Plaignant
Mme Kristelle Cohen
Mis en cause
Mme Stéphanie Bérubé, journaliste, M. Alexandre Pratt, directeur de l’information et le quotidien La Presse
Résumé de la plainte
Mme Kristelle Cohen dépose une plainte le 15 juillet 2015 contre Mme Stéphanie Bérubé, journaliste, et le quotidien La Presse, relativement à un article paru le même jour et intitulé « Les gras saturés influencent l’humeur ». La plaignante reproche à la journaliste et à La Presse d’avoir publié une information inexacte et incomplète.
L’article de Mme Bérubé fait état des conclusions d’une étude récente, menée par une chercheuse québécoise, démontrant que la consommation de gras saturés a un effet néfaste sur l’humeur. La journaliste commence son article en évoquant les « effets néfastes connus sur la santé cardiovasculaire » de la consommation de gras saturés.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
Mme Cohen estime que Mme Bérubé diffuse une information fausse en affirmant, dans le chapeau de son article : « En plus de ses effets néfastes connus sur la santé cardiovasculaire, la consommation de gras saturés peut avoir un effet négatif sur la motivation » (soulignement du Conseil).
La plaignante fait valoir que « les études scientifiques, certaines d’entre elles très récentes et des méta-analyses, ont conclu qu’il n’y avait encore aucune association démontrée entre les gras saturés et les troubles cardiovasculaires. »
Me Patrick Bourbeau, pour les mis en cause, fait valoir que Santé Canada et la Fondation des maladies du coeur et de l’AVC maintiennent que la consommation de gras saturés augmente le risque de maladies du coeur. Me Bourbeau ajoute que « l’opinion selon laquelle les gras saturés n’auraient aucun effet néfaste sur la santé cardiaque demeure, pour le moment, marginale. »
Dans son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil stipule que : « Quel que soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité. » (DERP, p. 26)
Le Conseil constate que bien qu’il existe des études récentes remettant en question le lien de cause à effet entre la consommation de gras saturés et les maladies cardiovasculaires, des autorités en la matière telles que la Fondation des maladies du coeur et de l’AVC, Santé Canada et l’Institut de cardiologie de Montréal présentent toujours les gras saturés comme néfastes pour la santé cardiovasculaire.
De l’avis des experts consultés par le Conseil ─ Mme Andréanne Tardif, nutritionniste et chargée de projets à la Fondation des maladies du coeur et de l’AVC, ainsi que M. Benoît Lamarche, professeur titulaire de l’École de nutrition de l’Université Laval ─ le débat au sujet des effets des gras saturés n’est pas clos et la recherche scientifique devra se poursuivre afin de clarifier la question.
Ces experts confirment qu’au Canada et ailleurs dans le monde, notamment aux États-Unis et en Europe, les nombreux scientifiques responsables d’établir les recommandations officielles de santé publique maintiennent toujours qu’il faut réduire la consommation de ces gras en raison de leurs effets néfastes pour la santé cardiovasculaire. À titre d’exemple, la Fondation des maladies du coeur et de l’AVC, publiait, aussi récemment qu’à l’automne 2015, une déclaration sur les gras saturés allant dans ce sens.
Dans ce contexte, le Conseil estime que la journaliste n’a pas commis de faute d’inexactitude en affirmant que les gras saturés ont des effets néfastes sur la santé cardiovasculaire, puisqu’elle reflétait ainsi un avis largement partagé dans la communauté scientifique.
Le grief d’inexactitude est donc rejeté.
Grief 2 : information incomplète
Mme Cohen est d’avis que la journaliste aurait dû mentionner l’importante quantité de sucre contenue dans les produits de boulangerie ─ comme les beignes apparaissant sur la photo accompagnant l’article ─, ainsi que l’effet néfaste du sucre sur la santé cardiovasculaire. La plaignante croit également que Mme Bérubé aurait dû présenter les différents types de gras présents dans l’huile, la viande rouge et les produits laitiers.
Dans le guide DERP, il est souligné que : « Le choix des faits et des événements rapportés, de même que celui des questions d’intérêt public traitées, relèvent de la discrétion des directions des salles de nouvelles des organes de presse et des journalistes. » (DERP, p. 11)
Il est également stipulé que : « Les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements. » (DERP, p. 21)
Le Conseil souligne que le sujet de l’article de Mme Bérubé est l’effet sur l’humeur des gras saturés, et non l’effet sur la santé cardiovasculaire des mêmes gras ou l’impact de la consommation de sucre.
Bien que les études mentionnées par la plaignante puissent être pertinentes dans un autre contexte, le Conseil ne les juge pas essentielles à la compréhension du sujet traité par la journaliste, qui ne saurait être blâmée pour avoir omis d’en faire mention.
Le grief pour information incomplète est donc rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Mme Kristelle Cohen contre Mme Stéphanie Bérubé, journaliste et le quotidien La Presse, pour les griefs d’information inexacte et incomplète.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- M. Adélard Guillemette
Représentant des journalistes :
- M. Denis Guénette
Représentants des entreprises de presse :
- Mme Maryse Gagnon
- M. Jed Kahane
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
Date de l’appel
14 December 2016
Appelant
Mme Kristelle Cohen
Décision en appel
Préambule
Lors de l’étude d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.
Griefs de l’appelant
L’appelante conteste la décision de première instance relativement à un grief :
- Grief 1 : information inexacte
Grief 1 : information inexacte
Mme Kristelle Cohen considère que le comité des plaintes a fait erreur en ne jugeant pas inexacte l’affirmation diffusée par la mise en cause selon laquelle les gras saturés auraient des « effets néfastes connus sur la santé cardiovasculaire ».
Elle maintient qu’il existe des études récentes qui remettent en question le lien de cause à effet entre la consommation des gras saturés et les maladies cardiovasculaires, alors que dans les faits, ce n’est pas le lien de cause à effet qui est démenti par ces études, mais bien la corrélation. Par conséquent, et compte tenu des données scientifiques actuelles, Mme Cohen soutient qu’il est éthiquement incorrect de recommander au public de manger moins de gras saturés et de les présenter comme néfastes à la santé cardiovasculaire. Et bien que la journaliste exprime l’avis largement partagé par la communauté scientifique et plusieurs institutions de renom, leur avis ne reflète cependant pas les données scientifiques actuelles qui sont contradictoires et incomplètes et dont on ne peut tirer aucune conclusion définitive.
Les membres de la commission d’appel jugent, à l’instar du comité des plaintes, que malgré la présence de certaines études minoritaires, l’affirmation de la journaliste n’est pas inexacte, considérant l’existence d’un très large consensus dans la communauté scientifique au sujet des effets néfastes des gras saturés sur la santé cardiovasculaire.
Les membres de la commission rejettent l’appel sur le grief d’information inexacte.
Réplique des intimés
Les intimés n’ont soumis aucune réplique à l’appel.
DÉCISION
Après examen, les membres de la commission d’appel ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, l’appel est rejeté et le dossier cité en titre est fermé.
La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :
Représentant du public :
- M. Pierre Thibault
Représentant des journalistes :
- M. Claude Beauchamp
Représentant des entreprises de presse :
- M. Pierre Sormany