Plaignant
Société québécoise de la Trisomie-21 et M. Sylvain Fortin, président
Mis en cause
MM. Mathieu Bock-Côté, chroniqueur et Dany Doucet, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
Au nom de la Société québécoise de la Trisomie-21, son président, M. Sylvain Fortin, dépose une plainte contre le chroniqueur Mathieu Bock-Côté et Le Journal de Montréal, concernant une chronique publiée le 19 juin 2015, sous le titre « Mongol ! ». M. Fortin reproche au chroniqueur des inexactitudes et la publication de propos méprisants et empreints de préjugés.
Le Journal de Montréal a refusé de répondre à la présente plainte.
Dans son texte, le chroniqueur revient sur le fait qu’un animateur de l’émission « La soirée est encore jeune », diffusée sur les ondes de la Société Radio-Canada, a traité les résidants de la Ville de Québec de « mongols ».
Analyse
Grief 1 : inexactitudes
M. Sylvain Fortin reproche au chroniqueur de s’être trompé sur la dénomination sociale de l’organisme. Le plaignant souligne que son organisme a pour nom la « Société québécoise de la Trisomie-21 » et non la « Société de la trisomie-21 ».
Dans son guide de déontologie, Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil mentionne : « Les auteurs de chroniques, de billets et de critiques ne sauraient se soustraire aux exigences de rigueur et d’exactitude. » (p. 28)
Dans le présent cas, le Conseil constate que l’erreur relève davantage d’une imprécision que d’une inexactitude et considère qu’elle ne risquait pas d’induire les lecteurs en erreur.
Le grief d’inexactitudes est rejeté sur ce point.
Dans un deuxième temps, selon le plaignant, il serait faux de dire : (1) que la Société était « très choquée » et (2) que c’est elle qui avait demandé l’interdiction de l’utilisation du mot « mongol », comme le laisse entendre M. Bock-Côté dans son texte, lorsqu’il écrit : « Mais il fallait que l’époque s’en mêle. Et c’est à travers la Société de la trisomie-21 qu’elle a parlé. Elle était très choquée et a décrété une nouvelle règle : il ne faudrait plus dire le mot mongol parce qu’il serait vexant pour les trisomiques. »
Le plaignant souligne qu’il n’en est rien. À son avis, si le chroniqueur avait effectué quelques vérifications auprès de l’organisme, il aurait appris qu’elle n’a jamais été en colère ni irritée et que son but n’était pas de proscrire l’utilisation d’un terme, mais uniquement de rappeler à la mémoire collective que le terme « mongol » pouvait être blessant à l’égard de personnes vivant avec une trisomie-21 et de leur famille.
Le Conseil constate que, pour écrire sa chronique, M. Bock-Côté s’est basé notamment sur un article de M. Hugo Pilon-Larose, publié les 17 et 18 juin 2015, en version imprimée et numérique. L’article relate le fait que de nombreux parents d’enfants vivant avec la Trisomie-21 aient contacté par téléphone la Société québécoise de la Trisomie-21 pour manifester leur colère à la suite de l’utilisation du terme « mongol » par un animateur sur les ondes de Radio-Canada et ensuite par le maire Labeaume. Le Conseil observe également que le plaignant, interviewé par M. Pilon-Larose, affirme lui-même : « Que la radio publique emploie ce terme sur ses ondes, c’est inacceptable ». Compte tenu de ces informations qui n’ont pas été démenties par le plaignant, le Conseil estime que le chroniqueur n’a pas commis de faute d’inexactitude en résumant comme il l’a fait le rôle joué par la Société québécoise de la Trisomie-21 et la teneur de ses interventions dans le débat entourant l’usage du terme « mongol ».
Le grief d’inexactitudes est rejeté sur ces deux points.
En conséquence, le grief d’inexactitudes est rejeté.
Grief 2 : propos méprisants et empreints de préjugés
M. Fortin reproche au chroniqueur d’avoir publié, dans son texte, des propos méprisants et empreints de préjugés à l’égard de la Société québécoise de la Trisomie-21, par la phrase suivante : « Nous fabriquons une société drabe, beige, ennuyante, où les petits flics de tous les camps, ceux qui dégoulinent de vertu et se croient à l’avant-garde de l’humanité, pourront prendre la pose victimaire dès qu’ils le voudront et exiger qu’on multiplie les interdictions linguistiques. Elle est belle notre société libérée. »
De l’avis du plaignant, ces propos ont des airs de règlement de compte plutôt qu’un exercice de protection de l’intérêt public.
Dans son guide de déontologie, le Conseil mentionne : « Les médias et les professionnels de l’information doivent éviter de cultiver ou d’entretenir des préjugés. Ils doivent impérativement éviter d’utiliser, à l’endroit des personnes ou des groupes, des représentations ou des termes qui tendent à soulever la haine et le mépris, à encourager la violence ou encore à heurter la dignité d’une personne ou d’une catégorie de personnes en raison d’un motif discriminatoire. » (DERP, p. 41)
Pour le Conseil, le chroniqueur exprime peut-être une critique sévère, mais les propos relevés par le plaignant ne peuvent être considérés comme une manifestation de mépris envers l’organisme. Le Conseil n’y voit aucune faute professionnelle. En conséquence, le Conseil considère que le chroniqueur a usé de la liberté d’expression dont il dispose, dans les limites raisonnables reconnues au journalisme d’opinion, en s’exprimant sur un sujet qui était au coeur d’un débat public.
Le grief de propos méprisants et empreints de préjugés, dans l’article, est rejeté sur ce point.
Dans un deuxième temps, M. Fortin dénonce l’utilisation du mot « Mongols ! », dans le titre, ce qu’il juge méprisant. Il considère que ce titre n’a pour seul but que de courtiser le public et l’inciter au mépris à l’égard de son organisme.
En regard des titres, le guide de déontologie mentionne : « Les médias et les journalistes doivent respecter l’intégrité et l’authenticité de l’information dans la présentation […]. Ils doivent faire preuve de circonspection afin de ne pas juxtaposer illustrations et événements qui n’ont pas de lien direct entre eux et qui risquent de créer de la confusion sur le véritable sens de l’information transmise. » (DERP, p. 30)
Dans le présent cas, la chronique rapporte « la querelle entourant l’usage du mot “mongol” » dans la sphère médiatique et publique. Le Conseil considère que le titre (« Mongol ! ») n’a d’aucune manière été utilisé pour dénigrer ou mépriser les personnes atteintes de Trisomie-21, mais bien en référence au terme qui a lancé, dans la sphère publique, le débat entourant son utilisation. Traiter de cette question sans utiliser le terme lui-même était pour ainsi dire impossible.
Le grief de propos méprisants et empreints de préjugés, dans le titre, est rejeté sur ce point.
En conséquence, le grief de propos méprisants et empreints de préjugés est rejeté.
Refus de collaborer
Le Journal de Montréal n’a pas souhaité répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Journal de Montréal, son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte la concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Sylvain Fortin et de la Société québécoise de la Trisomie-21 contre le chroniqueur, M. Mathieu Bock-Côté et Le Journal de Montréal pour les griefs d’inexactitudes et de propos méprisants et empreints de préjugés.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme le Journal de Montréal.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- M. Paul Chénard
- Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentants des journalistes :
- M. Denis Guénette
Représentants des entreprises de presse :
- M. Gilber Paquette
- M. Pierre-Paul Noreau
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C18C Préjugés/stéréotypes
- C24A Manque de collaboration