Plaignant
M. Martin Teoli
Mis en cause
Mme Judith Plamondon, journaliste, M. Dany Doucet, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
M. Martin Teoli dépose une plainte le 23 novembre 2015 contre la journaliste Judith Plamondon et le quotidien Le Journal de Montréal concernant un article intitulé « Le déneigeur qui a floué 2000 clients serait de retour », publié le 3 septembre 2015. Le plaignant considère que l’article présente des informations inexactes et sensationnalistes, porte atteinte à sa présomption d’innocence et constitue de l’acharnement à son endroit.
Le plaignant déplore une atteinte à sa réputation, un grief ne relevant pas de la déontologie journalistique, qui n’est donc pas traité dans la présente plainte.
Le quotidien Le Journal de Montréal a refusé de répondre à la présente plainte.
L’article mis en cause met en garde la population contre le plaignant qui aurait repris ses activités de déneigement alors que l’hiver précédent, il n’aurait respecté qu’une partie de ses engagements contractuels tout en ayant encaissé la totalité des recettes.
Analyse
Grief 1 : informations inexactes et sensationnalistes
Le plaignant estime que l’article mis en cause comporte quatre informations inexactes et sensationnalistes.
1.1 Fraude de clients
Le plaignant, qui affirme n’avoir floué ni fraudé aucun client, considère que les passages suivants de l’article sont inexacts : « Le déneigeur qui a floué 2000 clients serait de retour », « l’entrepreneur qui aurait floué ses quelque 2000 clients l’hiver dernier », « a dit M. Miron, qui comptait reprendre les clients “floués” par Pro-Neige », « On a conseillé aux présumés clients floués d’intenter des recours au civil, indique l’enquêteur Godin » et « Selon ce dernier, c’est la police de Montréal qui enquêterait sur la fraude envers les citoyens ».
En matière d’exactitude de l’information, le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse prévoit, à l’article 9, alinéa a), que « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité »
Après analyse, le Conseil considère que, compte tenu des faits dévoilés par la journaliste, le plaignant n’a pas fait la démonstration que celle-ci a transmis des informations inexactes dans l’article mis en cause.
Le grief est rejeté sur ce point.
1.2 Fraude d’un associé
Le plaignant affirme qu’il est faux d’écrire qu’il a fraudé son associé Jonathan Dazé qui était actionnaire de la division Déneigement Repentigny. Il estime donc inexacts les extraits suivants : « Enquête sur une fraude de 800 000 $ », « La police de Repentigny enquête sur une fraude qu’aurait commise le patron de Pro-Neige envers son ancien partenaire d’affaires en abandonnant toute leur clientèle en plein hiver. », « “L’enquête porte sur une fraude envers l’ancien associé de Martin Teoli, Jonathan Dazé, mais pas sur une fraude envers les citoyens”, précise l’enquêteur Patrick Godin, de la police de Repentigny » et « La présumée fraude dépasserait les 800 000 $, selon nos informations. » Le plaignant nie avoir fraudé son associé et il fait valoir que cette division avait un chiffre d’affaires de 160 000 $, il était donc impossible, selon lui, de frauder pour un montant de 800 000 $. Il souligne qu’il n’a fait l’objet d’aucune accusation.
Après analyse, le Conseil considère qu’ici aussi le plaignant n’a pas fait la démonstration que la journaliste a transmis des informations inexactes dans l’article mis en cause.
Le grief est rejeté sur ce point.
1.3 Date de la fin des activités
Le plaignant juge inexacte l’affirmation de la journaliste concernant la date à laquelle il a cessé ses activités. Plus précisément, il juge que les extraits suivants sont inexacts : « ce déneigeur de Repentigny dont la compagnie Pro-Neige a cessé de déneiger ses clients en plein hiver, juste après avoir encaissé leur dernier chèque, en janvier », « Lorsque Martin Teoli a cessé ses opérations juste après avoir encaissé les derniers chèques de ses clients, en janvier dernier » et « Selon nos sources, Martin Teoli aurait empoché les chèques adressés à l’entreprise de M. Dazé avant de disparaître, en plein mois de janvier. » Le plaignant soutient qu’il n’a pas cessé ses activités le 15 janvier, mais plutôt autour du 8 février 2015.
Le Conseil estime que la journaliste n’a pas transmis d’informations inexactes puisque l’écart entre les prétentions du plaignant et le contenu de l’article n’est pas significatif et ne change rien à la réalité décrite.
Le grief est rejeté sur ce point.
1.4 Nouvelle entreprise
Contrairement à ce qu’affirme la journaliste, le plaignant soutient qu’il n’a pas démarré une nouvelle entreprise avec les personnes mentionnées dans l’article.
À la lecture de l’article, le Conseil constate que la journaliste n’a pas commis de faute déontologique puisqu’elle ne reprend pas cette information à son compte ce qui laisserait croire qu’il s’agit d’un fait avéré. Elle réfère à une nouvelle entreprise en rapportant les informations fournies par des entrepreneurs et des policiers. Ceux-ci rapportent avoir reçu des dénonciations de citoyens indiquant que le plaignant aurait repris ses activités de déneigement.
Le grief est rejeté sur ce point.
Au vu de ce qui précède, le grief d’informations inexactes et sensationnalistes est rejeté.
Grief 2 : atteinte à la présomption d’innocence
Le plaignant considère que l’article le présente comme un voleur et un fraudeur ce qui atteint, selon lui, à sa présomption d’innocence. Il estime que la journaliste affirme clairement qu’il a volé ses clients et qu’il est parti avec le paiement de janvier. Selon lui, elle l’accuse également d’avoir fraudé son partenaire d’affaires pour une somme totalisant 800 000 $. De plus, le plaignant déplore l’utilisation du verbe « flouer » en faisant valoir qu’il est synonyme de voler, escroquer et tromper. Il souligne qu’il n’a fait l’objet d’aucune accusation.
L’article 20.1, alinéa 2) du Guide stipule : « Les journalistes et les médias d’information font preuve de rigueur et de prudence avant d’identifier publiquement des personnes soupçonnées d’actes illégaux, en l’absence d’accusations formelles. »
À la lecture de l’article mis en cause, le Conseil constate que la journaliste a respecté les principes déontologiques en faisant « preuve de rigueur et de prudence » puisqu’elle a amassé plusieurs témoignages allant dans le même sens en plus d’avoir abondamment utilisé le conditionnel de même que l’expression « présumée » pour qualifier la fraude. En ce qui concerne le sous-titre « Enquête sur une fraude de 800 000 $ », le Conseil juge qu’il est implicite qu’il s’agit d’allégations puisque ces faits font l’objet d’une enquête.
Le grief d’atteinte à la présomption d’innocence est rejeté.
Grief 3 : acharnement
Le plaignant estime que les mis en cause ont manqué d’équité en manifestant de l’acharnement à son égard parce qu’il s’agissait du cinquième article sur lui.
L’article 17 du Guide énonce : « Les journalistes et les médias d’information traitent avec équité les personnes et les groupes qui font l’objet de l’information ou avec lesquels ils sont en interaction. »
Le Conseil juge que l’article mis en cause ne constitue pas de l’acharnement envers le plaignant puisqu’il comprenait des éléments nouveaux d’intérêt public, notamment un appel des policiers à la vigilance des citoyens.
Le grief d’acharnement est rejeté.
Refus de collaborer
Le quotidien Le Journal de Montréal a refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil déplore le fait que le quotidien Le Journal de Montréal ait refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Martin Teoli contre la journaliste Judith Plamondon et le quotidien Le Journal de Montréal pour les griefs d’informations inexactes et sensationnalistes, atteinte à la présomption d’innocence et acharnement.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- M. Adélard Guillemette
Représentants des journalistes :
- M. Philippe Teisceira-Lessard
- M. Jonathan Trudel
Représentants des entreprises de presse :
- M. Jed Kahane
- M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C17H Procès par les médias
- C24A Manque de collaboration