Plaignant
M. Gilles Mercier
Mis en cause
M. Serge Fortin, vice-président, information, l’émission « Face à face 2015 » et le Groupe TVA
Résumé de la plainte
M. Gilles Mercier dépose une plainte le 31 août 2015 contre le Groupe TVA, relativement à l’émission « Face à face 2015 », diffusée le 2 octobre 2015 mais dont les modalités ont été annoncées en août 2015. Le plaignant déplore que la chef du Parti vert du Canada, Elizabeth May, n’ait pas été invitée à l’émission présentant un débat entre les chefs du Parti conservateur du Canada, du Parti libéral du Canada, du Nouveau parti démocratique (NPD) et du Bloc québécois. Le plaignant juge que la décision de TVA d’exclure Mme May de ce débat constitue une atteinte au droit du public à l’information, qu’elle est sexiste, et qu’elle a été motivée par les intérêts politiques du propriétaire du média, M. Pierre-Karl Péladeau.
Le Groupe TVA n’a pas répondu à la présente plainte.
Analyse
Grief 1 : atteinte au droit du public à l’information
M. Mercier affirme que la décision de TVA d’écarter Mme May du débat va « à l’encontre des règles en démocratie ».
Dans le préambule de son Guide de déontologie journalistique, le Conseil énonce les considérations suivants :
« c) Attendu que la liberté de presse exige que les médias d’information et les journalistes jouissent d’une liberté éditoriale et donc que les choix relatifs au contenu, à la forme, ainsi qu’au moment de publication ou de diffusion de l’information relèvent de la prérogative des médias d’information et des journalistes;
d) Attendu que le droit du public à l’information est le droit légitime du public d’être informé de ce qui est d’intérêt public; […]
f) Attendu que les journalistes et les médias d’information sont d’abord et avant tout au service du public et que, dans leurs choix ou leur traitement rédactionnels, le droit du public à l’information prime sur toute autre considération.»
Il importe d’abord de rappeler l’abondance de la jurisprudence relative à des cas d’exclusion d’un représentant de parti à un débat électoral diffusé par un média. À ce titre, notons les décisions E. Pélissier c. Radio-Canada et CBC (D1999-04-088), Fédération des coopératives d’habitation intermunicipale du Montréal métropolitain c. RDI (D2005-11-022) et G. Boisbriand, C. Doré et M. Bolduc c. Le Consortium des télédiffuseurs et Groupe TVA (D2012-08-012).
Dans toutes ces décisions, le Conseil de presse a rejeté la plainte en soulignant qu’il est inévitable qu’une sélection des participants aux débats des chefs soit faite, étant donné les contraintes de temps d’antenne auxquelles font face les médias, et qu’il est de leur prérogative de le faire en appliquant une juste pondération de l’importance des partis en présence.
Dans le cas visé par la présente plainte, le Conseil estime que le Groupe TVA a usé à bon droit de cette prérogative, en écartant Mme May du débat.
Le grief d’atteinte au droit du public à l’information est donc rejeté.
Grief 2 : discrimination
M. Mercier estime que la décision d’exclure Mme May du débat « est sexiste ».
Dans son Guide, le Conseil stipule que : « Les journalistes et les médias d’information traitent avec équité les personnes et les groupes qui font l’objet de l’information ou avec lesquels ils sont en interaction. » (art. 17)
Le Conseil constate que le plaignant ne fournit aucune preuve étayant sa prétention à l’effet que la décision d’exclure Mme May ait eu comme motif le sexisme, et ne peut donc conclure à une faute.
Le grief de discrimination est rejeté.
Grief 3 : conflit d’intérêts
Selon le plaignant, « TVA contrevient aux règles journalistiques de base en excluant un parti pancanadien [le Parti vert] et en acceptant un parti régional [le Bloc Québécois] dont l’objectif ultime est fidèle à celui du propriétaire », M. Pierre-Karl Péladeau.
Dans son Guide, le Conseil mentionne que : « Les médias d’information ne laissent, en aucun cas, leurs intérêts commerciaux, politiques, idéologiques ou autres primer sur l’intérêt légitime du public à une information de qualité, ni ne restreignent l’indépendance professionnelle des journalistes. » (art. 6.2)
Le Conseil constate que le plaignant ne fournit aucune preuve démontrant que la décision du Groupe TVA d’exclure Mme May du débat électoral découlait d’un conflit d’intérêts dans lequel se trouvaient les mis en cause étant donné les intérêts politiques de M. Péladeau. Le Conseil ne peut donc conclure à une faute.
Le grief de conflit d’intérêts est rejeté.
Refus de collaborer
Le Groupe TVA n’a pas répondu à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Groupe TVA son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Gilles Mercier contre l’émission « Face à face 2015 » et le Groupe TVA, pour les griefs d’atteinte au droit du public à l’information, discrimination et conflit d’intérêts.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme le Groupe TVA.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- M. Paul Chénard
- Mme Jackie Tremblay
Représentant des journalistes :
- Mme Gabrielle Brassard-Lecours
- M. Jonathan Trudel
Représentants des entreprises de presse :
- M. Jed Kahane
- M. Raymond Tardif