Plaignant
M. Alain Legros
Mis en cause
MM. Martin Leclerc, Benoît Bilodeau, Christian Asselin, et Claude Desjardins et Mmes Reine Côté et Julie Godin, journalistes et M. Christian Asselin, directeur du contenu rédactionnel et l’hebdomadaire La Voix des Mille-Îles
Résumé de la plainte
Le 27 février 2016, M. Alain Legros porte plainte contre les journalistes Martin Leclerc, Benoît Bilodeau, Christian Asselin et Claude Desjardins, Reine Côté et Julie Godin, le directeur du contenu rédactionnel, Christian Asselin, et l’hebdomadaire La Voix des Mille-Îles pour la publication de publicités déguisées et avoir omis de distinguer publicité et information.
La plainte porte sur un cahier spécial publié le 24 février 2016 dans La Voix des Mille-Îles, préparé par Mme Stéphanie Mainville, conseillère publicitaire, selon ce qu’on peut lire sur la première page du cahier. Le plaignant estime que le caractère commercial de ce cahier est mal identifié et que la participation de journalistes au projet entraîne une confusion des genres.
Analyse
Grief 1 : publicité déguisée et omission de distinguer publicité et information
A) Publicité déguisée
Selon le plaignant, le cahier spécial intitulé « Nous les Blainvillois », publié le 24 février 2016 par l’hebdomadaire La Voix des Mille-Îles est de nature commerciale et publicitaire, sans que ce soit cependant indiqué, ce qu’il déplore.
Il reproche également à plusieurs journalistes de La Voix des Mille-Îles d’y avoir signé des textes complaisants, notamment envers l’administration municipale : « les différents articles font l’éloge du maire et de la ville sans aucune retenue, employant qualificatif sur qualificatif sans aucune contrepartie. »
Au nom des mis en cause, M. Christian Asselin, directeur du contenu rédactionnel, répond de façon catégorique : « Nous réfutons avoir été complaisants dans l’écriture des textes qui sont parus dans le cahier cité ci-haut. Il s’agissait d’un cahier à caractère informatif, inséré dans le journal régulier, et destiné à la population afin de leur permettre d’en apprendre davantage au sujet de leur Ville. Chacun des textes publiés dans ce cahier l’a été après qu’un travail rigoureux ait été exécuté par l’ensemble des journalistes mis en cause. »
En matière de publicité déguisée, l’article 6.3 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse stipule : « Les journalistes et les médias d’information évitent de faire de la publicité déguisée ou indirecte dans leur traitement de l’information. »
Le Conseil a analysé l’entièreté du cahier spécial « Nous les Blainvillois » et constate également, comme le plaignant, que les textes pris dans leur ensemble remplissent un dessein publicitaire. Malgré les prétentions du mis en cause, il est évident que ce cahier vise essentiellement à faire la promotion de l’administration municipale et des commerçants blainvillois. Toute la présentation va dans ce sens, et le ton est donné dès la page couverture, coiffée d’un mot du maire et d’un autre, signée par Mme Stéphanie Mainville, conseillère publicitaire, qui y affirme notamment : « J’ai préparé ce cahier ».
Au final, dans tous les textes qui y sont publiés, le Conseil constate que le ton et l’angle choisis y sont complaisants. Aucune note discordante, aucun point négatif, aucune critique n’y sont soulevés.
A fortiori, le Conseil juge que le fait que les journalistes impliqués sont les mêmes qui signent de véritables textes journalistiques dans les éditions régulières de l’hebdomadaire aggrave la confusion pour le public en occultant le caractère promotionnel de ce cahier spécial.
Pour le Conseil, cependant, il est impossible d’impliquer la responsabilité individuelle des journalistes cités dans la plainte, puisque c’est bien en raison de l’accumulation d’articles complaisants qu’il en arrive à la conclusion que le cahier publicitaire que dénonce M. Legros était, dans les faits, de nature publicitaire. Or, les journalistes, pris individuellement, ne sauraient être tenus responsables pour l’ensemble de l’oeuvre.
En conséquence, le grief de publicité déguisée est retenu, mais uniquement à l’encontre de l’hebdomadaire La Voix des Mille-Îles et de son directeur du contenu rédactionnel, M. Christian Asselin.
B) Omission de distinguer publicité et information journalistique
En outre, pour le plaignant, « il est clair qu’aucune distinction n’est faite entre l’information et la publicité ».
À cela, le directeur du contenu rédactionnel de La Voix des Milles-Îles, M. Christian Asselin, répond : « [E]n aucun cas ces textes n’ont été écrits en échange d’un contrat publicitaire. Si tel eût été le cas, la publication aurait été encadrée, identifiée comme étant un publireportage et non signée, comme nous avons l’habitude de le faire. »
En matière de distinction entre la publicité et l’information journalistique, l’article 14.2 du Guide précise quant à lui que « Les médias d’information établissent une distinction claire entre l’information journalistique et la publicité afin d’éviter toute confusion quant à la nature de l’information transmise au public. »
Dans une décision rendue contre La Presse+ (D2014-12-061 et D2014-12-070), le Conseil avait blâmé le média d’avoir mal distingué publicités et contenu journalistique, énonçant au passage ce que l’on peut considérer comme un test pour déterminer le niveau de clarté requis à cet égard : « un contenu publicitaire doit pouvoir, à sa face même, être identifié comme tel. Le lecteur moyen doit être en mesure de faire cette constatation au premier coup d’oeil, sans que ne soit requise de sa part une recherche ou une action quelconque. »
Le Conseil a pu remarquer, en analysant le cahier en question, que le caractère promotionnel du cahier spécial n’est indiqué nulle part de façon claire et manifeste. Au contraire, on constate plutôt que la même police de caractère que celle des pages journalistiques de l’hebdomadaire est utilisée et qu’on y met à contribution les journalistes de l’hebdomadaire, qui y signent des textes.
Dans les circonstances, le Conseil juge donc que La Voix des Mille-Îles n’a pas pris les moyens raisonnables pour distinguer clairement la publicité et l’information journalistique, puisqu’il est manifestement impossible de reconnaître, au premier coup d’oeil, son caractère promotionnel. Aux yeux du Conseil, ceci contrevient aux standards déontologiques en matière de distinction entre la publicité et l’information journalistique, tels que définis dans la jurisprudence.
Ainsi, le grief pour omission de distinguer publicité et information est retenu.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Alain Legros et blâme M. Christian Asselin, directeur du contenu rédactionnel, et l’hebdomadaire La Voix des Mille-Îles pour les griefs de publicité déguisée et omission de distinguer publicité et information.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.3)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Éricka Alnéus
- M. Paul Chénard
- Mme Nicole Mckinnon
Représentant des journalistes :
- M. Philippe Teisceira-Lessard
Représentant des entreprises de presse :
- M. Pierre-Paul Noreau
Analyse de la décision
- C21A Publicité déguisée en information
Date de l’appel
20 April 2017
Appelant
M. Christian Asselin, directeur de contenu rédactionnel et La Voix des Mille-Îles
Décision en appel
PRÉAMBULE
Lors de l’étude d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.
GRIEFS DE L’APPELANT
L’appelant conteste la décision de première instance relativement à un grief :
- Grief 1 : Publicité déguisée et omission de distinguer publicité et information
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- Publicité déguisée
- Omission de distinguer publicité et information
-
Grief 1 : publicité déguisée et omission de distinguer publicité et information
L’appelant M. Christian Asselin, directeur du contenu, dit ne pas comprendre en quoi le cahier « Nous, les Blainvillois » puisse être qualifié de publicité déguisée. Jamais, avance-t-il un représentant publicitaire n’a eu son mot à dire sur le contenu rédactionnel de ce cahier et aucun intervenant cité dans le cahier n’a eu accès aux textes avant sa publication.
M. Asselin en appelle du paragraphe [16] de la décision mentionnant « que le caractère promotionnel du cahier spécial n’est indiqué nulle part de façon claire et manifeste ». De son avis, « il est clair qu’il s’agit d’un cahier d’information. Afin de s’assurer que nos lecteurs comprennent bien cette distinction, nous leur répétons à chacune des pages de gauche du cahier. » De plus ajoute-t-il « pour dissiper tout doute à ce sujet, les couleurs utilisées pour les titres des textes et des bas de vignette (vert, bleu, orange, etc.) ne sont pas les mêmes que les couleurs que nous utilisons normalement lors de la mise en page de nos éditions régulières (noir et rouge). » Ainsi, ajoute-t-il, le journal répond bien à l’article 14.2 qui souligne que les médias doivent établir une distinction claire entre l’information journalistique et publicité. Par ailleurs, à cet effet, les textes promotionnels publiés en page 10 au sujet d’Amyot Gélinas ou en page 11 sur La Petite Bretonne ou en pages 20-21 sur Provigo sont bel et bien encadrés.
L’intimé M. Alain Legros se dit satisfait de la décision et que le paragraphe [16] contesté par l’appelant est clair : « Au contraire, on constate plutôt que la même police de caractère que celle des pages journalistiques de l’hebdomadaire est utilisée et qu’on y met à contribution les journalistes de l’hebdomadaire, qui y signent des textes. » L’intimé rappelle que rien dans l’appel de M. Asselin ne vient contester ce fait.
Les membres de la commission d’appel considèrent que l’appelant n’apporte pas d’éléments démontrant que le comité de première instance a mal appliqué les principes déontologiques de publicité déguisée et d’omission de distinguer publicité et information.
Les membres de la commission rejettent l’appel sur le grief de publicité déguisée et d’omission de distinguer publicité et information journalistique.
DÉCISION
Après examen, les membres de la commission d’appel ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, l’appel est rejeté et le dossier cité en titre est fermé.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que les décisions de la commission d’appel sont finales. L’article 9.3 s’applique aux décisions de la commission d’appel : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membreS s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.3)
La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Hélène Deslauriers
- M. Pierre Thibault
Représentant des journalistes :
- M. Jean Sawyer
Représentant des entreprises de presse :
- M. Pierre Sormany