Plaignant
M. Nicolas Mesly
Mis en cause
Mme Sylvie Rivard, rédactrice en chef, Mme Lyne Gosselin, présidente du groupe Edikom et le site Internet du magazine L’actualité Alimentaire
Résumé de la plainte
Le 2 février 2016, M. Nicolas Mesly porte plainte contre Mme Sylvie Rivard, rédactrice en chef, Mme Lyne Gosselin, présidente du groupe Edikom et le site Internet du magazine L’actualité Alimentaire, leur reprochant d’avoir plagié un de ses textes le 8 décembre 2015.
Le plaignant, un journaliste pigiste, reproche à L’actualité Alimentaire d’avoir repris, sans attribution, un texte dont il est l’auteur, publié dans Le Coopérateur agricole en octobre 2014.
Analyse
Grief 1 : plagiat
M. Mesly déplore que les mis en cause aient publié, sur leur site Internet, « une partie importante de [son] article en changeant le titre et sans mettre [son] nom comme auteur ». La source, Le Coopérateur agricole, n’est indiquée qu’à la toute fin, mais son nom n’apparaît nulle part.
L’article avait été publié à l’origine dans Le Coopérateur agricole, en octobre 2014, sous le titre « Ontario : le nouveau visage de la grosse ferme d’à côté ».
Les mis en cause ont refusé de répondre à la présente plainte.
Dans un échange de courriels avec le plaignant, la rédactrice en chef de L’actualité Alimentaire, Mme Sylvie Rivard, reconnaît l’emprunt : « Nous avons agi de bonne foi; de plus, nous n’avons utilisé que quelques paragraphes de votre texte et en renvoyant directement au site web pour la lecture du dossier complet. Nous vous suggérons toutefois de vous prémunir contre cette situation en utilisant une fonction de restriction aux textes. »
En matière de plagiat, le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse précise, à l’article 14.6 : « Les journalistes et les médias d’information ne se livrent pas au plagiat. »
Dans le cas présent, le Conseil observe que l’entièreté du texte paru dans L’actualité Alimentaire, sous le titre « Kathleen Wynne, la première ministre de l’Ontario mise sur l’agroalimentaire », est une reproduction mot à mot d’une partie d’un texte — l’amorce et les cinq premiers paragraphes — précédemment paru dans le Coopérateur agricole sous le titre « Ontario : le nouveau visage de la grosse ferme d’à côté ».
En outre, nulle part dans le chapeau du texte ne retrouve-t-on d’informations sur la source du texte. Il faut se rendre à la toute fin de celui-ci pour voir la mention suivante : « Pour lire la suite du dossier, cliquez ici. Source : Le Coopérateur »
Le Conseil a récemment eu à se pencher sur un cas similaire à celui-ci. Dans le dossier D2014-05-127 (2), le Conseil avait jugé que le portail d’informations YAHOO! avait commis du plagiat en reprenant presque intégralement un texte précédemment paru dans La Presse, en dépit du fait qu’il était indiqué que les informations provenaient du quotidien :
« Bien que La Presse soit mentionnée comme une source à quatre reprises dans le texte publié par Yahoo! Québec, le Conseil estime que dans un cas aussi poussé de reproduction intégrale, le fait de ne pas attribuer rigoureusement, par des guillemets, chaque passage du texte ainsi repris est une faute déontologique qui risque d’induire le public dans l’erreur quant au véritable auteur du texte.
Le Conseil s’interroge par ailleurs quant aux limites que devraient respecter les médias lorsqu’ils citent des articles écrits par d’autres. Est-il acceptable par exemple de publier un texte composé en totalité de citations, dûment placées entre guillemets, provenant d’un article publié dans un autre média, même si le texte est pleinement attribué? Lorsqu’il cite des extraits d’un reportage provenant d’un autre média, doit-il s’imposer un traitement minimal pour publier un texte? Dans le cas de la présente plainte, il aurait sans doute été souhaitable que l’autorisation des auteurs ait été obtenue. Le Conseil estime que dans un cas où les contraintes de la pratique journalistique ne permettent pas de bonifier une information, mieux vaut produire un très court résumé du contenu que l’on souhaite reprendre, et l’accompagner d’un hyperlien conduisant à la source citée. » (nos soulignements)
Du passage précédent, on doit retenir que la jurisprudence du Conseil établit clairement que « le fait de ne pas attribuer rigoureusement, par des guillemets, chaque passage du texte ainsi repris est une faute déontologique qui risque d’induire le public dans l’erreur quant au véritable auteur du texte. » C’est manifestement le cas ici : force est de constater que le texte paru dans L’actualité Alimentaire ne fait que reprendre intégralement une bonne portion d’un texte paru précédemment dans Le Coopérateur agricole, sans autre forme de traitement journalistique et surtout, sans l’utilisation de guillemets.
De plus, comme l’indication de la source n’arrive qu’à la toute fin du texte, n’importe quel lecteur qui ne s’y rendrait pas serait forcément trompé quant à l’origine du texte.
Enfin, aux yeux du Conseil le fait d’avoir modifié le titre original renforce l’idée que les mis en cause ont vraisemblablement cherché à s’approprier un texte qui n’était pas le leur.
Pour toutes ces raisons, le grief de plagiat est retenu.
Refus de collaborer
Le Conseil déplore le fait que L’actualité Alimentaire ait refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Nicolas Mesly et blâme Mmes Sylvie Rivard et Lyne Gosselin ainsi que le site Internet du magazine L’actualité Alimentaire pour le grief de plagiat.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.3)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Éricka Alnéus
- M. Paul Chénard
- Mme Nicole Mckinnon
Représentant des journalistes :
- M. Philippe Teisceira-Lessard
Représentant des entreprises de presse :
- M. Pierre-Paul Noreau
Date de l’appel
20 April 2017
Appelant
Mme Lyne Gosselin, présidente du groupe et le site Internet du magazine L’actualité Alimentaire
Décision en appel
PRÉAMBULE
Lors de l’étude d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.
GRIEFS DE L’APPELANTE
L’appelante invoque un vice de procédure et conteste la décision de première instance relativement à un point :
- Vice de procédure
- Non-respect de la procédure de traitement des plaintes
- Grief 1 : Plagiat
Vice de procédure
L’appelante, Mme Lyne Gosselin présidente de L’actualité alimentaire, demande à ce que les paragraphes [5] et [17] de la décision de première instance soient retirés, considérant qu’elle a transmis une réplique au dossier en date du 28 avril 2016.
L’intimé, M. Nicolas Mesly demande le maintien de la décision de première instance et regretterait que L’actualité Alimentaire soit exonérée en raison d’une omission technique.
Les membres de la commission ont pris connaissance de la demande d’appel et ont constaté qu’une réplique avait bel et bien été soumise par le média dans le présent dossier.
Les membres de la commission accueillent donc l’appel sur ce point et annulent les paragraphes [5] et [17] déplorant le manque de collaboration du média.
Grief 1 : plagiat
L’appelante soumet que considérant que sa réplique n’a pas été prise en compte dans l’analyse du dossier en première instance, elle demande une révision du dossier devant le comité des plaintes.
Les membres de la commission d’appel observent que les éléments contenus dans la réplique du média, qui fait état de courriels entre les deux parties, ont été présentés aux membres du comité de première instance; ces documents se retrouvaient annexés à la plainte de M. Mesly. Les membres de la commission estiment donc que le comité de première instance avait en main l’ensemble des documents et qu’ils ont pu prendre une décision éclairée.
Les membres de la commission jugent, à l’instar du comité de première instance, que « le texte paru dans l’actualité Alimentaire ne fait que reprendre intégralement une bonne portion d’un texte paru précédemment dans le Coopérateur agricole, sans autre forme de traitement journalistique et surtout sans l’utilisation de guillemets. »
Les membres de la commission rejettent l’appel sur le grief de plagiat.
La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Hélène Deslauriers
- M. Pierre Thibault
Représentant des journalistes :
- M. Jean Sawyer
Représentant des entreprises de presse :
- M. Pierre Sormany