère que ces propos sont contraires à ceux publiés dans la chronique du 6 avril : « Nombreux sont ceux qui se demandent quel énergumène avait bien pu porter plainte contre un avocat qui réclamait auprès d’une juge que le jugement qu’elle avait rendu en anglais soit traduit en français. Le chat est finalement sorti de la toge! Il n’y a pas un seul énergumène, il y en a deux. Et ils occupent des postes importants dans notre système judiciaire. Celui qui a déclenché toute l’affaire est le juge en chef de la Cour supérieure François Rolland, qui s’est dit étonné de la teneur et du ton de la demande de l’avocat, Frédéric Allali. Le juge en chef de la Cour supérieure est donc étonné qu’un avocat demande qu’un jugement soit disponible en français au Québec en 2015! » [les soulignements sont du plaignant]
À la majorité (5 membres sur 7), le comité des plaintes, ayant soutenu au point 2.1 que le juge Rolland a déposé une plainte contre Me Allali, ne peut que réitérer son constat du paragraphe [14].
Deux membres expriment cependant leur dissidence, considérant que le correctif de M. Duceppe ne corrige pas les faits. Ils reprennent les mêmes arguments que ceux développés au paragraphe [15].
Le grief est rejeté sur ce point.
En conséquence, le grief d’informations inexactes est retenu sur un seul point, soit celui de l’importance que le système judiciaire et le juge Rolland accordent au français.
Refus de collaboration
Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec ont refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Journal de Montréal et Le Journal de Québec son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant. Ce reproche ne s’applique pas à M. Duceppe qui a répondu à la plainte.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient à la majorité la plainte du juge François Rolland et blâme le chroniqueur Gilles Duceppe, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec pour le grief d’information inexacte.
Pour leur manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- M. Paul Chénard
- Mme Jackie Tremblay
Représentants des journalistes :
- M. Marc-André Sabourin
- M. Jonathan Trudel
Représentants des entreprises de presse :
- M. Pierre-Paul Noreau
- M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C24A Manque de collaboration
Date de l’appel
13 June 2016
Appelant
M. Gilles Duceppe
Décision en appel
PRÉAMBULE
Lors de l’étude d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.
GRIEFS DE L’APPELANT
L’appelant conteste la décision de première instance relativement à un grief :
- Grief 1 : informations inexactes
- 1.2 Il est faux d’affirmer que le système judiciaire et le juge Rolland accordent peu d’importance au français
Grief 1 : informations inexactes
1.2 Il est faux d’affirmer que le système judiciaire et le juge Rolland accordent peu d’importance au français
M. Duceppe estime que « tout chroniqueur peut émettre une opinion et peut interpréter les faits et en tirer des conclusions qui lui sont propres » et dispose d’une grande latitude pour ce faire. Or, en « soumettant que le système judiciaire et le plaignant accordent peu d’importance à la place du français, j’émettais une opinion », soutient l’appelant, qui ajoute qu’« en aucun temps, je ne me suis appuyé sur des faits inexacts ».
En guise de réplique à l’appel, l’intimé a fait savoir au Conseil qu’il « s’en [remet] au dossier tel que constitué ».
Les membres du comité de première instance ont appliqué les principes relatifs à la publication d’une information exacte, dans le cadre du journalisme d’opinion : « Le journalisme d’opinion accorde aux professionnels de l’information une grande latitude dans l’expression de leurs points de vue, commentaires, opinions, prises de position, critiques. » (DERP, p. 17) De plus, « Les éditorialistes et commentateurs doivent être fidèles aux faits et faire preuve de rigueur et d’intégrité intellectuelles dans l’évaluation des événements, des situations et des questions sur lesquels ils expriment leurs points de vue, leurs jugements et leurs critiques ». (DERP, p. 28)
La majorité (5 membres sur 7) des membres du comité de première instance concluaient, au paragraphe [20], que : « cette affirmation de M. Duceppe ne s’appuyait pas sur des faits avérés » et retenaient donc le grief d’informations inexactes sur ce point.
Deux membres du comité de première instance exprimaient cependant leur dissidence au paragraphe [21] voulant que : « M. Duceppe pouvait émettre l’opinion selon laquelle le système judiciaire et le juge Rolland accordent peu d’importance à la place du français ».
Les membres de la commission d’appel concluent à l’unanimité qu’il convient de modifier cette partie de la décision, estimant que le comité de première instance n’a pas appliqué correctement les principes relatifs à l’exactitude, dans le cadre du journalisme d’opinion.
Ils estiment en effet que l’affirmation de M. Duceppe est strictement de l’ordre de l’opinion, et qu’elle constituait une interprétation possible des faits que l’appelant avait la liberté d’exprimer. Les membres de la commission d’appel renversent conséquemment la décision de première instance en rejetant le grief d’informations inexactes sur ce point.
AUTRES GRIEFS
En analysant le point 1.2 soulevé par l’appelant, les membres de la commission d’appel ont constaté d’autres erreurs significatives dans la décision de première instance, relativement à l’évaluation des faits impliqués dans les autres volets du grief d’informations inexactes.
Grief 1 : informations inexactes
1.1 Dépôt de plainte pour demande de traduction
La majorité (5 membres sur 7) des membres du comité de première instance a conclu, au paragraphe [14], que : « M. Duceppe n’avait jamais affirmé que le juge Rolland était l’auteur de la plainte déposée contre Me Allali. Au contraire, M. Duceppe précise dans son texte que “Celui qui a déclenché toute l’affaire est le juge en chef de la Cour supérieure François Rolland, qui s’est dit étonné de la teneur et du ton de la demande de l’avocat, Frédéric Allali”, ce qui correspond fidèlement à la réalité. Considérant que la lettre de Me Allali portait sur une demande de traduction, le comité juge, à la majorité, que M. Duceppe n’a pas non plus déformé l’objet de l’intervention du juge Rolland. » Le grief d’informations inexactes avait donc été rejeté à la majorité sur ce point.
Deux membres du comité de première instance avaient cependant exprimé leur dissidence, au paragraphe [15], jugeant que : « M. Duceppe laisse clairement entendre que le juge Rolland a lui-même déposé une plainte contre Me Allali pour avoir demandé une traduction d’un jugement, ce qui, à proprement parler, est faux. Selon les dissidents, l’erreur du chroniqueur porte autant sur l’auteur de la plainte que sur son objet : d’une part, il serait inexact d’écrire ou de laisser entendre que le juge Rolland a lui-même déposé une plainte contre Me Allali, puisqu’il s’agissait simplement d’une demande d’examen de la lettre envoyée par l’avocat; et d’autre part, les membres dissidents considèrent que l’objet de l’intervention du juge Rolland portait sur le contenu et le ton de la lettre qu’a adressée Me Allali à la juge au dossier, et qui abordait plusieurs éléments, notamment la durée de la délibération de la juge et les circonstances entourant la prise de décision. »
Les membres de la commission d’appel concluent à l’unanimité que l’affirmation de M. Duceppe est une interprétation erronée des faits, et souscrivent à l’argumentaire exprimé par les membres dissidents du comité de première instance. Ils renversent conséquemment la décision de première instance en retenant le grief d’informations inexactes sur ce point.
1.3 Objet de la plainte du Syndic
Les membres du comité de première instance ont conclu, à la majorité (4 membres sur 7), au paragraphe [25], que M. Duceppe n’avait pas commis de faute en laissant entendre que : « le motif invoqué par le syndic pour déposer une plainte contre Me Allali était une demande de traduction d’un jugement » et ont donc rejeté, à la majorité, le grief d’informations inexactes sur ce point.
Trois membres du comité de première instance ont cependant exprimé leur dissidence, au paragraphe [26], considérant qu’« il était erroné de laisser entendre que le bureau du syndic a déposé des accusations contre Me Allali parce que ce dernier avait demandé une traduction d’un jugement », puisque « l’intervention du juge Rolland portait sur le contenu et le ton de la lettre qu’a adressée Me Allali à la juge au dossier, et qui abordait plusieurs éléments, notamment la durée de la délibération de la juge et les circonstances entourant la prise de décision. »
À l’instar de la dissidence exprimée en première instance, les membres de la commission d’appel concluent à l’unanimité que M. Duceppe a commis une faute d’inexactitude en laissant entendre que le bureau du syndic a déposé des accusations contre Me Allali en raison de la demande de ce dernier d’obtenir une traduction d’un jugement. Conséquemment, les membres de la commission d’appel renversent la décision de première instance en retenant le grief d’informations inexactes sur ce point.
1.4 Texte de rectification du 10 avril
Les membres du comité de première instance ont conclu, à la majorité (5 membres sur 7), au paragraphe [30], que : « le comité des plaintes, ayant soutenu au point [1.1] que le juge Rolland [n’]a [pas] déposé une plainte contre Me Allali, ne peut que réitérer son constat » voulant que « M. Duceppe n’avait jamais affirmé que le juge Rolland était l’auteur de la plainte déposée contre Me Allali. » Le grief d’informations inexactes a donc été rejeté, à la majorité, sur ce point.
Deux membres du comité de première instance ont cependant exprimé leur dissidence, au paragraphe [31], considérant que « le correctif de M. Duceppe ne corrige pas les faits », puisqu’il maintient qu’il n’avait pas prétendu que le juge Rolland avait porté plaine contre Me Allali. Ces membres avaient en effet conclu précédemment que le juge Rolland avait « simplement [formulé] une demande d’examen de la lettre envoyée par l’avocat. »
Les membres de la commission d’appel concluent, à l’unanimité, que l’affirmation de M. Duceppe dans son texte de rectification est inexacte et souscrivent à l’argumentaire des membres dissidents du comité de première instance. Ils renversent conséquemment la décision de première instance en retenant le grief d’informations inexactes sur ce point.
DÉCISION
Après examen, les membres de la commission d’appel ont conclu à l’unanimité de retenir, relativement au grief d’informations inexactes, le point soumis par l’appelant et de renverser par ailleurs tous les autres éléments de la décision rendue en première instance.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, le dossier cité en titre est fermé.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que les décisions de la commission d’appel sont finales. L’article 9.3 s’applique aux décisions de la commission d’appel : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.3)
La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Hélène Deslauriers
- M. Pierre Thibault
Représentants des journalistes :
- M. Claude Beauchamp
- M. Jean Sawyer
Représentant des entreprises de presse :
- M. Pierre Sormany