Plaignant
M. Emanuel Guay
Mis en cause
MM. Philippe Teisceira-Lessard et Alexandre Pratt, directeur de l’information, le quotidien La Presse et le site lapresse.ca
Résumé de la plainte
M. Emanuel Guay dépose une plainte le 23 septembre 2015 contre M. Philippe Teisceira-Lessard, journaliste, le quotidien La Presse et le site lapresse.ca relativement à un article publié le même jour et intitulé « L’ASSÉ à court de fonds ». M. Guay reproche à M. Teisceira-Lessard de n’avoir pas respecté une entente de communication intervenue entre lui et le journaliste.
L’article de M. Teisceira-Lessard fait état de la situation financière difficile vécue par l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), comme l’indique un courriel envoyé par le secrétaire aux finances de l’Association à ses membre
Analyse
Grief 1 : non-respect d’une entente de communication
M. Guay affirme que lors d’une discussion téléphonique, il aurait demandé formellement à M. Teisceira-Lessard de ne pas le citer, puisqu’il n’était pas autorisé à s’exprimer à titre de porte-parole de l’ASSÉ. Selon le plaignant, il était clair que cette demande impliquait que le journaliste ne pouvait citer ses propos.
Après avoir mentionné à M. Teisceira-Lessard qu’il devait s’adresser à la porte-parole de l’ASSÉ, Mme Fazazi, M. Guay considérait l’échange avec le journaliste comme un entretien préliminaire qui ne serait pas utilisé pour publication. Or, les propos du plaignant ont été rapportés dans l’article.
Me Patrick Bourbeau, pour les mis en cause, résume sa version des faits : M. Teisceira-Lessard a composé le numéro de téléphone de l’ASSÉ réservé aux médias; le plaignant, qui a répondu, s’est identifié comme un attaché de presse de l’ASSÉ; vers la fin de l’entretien, le journaliste a demandé au plaignant de s’identifier et c’est à ce moment que ce dernier lui aurait demandé de ne pas être cité; la porte-parole, Mme Fazazi, qui devait répondre aux questions de M. Teisceira-Lessard n’a pas rappelé ce dernier.
Selon Me Bourbeau, « la demande de “ne pas être cité” devait être interprétée comme étant une demande de ne pas identifier M. Guay (de ne pas lui attribuer les propos qu’il venait de tenir), surtout dans la mesure où la demande a été formulée après que M. Teisceira-Lessard lui eut demandé de lui rappeler son nom ».
Dans son Guide de déontologie journalistique, le Conseil stipule que : « Les journalistes tentent par tous les moyens à leur disposition de respecter les ententes de communication avec une source (confidentialité, off the record, non-attribution, embargo, etc.) pour lesquelles ils ont donné leur accord explicite, sauf si la source les a volontairement trompés. » (Guide, art. 13 ─ Ententes de communication avec une source (1))
Le Conseil constate que les mis en cause, comme le plaignant, reconnaissent qu’il y a eu entente entre M. Guay et M. Teisceira-Lessard lors d’une conversation téléphonique. Il semble toutefois, à la lumière des versions des deux parties, qu’il y a désaccord quant à l’objet de cette entente.
En effet, le plaignant estime que le fait de demander à ne pas être cité impliquait que le journaliste ne pouvait citer ses propos. Le journaliste a plutôt interprété cette demande comme une interdiction d’attribuer ces propos à M. Guay et de nommer ce dernier dans son article.
Le Conseil observe que M. Guay n’est pas nommé dans l’article et qu’ainsi, le journaliste a respecté l’entente telle qu’il l’avait interprétée. La question est donc d’établir s’il était raisonnable d’interpréter la demande du plaignant comme une simple interdiction de lui attribuer ses propos en le nommant, plutôt qu’une interdiction d’utiliser ces propos dans son article.
L’expression « citer une source » est couramment utilisée, dans le monde académique, comme le fait d’identifier, selon les règles établies, l’auteur d’une étude, d’une référence ou de tout ouvrage dans une bibliographie.
De même le Conseil observe que cette expression est également utilisée dans des ouvrages traitant de la pratique journalistique dans le sens de nommer la personne ou la source à l’origine d’un renseignement ou d’une information.
Étant donné le sens courant et répandu de l’expression « citer une source », le Conseil est d’avis qu’il était raisonnable d’interpréter la demande de M. Guay comme une interdiction de lui attribuer ses propos en le nommant. En ce sens, le journaliste n’a pas commis de faute, puisqu’il a respecté l’entente de communication qui le liait au plaignant.
Le grief de non-respect d’une entente de communication est conséquemment rejeté.
COMMENTAIRE ÉTHIQUE
Le Conseil tient cependant à souligner l’importance, pour les journalistes, de clarifier l’objet d’une entente de communication qu’ils concluent avec une source, notamment quand il s’agit de citer ou non une personne ou les propos qu’elle tient. Dans le cas présent, il aurait été souhaitable que le journaliste clarifie l’objet de l’entente avec M. Guay.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Emanuel Guay contre M. Philippe Teisceira-Lessard, le quotidien La Presse et le site lapresse.ca, pour le grief de non-respect d’une entente de communication. Le Conseil émet cependant un commentaire éthique à l’effet qu’il aurait été souhaitable que M. Teisceira-Lessard clarifie l’objet de l’entente de communication avec le plaignant.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- M. Adélard Guillemette
Représentant des journalistes :
- M. Denis Guénette
Représentants des entreprises de presse :
- Mme Maryse Gagnon
- M. Jed Kahane
Analyse de la décision
- C03B Sources d’information