Plaignant
Zerona Québec Inc. et M. Claude Charron, président
Mis en cause
M. Yvan Lamontagne, journaliste, l’émission « La Facture » et ICI Radio-Canada Télé
Résumé de la plainte
NOTE : La décision de la commission d’appel se trouve à la suite de la décision de première instance.
M. Claude Charron, président de Zerona Québec inc., dépose au nom de l’entreprise une plainte le 18 décembre 2015 contre le journaliste Yvan Lamontagne et ICI Radio-Canada Télé concernant le reportage « Perdre du poids sans effort, la mince affaire! » diffusé dans le cadre de l’émission « La Facture » le 15 septembre 2015 et rediffusé les 19, 20 et 21 septembre 2015. Le plaignant déplore des informations inexactes, des informations incomplètes, un manque de fiabilité des informations transmises par une source, la non-identification d’une source et un refus de rectification.
Le plaignant déplore également un manque de rigueur sur le suivi des réponses du médecin expert. Ce grief n’a pas été étudié par le Conseil parce qu’il s’agit d’un motif invoqué par le plaignant qui expliquerait la présumée faute d’informations inexactes. Le Conseil n’examine pas les intentions ni les motifs des journalistes, mais le résultat de leur travail et les méthodes utilisées.
Le Règlement No 2 prévoit qu’une plainte doit être déposée dans les trois mois suivant la diffusion du reportage mis en cause. Au moment du dépôt de la présente plainte, ce délai était dépassé. Cependant, le reportage ayant été rediffusé les 19, 20 et 21 septembre 2015, la plainte a été jugée recevable puisque ces rediffusions respectaient le délai de prescription.
Le reportage porte sur le laser Zerona, qui a reçu l’approbation de Santé Canada, et conclut qu’il est inefficace pour amincir le corps. Il rapporte l’insatisfaction de deux clientes ayant été traitées avec le laser Zerona. Le reportage présente également les critiques d’experts.
Analyse
Grief 1 : informations inexactes
Le plaignant estime que le reportage comporte deux inexactitudes ayant conduit à des raisonnements manquant de rigueur.
1.1 Traduction erronée
Le plaignant estime que la traduction d’un extrait de l’émission américaine « The Dr. Oz Show » présenté dans le reportage de « La Facture » est erronée. Selon lui, il est inexact de traduire « What really happens is individual cells get messages once they have that signal, your white blood cells […] they suck them up » par « Quand elles reçoivent le signal, les cellules inflammatoires absorbent les cellules adipeuses. » Le plaignant fait valoir que le terme « white blood cells » aurait dû être traduit par « globules blancs » et non « cellules inflammatoires ».
Il relève que la traduction présumée fautive apparaît en sous-titre et est reprise par le journaliste lorsqu’il affirme : « Oz dit à son public que ce sont les cellules inflammatoires qui détruisent les débris des cellules graisseuses. Une affirmation ridicule selon le Dr Garrel puisqu’en médecine, il est impératif d’éviter l’inflammation. »
Le plaignant fait remarquer que c’est sur la base de cette traduction présumée erronée que l’expert pose une opinion médicale défavorable lorsqu’il ajoute : « Bien sûr que ce que l’on voit dans cette vidéo n’est pas vrai. Heureusement que ce n’est pas vrai, parce que ce serait de provoquer un phénomène extrêmement dommageable à la santé. »
Dans la réplique des mis en cause, Mme Micheline Dahlander, traitement des plaintes, Éthique et déontologie – Service de l’information, répond au plaignant que le témoignage du Dr Dominique Garrel n’est pas le produit d’une mauvaise traduction. Elle précise que la réaction de l’endocrinologue est en lien avec la vidéo du Dr Oz.
Dans un deuxième temps, Mme Dahlander et Alain Kémeid, rédacteur en chef de l’émission « La Facture », indiquent qu’il a été jugé plus pertinent de présenter l’analyse du Dr Garrel que de faire une traduction littérale des explications données dans l’émission américaine. « Notre choix de ne pas changer la traduction était justifié, compte tenu de l’erreur du Dr Oz soulevé par le Dr Garrel. L’explication de notre expert était jugée plus importante que la maladresse dans la traduction », écrit M. Kémeid.
Mme Dahlander admet que le choix de ne pas traduire de façon littérale donne l’impression d’une erreur de traduction. Elle ajoute : « Il aurait été préférable de préciser dans la narration : “Le docteur Oz nous dit que ce sont les globules blancs qui vident les cellules graisseuses. Mais le docteur Garrel ne partage pas son avis. Ce sont les cellules inflammatoires, qui selon lui, interviennent ici.” »
M. Kémeid met en preuve une lettre signée par le Dr Garrel qui maintient l’exactitude de son commentaire : « Mon commentaire sur la vidéo montrant le Dr Oz expliquer que les adipocytes vidés de leur graisse sont éliminés par les globules blancs est pertinent et scientifiquement fondé. Le public ne sait pas qu’il y a plusieurs catégories de globules blancs et que ceux qui sont chargés de phagocyter (c’est-à-dire d’incorporer et de détruire) sont les cellules de l’inflammation. C’est grâce à cette activité inflammatoire que l’organisme se défend contre les micro-organismes et les cellules cancéreuses. »
En réponse à l’explication formulée par l’équipe de la Facture, le plaignant soutient :« Un globule blanc ne produit pas de substance inflammatoire qui vide le contenu d’une cellule graisseuse ». Il ajoute qu’un globule blanc ne se transforme pas en cellule inflammatoire.
En matière d’exactitude, l’article 9, alinéa a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec prévoit : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. »
À la lumière des explications fournies par le Dr Garrel, le Conseil juge que les mis en cause n’ont pas commis d’inexactitude. Quoique le terme « white blood cells » ne soit pas traduit de façon littérale, il met l’accent sur l’interprétation du Dr Garrel de ce que voulait dire le Dr Oz, tout en restant généralement fidèle à la réalité scientifique présentée au public.
Le grief est rejeté sur ce point.
1.2 Homologation de Santé Canada
Le plaignant estime que l’affirmation suivante du journaliste est fausse : « Et bien sachez que Santé Canada s’est fondé uniquement sur cette étude pour homologuer le laser Zerona. »
Le plaignant soutient que l’entreprise a fourni à Santé Canada de « nombreuses études cliniques, dont trois de calibre pharmaceutique, [une] vingtaine de publications médicales, incluant les revues médicales les plus prestigieuses. » Il ajoute avoir mis le journaliste en contact avec le président du fabricant du laser et la personne responsable des relations avec la Food and Drug Administration (FDA) et Santé Canada concernant l’homologation.
De plus, le plaignant déplore que le journaliste ait demandé à deux experts, MM. Yves Jalbert et Denis Côté, de commenter l’affirmation contestée. Le premier déclare : « […] se fonder sur une seule étude, c’est complètement ridicule. » Le deuxième dit : « […] quand je regarde les documents qui ont été déposés pour l’homologation à Santé Canada, je n’aurais pas accepté d’homologuer ce genre de produit ». Le plaignant conclut que le journaliste « obtient des affirmations radicales et négatives basées sur de la fausse information ».
Dans leur réplique, les mis en cause indiquent que le journaliste a validé auprès du porte-parole de Santé Canada le fait que le laser Zerona ait été homologué sur la base d’un seul article scientifique. Ils présentent l’extrait suivant d’une conversation téléphonique entre le journaliste et Sean Upton, porte-parole de Santé Canada :
« Question (Yvan Lamontagne) : Pis juste pour vérifier encore. Y’a une chose qu’on dit parce que Santé Canada se basait sur l’étude que tu m’as envoyée.
Sean Upton : Oui.
Question (Yvan Lamontagne) : Ça, c’est bel et bien ça là?
Sean Upton : À ma connaissance oui…
Question (Yvan Lamontagne) : Ben c’est parce qu’on se base sur une étude seulement qui est commanditée par la compagnie.
Sean Upton : Oui. Oui. »
Dans ces commentaires, le plaignant soutient qu’en vertu d’une entente bilatérale entre Santé Canada et la FDA, Santé Canada s’est basé sur le document d’approbation de la FDA. Le plaignant précise que Santé Canada a reçu des documents utilisés par la FDA autre que l’étude clinique mentionnée par Yvan Lamontagne.
Le plaignant soumet un échange courriel entre Tammy Jarbeau, chef par intérim des relations avec les médias de Santé Canada et le journaliste mis en cause. Le plaignant fait remarquer que dans cet échange Mme Jarbeau ne mentionne pas que l’étude clinique était le seul document ayant servi à l’homologation de Zerona.
Après analyse, le Conseil juge que l’affirmation du journaliste est basée sur une source fiable, soit le porte-parole de Santé Canada, M. Sean Upton. De plus, rien dans le courriel de Mme Jarbeau ne contredit M. Upton.
Le grief est rejeté sur ce point.
Au vu de ce qui précède, le grief d’informations inexactes est rejeté.
Grief 2 : informations incomplètes
Le plaignant déplore l’omission de deux informations essentielles à la compréhension du reportage, selon lui.
2.1 Cliente
Le plaignant soutient que le journaliste n’a pas présenté tous les éléments essentiels à la compréhension du cas de Mme Brigitte Latraverse, l’une des clientes témoignant dans le reportage.
Selon lui, le journaliste aurait dû mentionner que Mme Latraverse consultait pour un problème rare aux genoux et aux mollets, alors que Zerona est un système de remodelage destiné à la taille, aux hanches et aux cuisses. « Yvan Lamontagne tente de prouver l’inefficacité de Zerona en se basant sur les résultats d’un amincissement de mollets; une situation unique », affirme le plaignant. Il souligne que le cas de Mme Latraverse n’est pas représentatif puisqu’il s’agissait, selon lui, « d’un traitement unique et hors-norme ». Il ajoute : « Sur les milliers de clients que nous avons eus, il s’agit du seul traitement de mollets que nous avons effectué, et nous n’avons presque jamais traité de genoux. » (soulignement du plaignant)
Selon le plaignant, le journaliste aurait également dû mentionner que cette cliente a pris du poids, dans les semaines suivant les 12 premières séances.
M. Alain Kémeid souligne la pertinence du témoignage de Mme Latraverse puisque la clinique du plaignant a accepté de la traiter et lui a garanti des résultats. De plus, la Cour du Québec, qui a tranché en faveur de cette cliente dans le litige qui l’opposait à Zerona, a reconnu que l’entreprise n’avait pas respecté ses obligations de garantie, fait valoir M. Kémeid.
Mme Dahlander ajoute que la méthode utilisée par Zerona pour calculer la perte de graisse a été expliquée dans le reportage. En ce qui concerne la reprise de poids de la cliente, elle considère que l’absence de « cette information n’enlevait rien au sentiment de la cliente d’avoir été flouée ». M. Kémeid souligne que cette reprise de poids (2,5 lbs) n’était pas significative et « ne méritait aucune mention ».
Dans ses commentaires, le plaignant affirme que les résultats de Mme Latraverse n’étaient pas garantis étant donné que l’engagement de l’entreprise avait été retiré du contrat.
Le Guide décrit, à l’article 9, alinéa e), le devoir de complétude : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : […] e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. »
Après analyse, le Conseil juge que les mis en cause n’ont pas commis de manquement déontologique en ne précisant pas que le cas de Mme Latraverse était unique. Cette information n’était ni pertinente ni essentielle à la compréhension du reportage. Le grief est rejeté sur ce point.
2.2 Conflit d’intérêts
Le plaignant considère que le journaliste a omis de rapporter la réponse du plaignant à l’allégation de conflit d’intérêts formulée par M. Yves Jalbert, chef de contenu à l’Association pour la santé publique du Québec, à l’encontre du Dr Ryan Maloney, directeur médical d’Erchonia, l’entreprise fabriquant Zerona.
Le plaignant rapporte avoir mentionné au journaliste que le Dr Ryan Maloney n’était pas en conflit d’intérêts dans le cadre de l’étude clinique puisque celle-ci a été « conduite par des personnes externes et les données validées par une firme de vérification externe ». Il affirme avoir pointé un passage de l’étude clinique précisant que le Dr Maloney n’a pas pris part à la collecte et l’analyse des données et qu’il n’a eu aucun contact avec les participants, les chercheurs et la firme de vérification externe mandatée pour l’étude.
Afin d’appuyer leur enquête, M. Kémeid indique qu’en plus de l’expert présenté dans le reportage, les mis en cause ont demandé à un expert indépendant additionnel, Dr Daniel Barolet, dermatologue et spécialiste de la photomodulation, d’analyser les études fournies par le président d’Erchonia, M. Steve Shanks. Ce deuxième expert considère lui aussi qu’il ne s’agit pas d’études reconnues par la communauté scientifique.
Le Conseil juge que le journaliste n’avait pas à rapporter tous les commentaires du plaignant, et que la perspective du directeur médical du fabricant de Zerona à propos du conflit d’intérêts n’ajoute rien aux faits.
Le grief est rejeté sur ce point.
Au vu de ce qui précède, le grief d’informations incomplètes est rejeté.
Grief 3 : manque de fiabilité des informations transmises par une source
Le plaignant estime que le Dr Dominique Garrel, qui témoigne dans le reportage à titre d’expert médical, n’est pas une source fiable parce qu’il ne connaît pas le fonctionnement du laser Zerona pour se prononcer et parce qu’il est en conflit d’intérêts, sa clinique étant « concurrente » à celle du plaignant.
Le plaignant fait valoir que la clinique où pratique le Dr Garrel offre un traitement semblable, à l’aide d’un appareil vendu par un compétiteur de Zerona. « Ce conflit d’intérêts mine le sérieux de ses déclarations », affirme le plaignant.
En ce qui concerne la connaissance du procédé au laser Zerona du Dr Garrel, les mis en cause indiquent que le Dr Garrel a été interviewé pour son expertise médicale et non à titre d’expert en laser. Connaissant les traitements existants pour la perte de poids, le Dr Garrel était « tout désigné pour analyser d’un point de vue médical les affirmations de ceux qui font la promotion du laser Zerona pour faire fondre la graisse », estime M. Kémeid.
Afin de pallier l’absence d’expertise du Dr Garrel en ce qui concerne l’utilisation du laser à des fins esthétiques, Mme Dahlander indique que les responsables de l’émission ont sollicité l’avis du physicien spécialisé en optique, Daniel Côté, afin qu’il se prononce sur le fonctionnement et l’efficacité du laser Zerona. M. Kémeid ajoute que le Dr Daniel Barolet, dermatologue et spécialiste de la photomodulation, a également suivi les démarches des journalistes et analysé les études de Zérona.
Quant au conflit d’intérêts allégué du Dr Garrel, les mis en cause expliquent qu’ils savaient que le Centre médical Les Cours Mont-Royal où il travaille est doté d’une section non médicale consacrée à l’esthétique, qui utilise un laser concurrent du Zerona. Cependant, expliquent-ils, le Dr Garrel n’y a jamais mis les pieds et jette « un regard critique » sur ce genre de laser également. M. Kémeid souligne que les mis en cause ont confirmé auprès de la directrice administrative de la clinique l’absence de lien entre le Dr Garrel et la clinique d’esthétique. De plus, dans une lettre mise en preuve, le Dr Garrel indique qu’il travaille trois demi-journées par mois à la clinique Les Cours Mont-Royal et qu’il n’y a aucun intérêt financier. Il précise qu’il ignorait que la clinique offrait un service comparable à celui de Zérona.
Dans ses commentaires, le plaignant réitère que le Dr Garrel n’était pas qualifié pour évaluer les traitements d’amincissement esthétiques. Il souligne également qu’en consultant le site Internet de la clinique, les internautes ne voient aucune distinction entre la clinique médicale et la clinique d’esthétique.
Dans son Guide, le Conseil établit à l’article 11 que « [l]es journalistes prennent les moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par leurs sources, afin de garantir au public une information de qualité. »
Dans la décision D2005-03-066, le Conseil a jugé que le journaliste avait respecté la déontologie en ce qui concerne le choix de ses sources. La plaignante lui reprochait d’avoir basé son reportage sur le témoignage de deux ex-franchisés en conflit avec elle. Le Conseil a constaté que le journaliste « a étayé sa recherche rigoureusement et a donné une vision globale du sujet en interrogeant des personnes nombreuses et variées. Le journaliste est ainsi allé vérifier ses sources auprès des autorités compétentes ».
Dans le cas présent, le Conseil juge que les informations transmises par le Dr Dominique Garrel sont fiables puisqu’il est un expert établi et que ses commentaires portent uniquement sur son expertise, soit le processus d’élimination des graisses. Le comité n’a pas, par ailleurs, constaté d’apparence de conflit d’intérêts chez le Dr Garrel.
Le grief de manque de fiabilité des informations transmises par une source est rejeté.
Grief 4 : source non-identifiée
Le plaignant affirme que les mis en cause n’ont pas pu obtenir de Santé Canada les documents reliés à l’homologation de Zerona puisque ce type d’information est confidentiel. Il estime qu’ils les ont obtenus d’une source qui n’a pas été identifiée dans le reportage, ce qui enfreindrait les règles déontologiques.
Dans ce contexte, le plaignant considère que cette source aurait dû être identifiée afin que le public puisse en évaluer la crédibilité et la valeur des informations transmises. Il ajoute que dans le cas où l’anonymat de la source était requis, les mis en cause devaient tout de même la décrire suffisamment pour permettre au public d’en apprécier la valeur et la crédibilité.
Les mis en cause indiquent que le journaliste a validé auprès du porte-parole de Santé Canada, M. Sean Upton, l’information voulant que l’organisme ait homologué le laser Zerona sur la base d’une seule étude. Ils mettent en preuve la transcription d’une conversation téléphonique entre M. Upton et le journaliste.
En matière d’identification des sources, l’article 12 du Guide stipule : « Les journalistes identifient leurs sources d’information, afin de permettre au public d’en évaluer la valeur, sous réserve des dispositions prévues à l’article 12.1 du présent Guide. »
L’article 12.1 du Guide rappelle les circonstances dans lesquelles les journalistes peuvent avoir recours à des sources anonymes : « (1) Les journalistes ont recours à des sources anonymes lorsque ces trois conditions sont réunies : a) l’information sert l’intérêt public; b) l’information ne peut raisonnablement être obtenue autrement; c) la source peut subir un préjudice si son identité est dévoilée.
« (2) Lorsqu’ils garantissent l’anonymat à une source d’information, les journalistes la décrivent suffisamment dans leur reportage afin que le public puisse apprécier sa valeur et sa crédibilité, sans cependant divulguer des éléments pouvant permettre son identification. »
Le Conseil juge que les téléspectateurs étaient en mesure d’établir la source de l’information grâce aux passages suivants du reportage : « Et bien sachez que Santé Canada s’est fondé uniquement sur cette étude pour homologuer le laser Zerona. » et « Fidèle à son habitude, Santé Canada a refusé de nous accorder une entrevue à la caméra. » Cette dernière affirmation ne signifie pas que l’organisme a refusé de fournir de l’information au journaliste. La transcription de la conversation entre le journaliste et le porte-parole de Santé Canada démontre d’ailleurs le contraire.
Le grief de source non-identifiée est rejeté.
Grief 5 : refus de rectification
Le plaignant fait valoir qu’il a contacté les mis en cause afin de souligner l’inexactitude de la traduction et ce qu’il estime être un conflit d’intérêts du Dr Garrel. Dans les deux cas, le rédacteur en chef de « La Facture » aurait répondu que le reportage respectait les normes et pratiques journalistiques de Radio-Canada. Par conséquent, aucun rectificatif n’aurait été diffusé.
M. Kémeid justifie la décision des mis en cause de ne pas modifier la traduction du terme « white blood cells » étant donné « l’erreur du Dr Oz soulevé par le Dr Garrel. L’explication de notre expert était jugée plus importante que la maladresse dans la traduction », écrit-il.
Le Guide, à l’article 27.1, prévoit : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. »
Le Conseil n’ayant pas constaté d’inexactitude dans le reportage ni de manque de fiabilité dans les informations transmises par le Dr Garrel, il juge que les mis en cause n’ont pas commis de manquement en refusant la diffusion d’un rectificatif.
Le grief de refus de rectification est rejeté.
Mise à jour: 10 décembre 2018 Trois précisions ont été apportées à cette décision, qui ne changent rien, par ailleurs, au fond de la décision. 1) À l’avant-dernière phrase du résumé de la plainte, les mots « deux clientes de la clinique du plaignant » ont été remplacés par « deux clientes ayant été traitées avec le laser Zerona ». 2) Au point 1.1, au 8e paragraphe, les mots « à l’explication du Dr Garrel » ont été remplacés par : « à l’explication formulée par l’équipe de la Facture » 3) Au 1er paragraphe du grief 3, le mot « suffisamment » avant « le fonctionnement » a été enlevé.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Claude Charron, président de Zerona Québec Inc. contre le journaliste Yvan Lamontage et ICI Radio-Canada Télé pour les griefs d’informations inexactes, informations incomplètes, manque de fiabilité des informations transmises par une source, source non-identifiée et refus de rectification.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Éricka Alnéus
M. Jacques Gauthier
Mme Audrey Murray
Mme Linda Taklit
Représentante des journalistes :
Mme Audrey Gauthier
Représentants des entreprises de presse :
M. Gilber Paquette
Mme Nicole Tardif
Date de l’appel
23 October 2018
Appelant
Zerona Québec inc.
M. Claude Charron, président
Décision en appel
RÔLE DE LA COMMISSION D’APPEL
Lors de la révision d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.
CONTEXTE
En première instance, le Conseil s’est penché sur une plainte concernant un reportage de l’émission La Facture à propos du laser Zerona. Le reportage concluait qu’il s’agissait d’un traitement inefficace pour amincir le corps. Le plaignant, M. Claude Charron, président de Zerona Québec inc., invoquait plusieurs informations inexactes, des incomplétudes, un conflit d’intérêts, des sources non fiables et un refus de rectification.
Remarques préliminaires
La commission d’appel rappelle que l’objet d’un appel devant le Conseil doit porter exclusivement sur la décision de première instance, ne doit pas contenir de nouvel élément de plainte et doit être concis, conformément à l’article 28.03 du Règlement 2 : « L’inscription [d’un appel] doit contenir un exposé clair, précis et succinct de l’objet et des motifs d’appel. Cet exposé ne doit contenir aucun nouvel objet de plainte. »
Dans le cas présent, l’appelant, M. Charron, reprend plusieurs extraits de la décision de l’ombudsman de Radio-Canada visant le même reportage. La commission d’appel souligne que le Conseil de presse du Québec et l’ombudsman sont deux entités indépendantes qui travaillent de façons distinctes et analysent les dossiers selon leurs principes déontologiques respectifs. Cela a toujours été le cas, mais il convient ici de le rappeler. Dans la décision D2014-04-113 (2), la commission d’appel statue que « le comité des plaintes n’est pas lié à la jurisprudence d’autres instances, de même qu’il n’a pas à se soucier des rectifications ou corrections que peuvent apporter les médias qui ne sont pas mis en cause dans une plainte sous étude ». Dans les décisions D2012-08-018 et D2009-04-064 (2), le Conseil juge « qu’il n’est pas de sa compétence d’évaluer les décisions de l’ombudsman de Radio-Canada ». Par conséquent, la commission d’appel répond uniquement aux points de l’appelant qui concernent la décision du Conseil de presse en première instance.
Dans son appel, M. Charron écrit être « en quête de retrouver [sa] réputation ». À cet effet, la commission d’appel précise que le rôle du Conseil de presse n’est pas d’évaluer de potentielles atteintes à la réputation, mais de déterminer si un journaliste ou un média a commis une faute déontologique, selon le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec. L’atteinte à la réputation n’est pas du ressort de la déontologie journalistique, mais relève plutôt de la sphère judiciaire, comme le précisent les règlements du Conseil : « La plainte ne peut constituer une plainte de diffamation, viser le contenu d’une publicité ou exprimer une divergence d’opinions avec l’auteur d’une publication ou d’une décision. » (Règlement No 2, article 13.04)
MOTIFS DE L’APPELANT
L’appelant conteste la décision de première instance relativement aux griefs d’informations inexactes, d’informations incomplètes et de manque de fiabilité des informations transmises par une source.
Grief 1 : informations inexactes
Principe déontologique
« Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (qualités de l’information – article 9 alinéa a du Guide)
Décision
Les membres de la commission d’appel estiment qu’en matière d’exactitude, l’article 9 du Guide a été appliqué correctement.
La commission d’appel maintient la décision rendue en première instance.
Analyse
1.1 Traduction erronée de « white blood cells »
En première instance, le comité des plaintes a statué que, bien que « le terme “white blood cells” ne soit pas traduit de façon littérale [par « cellules inflammatoires »], il met l’accent sur l’interprétation du Dr Garrel de ce que voulait dire le Dr Oz ». Le comité des plaintes a donc jugé que les mis en cause n’avaient pas commis de faute déontologique en diffusant l’interprétation du Dr Garrel, qui a, par ailleurs, confirmé sa position scientifique dans la réplique de Radio-Canada :
« Mon commentaire sur la vidéo montrant le Dr Oz expliquer que les adipocytes vidés de leur graisse sont éliminés par les globules blancs est pertinent et scientifiquement fondé. Le public ne sait pas qu’il y a plusieurs catégories de globules blancs et que ceux qui sont chargés de phagocyter (c’est-à-dire d’incorporer et de détruire) sont les cellules de l’inflammation. C’est grâce à cette activité inflammatoire que l’organisme se défend contre les micro-organismes et les cellules cancéreuses. »
L’appelant estime pour sa part que le Conseil a « fait erreur lorsqu’il affirme que l’opinion du médecin est automatiquement bonne et permet de respecter les normes journalistiques ». Il ajoute que le Dr Garrel n’avait pas vu toute la vidéo explicative et avait donc compris à tort que Zerona détruisait des cellules graisseuses.
Après analyse, la commission d’appel est d’avis que le principe d’exactitude a bien été appliqué en première instance, et que le comité des plaintes était en mesure de juger que l’interprétation du Dr Garrel, qui avait confirmé par écrit sa position scientifique, restait « généralement fidèle à la réalité scientifique présentée au public ». La commission d’appel maintient la décision sur ce point.
1.2 Homologation du laser Zerona par Santé Canada
Le Conseil a jugé en première instance que l’affirmation du journaliste selon laquelle Santé Canada s’est fondé sur une seule étude pour homologuer le laser Zerona était basée sur une « source fiable, soit le porte-parole de Santé Canada, Sean Upton », malgré les affirmations du plaignant selon lesquelles son entreprise aurait fourni d’autres études à Santé Canada.
Devant la commission d’appel, l’appelant avance que « le Conseil rend sa décision d’exactitude uniquement sur la base que Sean Upton a indiqué qu’il n’y aurait eu qu’une seule étude clinique utilisée pour donner l’homologation ». Il ajoute que « Sean Upton n’a jamais dit qu’il n’y avait eu aucun autre document utilisé pour donner l’homologation (tel que l’approbation de la FDA [Food and Drug Administration, le pendant américain de Santé Canada]), il n’a répondu “oui” qu’à la question dirigée qui concernait le nombre d’études cliniques utilisées pour l’homologation ».
La commission d’appel estime que le comité de première instance a bien appliqué l’article 9 concernant l’exactitude en considérant que journaliste pouvait se fier à l’affirmation du porte-parole de Santé Canada, Sean Upton, pour avancer que « Santé Canada [s’était] fondé uniquement sur cette étude pour homologuer le laser Zerona ». Sans preuve du contraire de cette affirmation, le comité des plaintes ne pouvait retenir de faute.
Depuis, Santé Canada a, par ailleurs, confirmé au Conseil qu’il ne s’était pas appuyé sur l’approbation de la FDA pour homologuer le laser Zerona, contrairement à ce qu’invoquait M. Charron. « Santé Canada ne s’est pas fondé sur les documents de la FDA pour donner son autorisation », a affirmé au Conseil la direction générale des communications et des affaires publiques de Santé Canada.
Grief 2 : informations incomplètes
Principe déontologique
« Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : fidélité à la réalité ». (qualités de l’information – article 9 alinéa e du Guide)
Décision
Les membres de la commission d’appel estiment qu’en matière de complétude, l’article 9 du Guide a été appliqué correctement.
La commission d’appel maintient la décision rendue en première instance.
Analyse
2.1 Cas unique de Brigitte Latraverse
En première instance, le Conseil avait jugé que les mis en cause n’avaient pas « commis de manquement déontologique en ne précisant pas que le cas de Mme Latraverse était unique ». Le comité des plaintes considérait que « cette information n’était ni pertinente ni essentielle à la compréhension du reportage ».
L’appelant considère que cet aspect de la décision est « arbitraire ». Il soutient que le cas de Mme Latraverse, traitée aux genoux et aux mollets, n’était « pas représentatif puisqu’il s’agissait, selon lui, “d’un traitement unique et hors-norme” ».
La commission d’appel constate que le comité des plaintes s’est basé sur une décision de la Cour des petites créances, qui a ordonné à la compagnie Zerona Québec de rembourser Mme Latraverse, jugeant que « la défenderesse [Zerona Québec] n’a pas satisfait à son obligation de garantie ». Le comité des plaintes a jugé que le journaliste pouvait rapporter le cas de Mme Latraverse — l’un des deux témoignages présentés dans le reportage de clientes insatisfaites du laser Zerona — et que les allégations de M. Charron selon lesquelles le cas était unique n’étaient pas essentielles à la compréhension du reportage. La commission d’appel maintient cette décision.
2.2 Allégation de conflit d’intérêts contre le Dr Ryan Maloney
En première instance, M. Charron déplorait que le journaliste ait omis de rapporter sa réponse à « l’allégation de conflit d’intérêts formulée par M. Yves Jalbert [chef de contenu à l’Association pour la santé publique du Québec, à l’encontre du Dr Ryan Maloney, directeur médical d’Erchonia, l’entreprise fabriquant Zerona] ».
Le Conseil a considéré que « le journaliste n’avait pas à rapporter tous les commentaires du plaignant, et que la perspective du directeur médical du fabricant de Zerona à propos du conflit d’intérêts n’ajout[ait] rien aux faits ». Le grief d’incomplétude a donc été rejeté sur ce point.
Dans son appel, M. Charron soutient que « le commentaire devait être validé ».
La commission d’appel estime que le comité des plaintes a bien appliqué l’article 9 sur la complétude, jugeant que l’avis de l’expert Yves Jalbert était pertinent, tandis qu’il allait de soi que M. Charron soutenait l’étude clinique sur le laser Zerona. La commission d’appel maintient donc que le journaliste n’avait pas d’obligation d’ajouter ce commentaire.
Grief 3 : manque de fiabilité des informations transmises par une source
Principe déontologique
« Les journalistes prennent les moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par leurs sources afin de garantir au public une information de qualité. » ( fiabilité des informations transmises par les sources – article 11 du Guide)
Décision
Les membres de la commission d’appel estiment que l’article 11 du Guide a été appliqué correctement.
La commission d’appel maintient la décision rendue en première instance.
Analyse
En première instance, le Conseil a jugé que « les informations transmises par le Dr Dominique Garrel sont fiables puisqu’il est un expert établi et que ses commentaires portent uniquement sur son expertise, soit le processus d’élimination des graisses. Le comité n’a pas, par ailleurs, constaté d’apparence de conflit d’intérêts chez le Dr Garrel ». Ainsi, le grief de manque de fiabilité des informations transmises par une source a été rejeté.
Dans son appel, M. Charron avance à nouveau que le Dr Garrel « n’avait aucune connaissance » au sujet du laser Zerona. La commission d’appel s’en remet à l’analyse du comité des plaintes selon laquelle le Dr Garrel est un « expert établi et que ses commentaires portent uniquement sur son expertise, soit le processus d’élimination des graisses ».
CONCLUSION
Après examen, les membres de la commission d’appel concluent à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, le dossier est clos.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que les décisions de la commission d’appel sont finales.
Pierre Thibault
Au nom de la commission d’appel
La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :
Représentant du public :
Pierre Thibault
Représentant des journalistes :
Vincent Larouche
Représentant des entreprises de presse :
Renel Bouchard