Plaignant
M. Pierre Trudel
Mis en cause
MM. Nicolas Bérubé, journaliste et Alexandre Pratt, directeur de l’information et le quotidien La Presse
Résumé de la plainte
M. Pierre Trudel dépose une plainte le 6 octobre 2015 contre M. Nicolas Bérubé, journaliste, et le quotidien La Presse, relativement à deux articles parus le 28 septembre 2015 et intitulés « Le mythe du “fardeau” » et « Les pertes d’emploi massives sont introuvables ». Le plaignant reproche au journaliste et à La Presse une information incomplète et un titre inexact.
Le dossier de M. Bérubé, composé des deux articles visés et de tableaux, met en lumière l’existence d’études démontrant l’impact économique positif de la présence de réfugiés. L’article principal effectue un survol de cette partie de la littérature économique, alors que le second article est une entrevue avec un des chercheurs cités dans le premier texte.
Analyse
Grief 1 : information incomplète et titre inexact
M. Trudel fait valoir que la littérature économique regorge d’études qui défendent des conclusions contraires à celles présentées dans les articles et que M. Bérubé aurait dû en faire mention. Il cite entre autres une étude réalisée en 2011 par l’Institut Fraser selon laquelle l’immigration représente un fardeau, sur le plan fiscal, pour le Canada.
Par ailleurs, M. Trudel fait valoir qu’afin d’établir le véritable impact économique de l’immigration syrienne, le journaliste aurait dû se référer à des statistiques européennes portant sur l’impact économique de l’immigration musulmane. « Le chômage des communautés musulmanes est une réalité partout en Europe. L’on pourrait débattre des raisons mais le fait demeure que cette situation est un fardeau pour l’économie du pays. » (sic)
Dans ce contexte, le plaignant soutient que l’utilisation du mot « mythe » dans le titre « Le mythe du “fardeau” » est trompeuse et ne reflète pas la réalité.
M. Bérubé explique qu’il a choisi d’explorer « l’idée souvent véhiculée que les réfugiés utilisent des services publics coûteux, font grimper le taux de chômage ou provoquent des pertes d’emploi chez la population autochtone tout en participant marginalement ─ voire pas du tout ─ au bien-être de la société ».
M. Bérubé se défend d’avoir passé sous silence les aspects négatifs de l’accueil de réfugiés. Ainsi, la première phrase de l’article « Le mythe du “fardeau” » en fait mention : « Le processus d’accueil, d’hébergement et d’intégration des réfugiés est vu, avec raison, comme une étape coûteuse pour les gouvernements et les pays hôtes. »
Quant à l’immigration musulmane, M. Bérubé note qu’il a abordé, dans ses deux articles, le cas des réfugiés bosniaques, majoritairement musulmans, au Danemark. Il ajoute que les données canadiennes qu’il cite intègrent un grand nombre de musulmans.
Le journaliste estime que le titre “Le mythe du “fardeau” » des réfugiés n’est pas trompeur, puisqu’il reflète les conclusions à long terme d’experts, c’est-à-dire après 5, 10 ou 15 ans, tel que cela est précisé à plusieurs reprises dans les articles.
Dans son Guide de déontologie journalistique, le Conseil stipule que : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité; e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (Guide, art. 9, ─ Qualité de l’information a), e))
Le Conseil a constaté, en survolant la littérature sur le sujet, que la question de l’impact économique de l’immigration est complexe et fait l’objet de débats polarisés depuis des décennies dans le milieu des économistes. Les conclusions des études sur le sujet diffèrent selon les variables prises en compte, l’intervalle de temps étudié et les hypothèses de départ, notamment.
Le journaliste présente, dans la première phrase du chapeau de l’article principal l’angle qu’il a choisi, soit de résumer les conclusions de certaines études qui démontrent l’impact positif de l’accueil de réfugiés : « Un “fardeau”, les réfugiés? Au contraire : ils dopent la croissance économique, selon de nombreuses études indépendantes… »
On doit également remarquer que M. Bérubé n’occulte pas pour autant l’existence d’impacts négatifs liés à l’accueil de réfugiés, en écrivant : « Le processus d’accueil, d’hébergement et d’intégration des réfugiés est vu, avec raison, comme une étape coûteuse pour les gouvernements et les pays hôtes. » Aux yeux du Conseil, le journaliste fournit ainsi un contexte suffisant pour la compréhension du sujet.
M. Bérubé disposait par ailleurs de la liberté éditoriale de présenter aux lecteurs certaines études qui jetaient un éclairage différent sur la question des réfugiés, sans nécessairement avoir à faire état de l’ensemble de la littérature scientifique portant sur ce sujet.
Pour ces raisons, le Conseil juge que le journaliste n’a pas commis de faute d’incomplétude.
Quant au titre « Le mythe du “fardeau” », le Conseil estime qu’il reflète le contenu de l’article et des études citées et qu’en ce sens, il n’est pas inexact.
Le grief d’information incomplète et titre inexact est donc rejet
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Pierre Trudel contre M. Nicolas Bérubé, journaliste et le quotidien La Presse, pour le grief d’information incomplète et titre inexact.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- M. Adélard Guillemette
Représentant des journalistes :
- M. Denis Guénette
Représentants des entreprises de presse :
- Mme Maryse Gagnon
- M. Jed Kahane
Analyse de la décision
- C11F Titre/présentation de l’information
- C12B Information incomplète