Plaignant
M. Lincoln Richard
Mis en cause
Mme Geneviève Blais, journaliste, M. André Nadeau, chef de nouvelles, l’hebdomadaire L’Action et le site Internet www.laction.com
Résumé de la plainte
M. Lincoln Richard dépose une plainte le 27 avril 2015 contre la journaliste Geneviève Blais ainsi que l’hebdomadaire L’Action et le site Internet www.laction.com concernant l’article intitulé « La tension grimpe d’un cran à SCB », publié le 8 avril 2015 sur le web et le 12 avril 2015 dans l’édition papier de l’hebdomadaire. La plainte vise également la section « Vous l’avez dit sur www.laction.com » publiée dans l’édition papier du 15 avril 2015. Le plaignant déplore des informations incomplètes, un manque d’équilibre, la publication injustifiée d’une photo et l’absence d’un rectificatif.
L’article rapporte les interventions d’un citoyen, M. Lincoln Richard (le plaignant), candidat défait à la mairie, lors de la période de questions d’une séance du conseil municipal de Saint-Charles-Borromée.
Analyse
Grief 1 : informations incomplètes
Le plaignant estime que la journaliste a omis deux informations dans l’article « La tension grimpe d’un cran à SCB ».
1.1 Réponse de M. Robert Bibeau
Le plaignant estime que la phrase suivante est incomplète : « Le conseiller municipal Robert Bibeau a coupé court aux discussions en affirmant qu’il n’est pas question de changer la politique de calcul actuelle. » Il juge qu’il était d’intérêt public de rapporter de façon complète la réponse du conseiller municipal, qui aurait selon lui affirmé : « C’est une décision du conseil et nous, on a été élus et on a décidé que c’est de cette façon… Peu importe, ce que vous pensez et on a été élu pour les trois prochaines années ça va être comme ça on la changera pas, c’est-tu clair… On vote toute la gang unanimement, pour vous dire, c’est la politique que l’on a, c’est la politique que l’on va garder pour les années qui nous reste et quand tu seras… Tu feras ce que tu voudras… »
De son côté, la journaliste affirme qu’elle a résumé l’intervention de M. Bibeau en une phrase.
Dans ses commentaires, le plaignant estime que la journaliste aurait pu rapporter ainsi la réponse de M. Bibeau : « Le conseiller municipal Robert Bibeau lui a répondu : “Aujourd’hui, c’est nous qui menons et quand tu seras là, tu feras ce que tu voudras.” » Il soutient que cette phrase a la même longueur que celle publiée, mais pas le même impact.
1.2 Réaménagement de la cour d’école
Le plaignant estime que la phrase « M. Lincoln est aussi revenu sur une contribution de 15 000 $ accordée en 2013 pour le réaménagement de la cour de l’école primaire Lorenzo-Gauthier » est incomplète parce que la journaliste ne mentionne pas qu’il avait obtenu, la semaine précédente, les chiffres exacts de la commission scolaire, en vertu de la Loi de l’accès à l’information. Il juge que le montant évoqué dans l’article aurait dû être mis en perspective avec le coût d’achat des jeux (20 000 $). Selon lui, la journaliste aurait dû rapporter sa remarque soulignant que les citoyens payent « assez cher de taxes scolaires et qu’il n’était pas nécessaire de [leur] en faire payer davantage » par le biais des taxes municipales. Ces informations complémentaires auraient évité de le faire passer pour quelqu’un de revanchard revenant sur une histoire datant de 2013, estime le plaignant. Il met en doute l’utilisation du verbe « revenu » et se demande pourquoi la journaliste a spécifié l’année d’octroi de la subvention, notant qu’il n’en a pas fait mention.
La journaliste répond qu’elle n’a pas présenté les détails du dossier de la subvention pour la cour d’école parce que « ce n’était pas le sujet de l’article. »
Dans sa réplique, André Nadeau, chef de nouvelles, souligne que le texte en cause portait sur l’aggravation des tensions entre M. Richard et les membres du conseil municipal de Saint-Charles-Borromée plutôt que sur les questions soulevées par le citoyen. « Dans le passé, nous avons publié des textes sur les dossiers abordés par le plaignant », affirme-t-il.
Le guide des Droits et responsabilités de la presse (DERP) stipule que « Le choix des faits et des événements rapportés, de même que celui des questions d’intérêt public traitées relèvent de la discrétion des directions des salles de nouvelles des organes de presse et des journalistes. » (p. 14) Les journalistes doivent également respecter le principe de la complétude en transmettant « une information qui reflète l’ensemble d’une situation ». (p. 26)
Le Conseil juge que le résumé de la journaliste n’omet pas d’informations nécessaires à la compréhension du dossier par les lecteurs. De plus, le Conseil rappelle qu’il relève de la prérogative des journalistes de faire le choix des faits rapportés.
Le Conseil rejette donc le grief pour informations incomplètes sur les deux points.
Grief 2 : manque d’équilibre
Le plaignant soutient que le média a manqué à son devoir d’équilibre à deux reprises.
2.1 Interview après la période de questions
Dans le cadre de la cueillette d’informations en vue de l’article « La tension grimpe d’un cran à SCB », le plaignant déplore que la journaliste ne l’ait pas interviewé après la période de questions du conseil municipal pour mieux comprendre le pourquoi de ses questions, ce qui aurait créé un déséquilibre selon lui.
La journaliste fait valoir que lors de cette séance du conseil municipal, le plaignant a abordé quatre sujets différents. Selon elle, la nouvelle à rapporter n’était pas les questions soulevées, mais plutôt « l’animosité » de plus en plus perceptible entre les élus et le plaignant.
Le DERP rappelle : « Dans les cas où une nouvelle ou un reportage traite de situations ou de questions controversées, ou de conflits entre des parties, de quelque nature qu’ils soient, un traitement équilibré doit être accordé aux éléments et aux parties en opposition. » (p. 26)
Aux yeux du Conseil, la journaliste n’a pas manqué d’équilibre puisqu’elle rapporte dans son texte le point de vue du plaignant et les réactions des élus, ce qui permet aux lecteurs d’avoir une bonne compréhension du climat régnant ce soir-là au conseil municipal.
Le grief est rejeté sur ce point.
2.2 Publication des lettres des lecteurs
Le plaignant déplore qu’après la publication de l’article mis en cause, l’hebdomadaire ait publié, dans son édition papier du 15 avril 2015, davantage de commentaires faits en ligne par M. Jocelyn Baril et repris dans la section « Vous l’avez dit sur www.laction.com » parce que celui-ci favorisait la position du conseil municipal.
Le chef de nouvelles explique que le plaignant fait référence à une section de l’édition papier du journal regroupant les commentaires d’internautes à des textes publiés sur le site Internet de l’hebdomadaire. Il note qu’en raison du grand nombre de commentaires, une sélection est faite pour la version papier du journal : certains commentaires sont résumés et le choix des textes est fait en retenant ceux qui sont « les plus représentatifs des courants de pensée ». Le chef de nouvelles précise : « Dans le cas présent, nous avons publié en version papier, les premiers commentaires de M. Richard et ceux d’autres internautes, les autres commentaires sur le sujet demeurant exclusivement sur le web. Le reste avait plutôt les apparences d’un échange entre deux personnes. »
Dans ses commentaires, le plaignant fait valoir que M. Baril s’adresse à lui et que les mis en cause ne lui accorde qu’une réplique.
Le Conseil ne constate aucun signe de déséquilibre dans la publication des lettres des lecteurs puisque les commentaires publiés présentent équitablement les points de vue s’opposant dans cette affaire.
Le grief pour manque d’équilibre est rejeté.
Grief 3 : atteinte au droit à l’image
Le plaignant reproche au mis en cause d’avoir publié sa photo sur la première page de l’hebdomadaire, alors qu’il avait mentionné à la journaliste qu’il n’aimerait pas voir sa photo dans L’Action.
La journaliste et le chef des nouvelles font valoir que le plaignant a pris la parole lors d’une assemblée publique et qu’il a été candidat à l’élection municipale, ce qui fait que l’hebdomadaire était donc « dans son droit de publier » sa photo.
Le DERP fait valoir : « La liberté de presse et le droit du public à l’information autorisent les médias et les professionnels de l’information (journalistes, caméramans, photographes, preneurs de son et autres) à prendre et à diffuser les photos, images, commentaires, sons et voix qu’ils jugent d’intérêt public. » (p. 19)
En 2009, le CPQ a rejeté la plainte de citoyens se plaignant d’avoir été filmés lors de réunions du conseil municipal de Brossard. Dans la décision D2008-08-007, le CPQ rappelait que « les séances publiques d’un conseil municipal sont un moment important de la vie démocratique. Un citoyen qui assiste à une telle assemblée publique participe ainsi à la vie démocratique et ne peut prétendre se trouver dans sa sphère privée. »
Le Conseil estime que la publication de la photo du plaignant en une de l’hebdomadaire était justifiée puisque cette photo a été prise lors d’une séance publique d’un conseil municipal durant laquelle le plaignant a activement participé et qu’il y jouait un rôle important.
Le grief pour atteinte au droit à l’image est rejeté.
Grief 4 : absence de rectificatif
Le plaignant déplore qu’aucun rectificatif n’ait été publié à la suite de la demande qu’il a transmise aux mis en cause.
La journaliste explique qu’il n’y a pas eu de suite à la demande de rectification du plaignant parce que les informations présentées dans l’article sont exactes.
Le DERP rappelle : « Il relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs à l’égard de personnes, de groupes ou d’instances mis en cause dans leurs productions journalistiques, que celles-ci relèvent de l’information ou de l’opinion. » (p. 46)
Puisque les mis en cause n’ont commis aucun manquement déontologique, le Conseil juge qu’ils n’avaient donc pas à publier un rectificatif.
Le grief pour absence de rectificatif est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Lincoln Richard contre la journaliste Geneviève Blais, l’hebdomadaire L’Action et le site Internet www.laction.com pour les griefs d’informations incomplètes, manque d’équilibre, atteinte au droit à l’image et absence de rectificatif.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- M. Paul Chénard
- Mme Jackie Tremblay
Représentants des journalistes :
- M. Marc-André Sabourin
- M. Jonathan Trudel
Représentants des entreprises de presse :
- M. Pierre-Paul Noreau
- M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C08F Tribune réservée aux lecteurs
- C12A Manque d’équilibre
- C12B Information incomplète
- C17G Atteinte à l’image
- C19A Absence/refus de rectification