Plaignant
M. Paul-André Beaulieu
Mis en cause
M. Gilles Carignan, directeur de l’information, le quotidien Le Soleil et le site lapresse.ca/le-soleil/
Résumé de la plainte
M. Paul-André Beaulieu dépose une plainte le 6 juillet 2015 contre le quotidien Le Soleil concernant un article intitulé « Un blogueur se fait évincer par la police », publié le 22 janvier 2015. Le plaignant estime que la photographie et la légende sont inappropriées.
L’article rapporte l’intervention policière dont a été l’objet le plaignant alors qu’il voulait assister à une rencontre politique. La photographie accompagnant l’article est tirée du compte Facebook du plaignant, et montre ce dernier, en gros plan, un revolver à la main.
Le plaignant prétend que l’article est diffamatoire et qu’il atteint à sa réputation. Le Conseil rappelle que la diffamation et l’atteinte à la réputation ne sont pas considérées comme du ressort de la déontologie journalistique et relèvent plutôt de la sphère judiciaire.
Analyse
Grief 1 : photographie et légende inappropriées
Le plaignant estime que la photographie et la légende de l’article n’ont aucun lien avec son contenu, enfreignant ainsi l’article 2.1.5 du guide de déontologie du Conseil, Droits et responsabilités de la presse (DERP). Il soutient que la photo, où il apparaît tenant un long revolver tout en affichant un sourire en coin, de même que sa légende (« Le blogueur P.A. Beaulieu est un ardent défenseur des armes à feu et est passionné du tir à la cible ») laissent croire aux lecteurs qu’il s’est présenté armé à une rencontre politique et qu’il est « un danger pour la société ». Le plaignant affirme qu’il s’est rendu à la rencontre politique simplement pour remettre au candidat à la chefferie du Parti québécois une copie d’un jugement arbitral déclarant que son congédiement comme animateur à la station de radio locale était injustifié et sans aucune intention de poser un geste violent.
Un commentaire publié sur Facebook par la journaliste démontre, selon le plaignant, une intention de déformer la réalité. La journaliste écrit : « Une photo drabe de quelqu’un d’assis devant son ordinateur est à éviter, du moins au Soleil, à moins de n’avoir d’autres choix. Il faut user d’un peu plus d’originalité et d’audace. »
Le représentant des mis en cause, Me Patrick Goudreau, rappelle que la liberté de presse et le droit du public à l’information (article 1.2.5 du DERP) « autorisent les médias à choisir et diffuser les photographies qu’ils jugent d’intérêt public et que ceux-ci doivent conserver leur entière liberté rédactionnelle en la matière. » Il estime que la nouvelle dont fait état l’article était d’intérêt public et qu’il était justifié de fournir une photo de la personne au coeur de ce récit. Selon lui, la photo choisie ne déforme pas le sens de la nouvelle. « La photographie, le titre de l’article et le contenu de ce dernier ont tous été publiés en respect des règles édictées dans le guide de déontologie du Conseil de presse », écrit-il. Me Goudreau fait valoir que le plaignant a lui-même publié la photographie en cause sur son compte Facebook. Cette photo était donc, fait-il valoir, « publique et accessible à tous ».
Me Goudreau soutient que les propos suivants du plaignant, rapportés dans l’article, prouvent que la photographie est en lien avec son « caractère public » : « Mais de me faire suivre par eux et de passer pour le pire des bandits, il y a des limites, estime-t-il. C’est vrai que j’ai des armes de poing, mais elles sont enregistrées. Je suis légal. Je suis un brasseux de marde et un baveux, je l’assume. Mais j’ai jamais rien fait d’illégal » (soulignements des mis en cause). Il ajoute que le plaignant confirme dans sa plainte l’exactitude des propos de la journaliste, repris dans la légende, lorsqu’il reconnaît « qu’il pratique le tir à la cible ».
Le guide de déontologie du Conseil de presse, Droits et responsabilités de la presse (DERP) rappelle que « [Les médias et les journalistes] doivent faire preuve de circonspection afin de ne pas juxtaposer illustrations et événements qui n’ont pas de lien direct entre eux et qui risquent ainsi de créer de la confusion sur le véritable sens de l’information transmise. Tout manquement à cet égard est par ailleurs susceptible de causer un préjudice aux personnes ou aux groupes impliqués, lesquels ont droit à ce que leur image ne soit ni altérée ni utilisée de façon dégradante ou infamante. » Concernant les légendes, « [Elles] répondent aux mêmes exigences de fidélité et de rigueur à l’égard des photos et des illustrations qu’elles accompagnent. » (DERP, p. 30)
Selon la majorité des membres du Conseil, la photographie mise en cause est tout à fait reliée au contexte dans lequel a eu lieu l’intervention policière, et permet d’expliquer pourquoi il s’est fait interdire l’accès à une réunion publique, soit sa passion pour les armes et son acrimonie envers le député de la région. Aux yeux du Conseil, établir un lien entre ces différents faits n’était pas abusif et respectait les normes déontologiques en vigueur.
Un membre du comité a exprimé sa dissidence. Selon lui, la photo et la légende suggèrent une interprétation abusive des faits, en amenant le lecteur à croire que le plaignant s’est présenté armé sur les lieux de la réunion. Il considère que la photo est sensationnaliste parce qu’elle exagère la portée des événements.
Le grief de photographie et légende inappropriées est rejeté à la majorité. Un membre exprime sa dissidence et un autre s’abstient.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette, à la majorité, la plainte de M. Paul-André Beaulieu contre le quotidien Le Soleil pour le grief de photographie et légende inappropriées.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- M. Adélard Guillemette
Représentant des journalistes :
- M. Denis Guénette
Représentants des entreprises de presse :
- Mme Maryse Gagnon
- M. Jed Kahane
Analyse de la décision
- C17F Rapprochement tendancieux