Plaignant
Centre consultatif des relations juives et israéliennes et M. David Ouellette, directeur associé, affaires publiques
Mis en cause
Mme Najat Boughaba, rédactrice en chef et Sada al-Mashrek/Écho du Levant
Résumé de la plainte
NOTE : LA PRÉSENTE DÉCISION A ÉTÉ ANNULÉE PAR LA COMMISSION D’APPEL. VOIR PLUS BAS.
M. David Ouellette, directeur associé, affaires publiques, dépose une plainte, au nom du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, le 16 décembre 2015, contre Mme Najat Boughaba, rédactrice en chef de l’hebdomadaire Sada al-Mashrek/Écho du Levant, pour un éditorial intitulé « Achraqat la Palestinienne, ou quand la Palestine s’illumine », que l’on retrouve également en version arabe. Il estime que ces textes, et tout particulièrement la version arabe, légèrement différente de sa contrepartie française, incitent à la violence envers les Juifs.
L’article analyse les événements récents au Moyen-Orient qui auraient pour effet, selon l’auteur, d’occulter l’occupation israélienne vécue par les Palestiniens. L’auteur souligne l’attitude de la nouvelle génération de Palestiniens face à ces événements, dont Achraqat Taha Qatanani, qui serait morte « pour la liberté et en hommage à la Palestine ».
Les mis en cause n’ont pas répondu à la présente plainte.
Analyse
Grief 1 : incitation à la violence
De façon générale, M. David Ouellette reproche aux mis en cause de célébrer une « vague d’agressions au couteau et à la voiture bélier contre des civils juifs israéliens » et d’encourager ainsi la violence contre les Juifs.
Concernant l’article publié en français, le plaignant formule son grief à l’encontre du passage suivant : « Certainement, la jeune Palestinienne de 16 ans, Achraqat Taha Qatanani, est une icône de cette génération, qui est fière des réalisations de la résistance libanaise, qui refuse de se laisser emporter derrière les idées sectaires répugnantes et qui reste liée psychologiquement et intellectuellement à une direction capable de l’orienter vers la gloire et la victoire, même si elle dispose de moyens aussi modestes que les pierres. »
Dans cet extrait, M. Ouellette reproche aux mis en cause de célébrer la jeune femme, en la décrivant comme l’« icône de cette génération ». Il déplore que cette jeune femme soit encensée de la sorte, considérant que « le 22 novembre dernier, [elle] a été abattue alors qu’elle tentait de poignarder un civil israélien à un arrêt d’autobus ».
Le plaignant relève également la mention, dans ce passage, d’un moyen d’action violent à la disposition de la « résistance libanaise », soit « les pierres ». Dans la version arabe, précise le plaignant, « il n’est pas seulement question de pierres, mais de “coups de couteau, de voitures béliers et autres moyens modestes” ».
Enfin, M. Ouellette souligne que « le texte arabe se termine sur ces mots : “Nous saluons son âme” », en référence à l’âme de la jeune Achraqat Taha Qatanani.
Afin de dissiper tout doute quant à la justesse de la traduction proposée par le plaignant de certains passages du texte arabe, le Conseil de presse a fait traduire le texte arabe par un traducteur indépendant. C’est sur la base de cette traduction que le Conseil a analysé la présente plainte.
Selon cette traduction, le premier passage visé par le plaignant, dans le texte arabe, se lit comme suit : « Et “Achraqat Taha Qatanani”, cette jeune Palestinienne de 16 ans n’est autre qu’une icône de cette génération qui vante la Résistance au Liban et refuse de se soumettre aux idées répugnantes de mobilisation sectaire; la génération qui a atteint un niveau de conscience des enjeux cruciaux, et reste liée psychologiquement et intellectuellement à une direction capable d’aider des jeunes comme eux à réaliser la dignité et la gloire, même avec des moyens aussi modestes que des jets de pierre, un coup de couteau, un écrasement ou toute autre action humble dans la forme, mais qui cache en elle la détermination, l’attachement et le dévouement des jeunes à rejeter l’occupation et à se lancer vers la mort alors qu’ils sont dans la fleur de la jeunesse, pleins d’énergie, de fraîcheur et d’amour pour la vie. »
Étant donné le contexte dans lequel s’inscrit la publication des textes de l’Écho du Levant, il est raisonnable de penser que le sens à donner au mot traduit par « écrasement » réfère aux attaques à la voiture bélier.
Le second passage visé par le plaignant, soit la dernière phrase de l’article, se traduit comme suit : « Hommage à l’âme de “Achraqat” et hommage à la Palestine! ».
Aux yeux d’une majorité de membres (4/5), il ne fait aucun doute que les propos dénoncés par le plaignant glorifient des gestes extrêmement violents perpétrés à l’encontre de civils. Cette glorification est telle que l’on peut difficilement, dans le contexte, ne pas y voir une incitation, dirigée tout particulièrement envers les jeunes, à commettre des gestes similaires.
Pour le membre dissident, il est impossible de faire fi du contexte politique unique dans lequel s’inscrit le texte visé par la plainte. Ainsi, bien qu’on ne puisse nier la violence des gestes dont l’auteur parle, on ne peut ignorer que ces derniers sont présentés et perçus comme des actes de résistance politiques face à un groupe défini comme un envahisseur. Tant que les hommes se feront la guerre, ceux qui y prennent part, directement ou indirectement, pourront légitimement se réjouir du courage de ceux qui combattent pour leur cause.
Le grief pour incitation à la violence est retenu à la majorité.
Refus de collaboration
Le Sada al-Mashrek/Écho du Levant a refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil déplore le fait que le Sada al-Mashrek/Écho du Levant ait refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte le concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient, à la majorité, la plainte et, en raison de la gravité de la faute, blâme sévèrement Mme Najat Boughaba, rédactrice en chef et Sada al-Mashrek/Écho du Levant pour le grief d’incitation à la violence.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.3)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- M. Marc-André Dowd
- M. Adélard Guillemette
Représentant des journalistes :
- M. Denis Guénette
Représentant des entreprises de presse :
- M. Luc Simard
Date de l’appel
25 November 2016
Appelant
M. Hussein Hoballah, rédacteur en chef et le Sada AlMashrek/Écho du Levant
Décision en appel
PRÉAMBULE
Lors de l’étude d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.
GRIEFS DE L’APPELANT
L’appelant conteste la validité de la décision du comité des plaintes. Grief 1 : vice de procédure
Me William Korbatly représentant l’appelant soutient que la décision de première instance est « caduque et n’a aucune valeur comme si elle n’avait jamais existé ». De l’avis de l’appelant, « les règles d’équité procédurales n’ont pas été respectées pour les raisons suivantes : 1. La plainte a été adressée à une personne qui n’avait aucun lien avec le journal; 2. La décision a été prise sans que le journal ait le droit fondamental dans un état de droit, soit le droit à un procès juste et équitable. »
L’appelant considère donc qu’« un appel ne sera pas nécessaire pour une décision non existante et sans valeur. »
L’appelant demande donc « de ne pas diffuser la décision et d’aviser le plaignant qu’il n’a pas le droit de la publier ou la diffuser ».
Les membres de la commission d’appel, considérant que la partie mise en cause n’a pas reçu copie de la plainte et n’a donc pas pu présenter de défense, annulent la décision du comité des plaintes et retournent l’examen de la plainte initiale en première instance en s’assurant que le mis en cause puisse présenter une défense.
RÉPLIQUE DE L’INTIMÉ
L’intimé n’a pas souhaité soumettre une réplique à l’appel.
DÉCISION
Après examen, les membres de la commission d’appel ont conclu à l’unanimité d’annuler la décision rendue par la première instance et que le dossier qui lui était présenté doit recommencer le processus de traitement d’une plainte.
La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :
Représentant du public :
- M. Pierre Thibault
Représentant des journalistes :
- M. Claude Beauchamp
Représentant des entreprises de presse :
- M. Pierre Sormany